lundi 21 avril 2014

Du bon usage de l’encre de Chine




Dimanche matin, la tête encore bien lourde, je reprends le chemin de l’ITA. La veille, le ministre de l’intérieur et des élections avait beaucoup de peine à cacher sa joie. Le système ayant parfaitement fonctionné, comme il le fait depuis 52 ans – exception faite des locales de juin 90 et des législatives de décembre 91, remportées sur une déferlante par le FIS de qui vous savez-, il peinait derrière une jubilation longuement retenue. C’est pourquoi, sans surprises, j’ai regardé ses rictus dans une profonde et sincère allégresse. Comme le jour du scrutin, tandis que je faisais le tour de nombreux centres de vote, j’ai pu apprécier le travail réalisé par l’administration qui se confond avec les élus. Partout, d’anciens camarades, de nombreux anciens élèves avec qui je garde d’excellents souvenirs et un grand respect, n’ont pas hésité à me confier leurs états d’âmes. J’ai fortement apprécié leur bravoure face à la déferlante. C’est pour moi une très grande satisfaction que de constater que mon enseignement n’a pas été vain, puisque la dignité aura encore une fois triomphé de la malice. Ils étaient très fiers de dire avec force détails, qu’ils ont résisté à toutes les pressions et à toutes les tentations. Surtout qu’à Mostaganem, le candidat Bouteflika n’avait vraiment pas besoin des fraudeurs, ici plus qu’à Nedroma, il est adulé par les votants. Ce qui fera dire à ce jeune fonctionnaire que de toutes les façons il était largement en tête, bien loin devant Benflis et à des milliers de lieues de Louisa, de Fawzy et de Touati ; j’épargne Belaïd, parce que Chaoui de souche ! C’est ainsi que dimanche matin, soit une semaine après la fin des vacances de printemps, j’appréhendais ce retour, mais sans forcer, car je savais que Mosta avait élu Bouteflika et quitte à en choquer quelques uns, ça ne m’a jamais effrayé, bien au contraire. Car le concernant, je n’ai pas dévié de ma première posture, celle de septembre 98, lorsqu’il avait  été adoubé par l’armée pour reprendre du service et sauver quelques têtes que des esprits mal intentionnés voulaient expédier vers je ne sais quel juge international.  Rasé de frais, l’œil pétillant, l’écharpe autour du cou, je m’empresse de rejoindre l’esplanade de l’ITA. Manifestement j’étais attendu, puisque sitôt le pied gauche à terre, j’aperçois un forestier avec une pile de journaux sous le bras. Les deux bises expédiées, l’attaque fuse comme une sarbacane indigène. C’est d’abord El Watan qui en prend pour son compte. Je n’y suis que correspondant et n’ai aucune influence sur sa ligne éditoriale, mais ça n’a aucun effet sur mon collègue qui continue à frapper avec des mots d’une rare violence. Lui parle dune défaite pour les intellectuels, moi je réplique que rares sont les universitaires qui peuvent prétendre à ce titre. Puis c’est ma personne qu’il pointe de ses flèches sans reculs au point qu’un authentique ancien champion de natation – avec participation aux  JO de Moscou en 1980- de surcroit Tlemcenéen de souche, intervient pour atténuer la violente attaque de son voisin.  La discussion s’emballe et d’autres collègues nous rejoignent. C’est alors que je lance un défi à mon inquisiteur sous la forme d’un sondage « on live ». J’invite le groupe à exhiber l’index et nous faisons le compte. Le résulta est implacable ! Sur les 5 enseignants, un seul était allé voter, l’encre indélébile faisant foi ! Soit 80% de non votants, donc une écrasante majorité à laquelle je suis fier d’appartenir. Le sondage sera ensuite proposé à nos étudiants et  chaque fois qu'un groupe se formait, je leur demandais d’exhiber l’index afin que de compter le nombre de votants...Nous avons passé la matinée de dimanche à jouer aux sondeurs. Ainsi, sur la  trentaine d'étudiants tous cycles confondus, pas un seul n'avait d'encre indélébile sur l'index... c'est pas très sérieux de contredire son ministre de l'intérieur, mais à l'université, sans jeu de mots, les votants se comptaient sur le doigt, l'index en l’occurrence, d'une seule main...ce qui fera dire à Saïd M., originaire, je sais ça ne se voit pas, mais originaire de Béni Amrane tout de même...dans la Kabylie de Boumerdès...là où en juin 2002, un tremblement de terre a laissé des traces indélébiles...comme l'encre par laquelle le système vient de consacrer Bouteflika 4...


Le problème est très lourd de conséquences, car du coup, le petit fanfaron qui était venus me taquiner dès les premiers souffles de « Chergui »,- ce vent qui froisse la peau des baigneurs-, lui,  ainsi que ces fiers à bras d'un jour, qui ont même zappé les ablutions à l’eau afin de préserver l'appartenance à la tribu des votants... ont en eut pour leur grade...à chaque regroupement, les abstentionnistes étaient très largement majoritaires. Soit un score inversement proportionnel à celui annoncé par les très officiel Tayeb Belaïz...très vite le «montrage» de doigt s'est généralisé, tant et si bien que le lendemain, nombreux étaient les rares votants à avoir eut recours à tous les subterfuges pour rejoindre la majorité....silencieuse mais pas pour longtemps...un étudiant de Laghouat, très porté sur le caritatif a eut cette réflexion: il faut s'attendre à ce que l'importateur de l'encre qui confond, soit la première victime de Boutef4...on a pas idée d'importer une encre d'une si bonne qualité...goguenard, il ajouta que si Benflis avait été futé, il aurait seulement demandé aux 11 millions de votants de montrer leur doigt et de se compter...Car s’il est vrai que la victoire de Bouteflika était actée à partir du moment où  il s’était résolu à se présenter, elle n’aura pas atteint le score singulier qui a été annoncé. C’est ce qui explique en grande partie ma sérénité renouvelée, surtout lorsqu’elle sera confortée par les valeureux étudiants qui sont venus grossir les rangs des partisans du boycott. Pour une fois que nous avons la majorité, ne faisons pas la fine bouche. En attendant, il va falloir que le ministre du commerce aille voir de plus prêt ces conteneurs d’encre de Chine…cette traitresse venue de si loin …ça lui apprendra à s’égarer. Ca fait penser à cette subtile recommandation de notre cher Prophète Mohammed « Outloubou El 3ilma oua law fi Essine » «  Allez chercher la science jusqu’en Chine »…lui n’a jamais parlé d’encre ; ce qui aurait donné «outlouba El hibra oua law fi Essine» ! Enfin, pour une fois qu’un produit ramené de Chine qui ne soit ni contrefait ni frelaté, franchement il y a de quoi jubiler en rangs serrés!

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