Quoi de plus normal qu’une
virée agronomique au cœur des OGM. Ce que rapporte cet article est absolument
alarmant car il décrypte certaines facettes de la biologie des plantes qui
remet en cause nos anciennes connaissances et jette un éclairage pertinent et
précis sur les dérives possibles dans la manipulation du génome des plantes. Le
papier a le mérite de ne jamais verser dans le catastrophisme, mais il est suffisamment
clair sur les dangers qui peuplent nos assiettes. Car la très grande majorité
du maïs est utilisée dans l’alimentation du bétail, lequel participe pour bcp
dans l’alimentation humaine. A lire pour s’instruire et garder son esprit en
vigilance accrue…
La stratégie diabolique des futures plantes OGM
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2013/08/18/la-strategie-diabolique-des-futures-plantes-ogm/
Jeudi 1er
août (2013, NDLR), le
Conseil d'Etat a annulé le moratoire qui frappait depuis 2012 le MON810, un
maïs transgénique de la firme américaine Monsanto. Le MON810 est une plante à
laquelle un gène a été ajouté pour qu'elle produise une toxine dite
"Bt" (du nom de la bactérie Bacillus thuringiensis qui
la synthétise naturellement), toxine qui tue les insectes ravageurs de ce maïs,
comme la pyrale, en paralysant l'intestin des larves. Dans l'esprit des
créateurs de cette plante transgénique, faire fabriquer le pesticide directement
par la plante évite aux agriculteurs d'en épandre sur leurs cultures.
Cette
décision du Conseil d'Etat a une nouvelle fois relancé le débat sur la culture
d'organismes génétiquement modifiés (OGM) en France, les opposants aux OGM
soulevant plusieurs arguments, comme les risques pour la santé des
consommateurs (humains ou animaux d'élevage), la contamination des cultures
non-OGM et du miel, le fait que certains insectes utiles seraient victimes de
la plante ou bien le développement de résistances à la toxine chez les
nuisibles.
Ce débat, qui a depuis longtemps quitté le domaine de la science pour tomber
dans celui de la politique – les arguments exploités par les uns et les
autres étant plus d'ordre idéologique que biologique –, pourrait bien de toute manière
devenir rapidement un combat d'arrière-garde avec la future génération de
plantes transgéniques, ainsi que le souligne Science dans son
numéro spécial du 16 août, consacré à l'épineuse question des pesticides.
En effet, les OGM de demain ne seront plus conçus suivant le principe assez
basique qui consistait à leur faire produire l'insecticide. Non, ils seront
l'insecticide, grâce à une stratégie diabolique, celle de l'interférence ARN.
Derrière
cette expression se cache un
phénomène dont
la découverte a valu à Craig Mello et Andrew Fire le Nobel de médecine 2006.
Pour le comprendre, il faut entrer dans le mécanisme cellulaire. Dans le noyau
se trouve l'ADN, qui constitue le support de l'information génétique et détient
la recette de fabrication des protéines indispensables à la vie. En revanche,
l'usine qui synthétise ces protéines est située dans le cytoplasme de la
cellule, c'est-à-dire à l'extérieur du noyau. Pour fabriquer une protéine, il
faut par conséquent copier
l'information contenue dans le gène qui, au sein de l'ADN, correspond à cette
protéine, puis la transporter à l'extérieur du noyau. C'est le rôle de
l'ARN messager.
Ce qu'ont
découvert Mello et Fire, c'est que l'on pouvait, à l'aide d'un ARN dit
"interférent", intercepter le facteur en cours de route : de tout
petits morceaux de cet ARN interférent viennent se coller à l'ARN messager, ce
qui entraîne sa destruction. Conclusion : le message ne parvient jamais à
l'usine à protéines, la protéine n'est pas synthétisée et son gène est comme
éteint. Le phénomène de l'interférence ARN se retrouve dans la nature, soit
pour lutter contre l'introduction de génomes étrangers (de virus, par exemple),
soit pour moduler l'expression de certains gènes.
L'idée des fabricants de semences OGM consiste à faire fabriquer à leurs
plantes un micro-ARN interférent réduisant au silence une protéine-clé pour
l'organisme des insectes ravageurs. Une fois que ces derniers auront croqué
dans la plante et assimilé l'ARN interférent en question, celui-ci empêchera la
production de la protéine vitale et l'animal mourra. On peut dans ce cas
considérer que la plante a été transformée en poison pour ces insectes.
Une
étude canadienne publiée en 2009 a montré que la technique fonctionnait
avec plusieurs parasites bien connus, comme le tribolium rouge de la
farine, le puceron du pois ou le sphinx du tabac. Autre point important de
cette étude : il est possible de cibler une espèce sans porter préjudice à ses
cousines proches. Ces chercheurs ont ainsi choisi un gène présent chez quatre
drosophiles, mais dont l'écriture varie suivant les espèces. En sélectionnant
très précisément un petit morceau du code génétique spécifique à l'une de ces
mouches, il a été possible d'éteindre le gène chez elle, alors qu'il demeurait
actif chez les trois autres espèces.
Ainsi que
l'explique Science,
les premières plantes OGM à ARN interférent devraient arriver sur le marché
d'ici à la fin de la décennie. Les semenciers se sont mis en ordre de bataille,
comme le Suisse Syngenta qui, pour plus de 400 millions d'euros, a
racheté en 2012 l'entreprise belge DevGen, spécialiste de l'interférence
ARN. Monsanto n'est pas en reste qui, toujours en 2012, s'est
allié à un autre champion de cette biotechnologie, Alnylam Pharmaceuticals.
Par ailleurs, au cours de l'année écoulée, les chercheurs de Monsanto ont
publié deux articles (ici
et là)
dans lesquels ils expliquent avoir mis en sommeil, par interférence ARN, un
gène de la chrysomèle des racines du maïs, insecte qui coûte un milliard de
dollars par an aux producteurs de maïs américains.
Toute la
question est
désormais de savoir si ces OGM produisant des micro-ARN interférents seront
sans risque pour les mammifères (hommes ou bétail) qui les consommeront. On a
longtemps pensé (et certains le pensent toujours) que ces minuscules molécules
étaient trop fragiles pour résister au processus de digestion. Mais une étude
chinoise publiée en 2011 par la revue Cell Research est venue
jeter le doute : ses auteurs affirmaient avoir retrouvé dans le sang d'humains
des micro-ARN interférents provenant de plantes diverses et notamment du riz.
Et un de ces ARN interférents était même capable de réguler l'élimination du
cholestérol !
L'étude ne
parlait absolument pas des futurs OGM, mais cela n'a pas empêché le
site AlterNet de faire le rapprochement et de lancer l'alerte. De ce long
pamphlet contre les OGM, pas
toujours très exact, je retiendrai la seule proposition scientifique sensée
: avant toute commercialisation d'une plante transgénique fonctionnant sur le
principe de l'interférence ARN, il faudra évidemment prendre la précaution
élémentaire de vérifier que le micro-ARN sélectionné ne correspond pas, par un
hasard malheureux, à une séquence du code génétique d'Homo sapiens ou
des principaux animaux d'élevage.
Pour le
reste, on laissera aux hommes politiques, aux lobbies de tout bord et aux
instituts de sondage le soin de décider si les OGM doivent ou pas être
cultivés.
Pierre Barthélémy
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire