UNE RENCONTRE FORTUITE AVEC UN ROMAN...pas n'importe quel roman...il s'agit de "L'Amour, la fantasia" d'Assia Djebbar, l’académicienne du Dahra Oriental...une visite guidée à travers la tumultueuse histoire de mon pays...une chevauchée qui traverse l'histoire de la colonisation par la France...avec comme compagnons de voyages d'illustres personnages, et d'autres bien rebutants...
C'est en me rendant chez un photographe du centre ville que
je découvre une librairie...installée depuis quelques mois en lieux et place du
studio Malik, là où j'ai fais mes classes auprès d'un immense personnage, j'ai
nommé Monsieur Abdelkader Bensaber...il était à la fois opticien et
photographe...compétent et scrupuleusement honnête...au 6 rue Bessaieh Ghali...non loin de la place du
Novelty...ici on continue de l'appeler du nom d'un des plus grands égorgeurs de
mon peuple, il était dans la troupe qui a dépecé la population indigène de Laghouat, en 1848...sous les ordres
du sanguinaire Pélissier....une connaissance, n'est-ce pas? L'enfumeur en chef des
Ouled Ryah, en juin 1845...cette expérience allait lui servir lors des
massacres de Laghouat...c'est donc dans cette librairie dont j'ignorais
l'existence que je rentre pour la première fois...le libraire, un Ghomri, une
grande famille d'artistes et surtout de maitres tailleurs...reconvertis dans le
commerce du livre, quelle belle translation!!!Avant il habillait les corps,
désormais il habillera les esprits...je tombe sur une collection de classiques,
Mouloud Féraoun, Dib, Mammeri...puis un intrus qui n'a pas vu Kaboul mais qui a rencontré
ses hirondelles, normal les hirondelles voyagent....les Kabouliotes
moins...puis sublime surprise, au moment où j'allais sortir, que vois-je, là à
ma droite, faisant face aux auteurs mâles indigènes, presque rangée par
inadvertance, ou par sexisme, une série d'Assia Djebbar...frémissements
soutenus...je scrute avec minutie le petit rayon et voilà que mon regard est
happé par la sublime couverture...il est là à portée de main...en deux
exemplaires...je me pince, me cabre, regarde à nouveau...je m'assure
qu'il est bien là...que ce n'était pas une hallucination...ni un mirage...je reconnais parfaitement le tableau de Delacroix "Rebecca enlevée par le
templier pendant le sac du château de Frondeboeuf", visible au musée du Louvre…
...
Aucun
doute n’est plus permis, surtout dans la collection de poche,...un livre que je
cherche depuis que la découverte de la grotte de Ghar El Frachih, ou de Nekmaria...là
où furent asphyxiés plus de 1200 femmes, enfants et vieillards de la tribu des
Ouled Riah...Depuis que j'ai lu ce livre - emprunté chez une amie voilà 2 ans-
je n'avais qu'une seule idée en tête, le garder auprès de moi pour le restant
de mes jours. Sa propriétaire me l'a demandé à plusieurs reprises...sans
suite...car je n'arrive plus à supporter la moindre séparation d'avec ce roman
d'Assia Djebbar...Si vous avez un (e) ami(e)...même analphabète, n'hésitez
surtout pas à lui offrir "L'Amour, la fantasia" ...il apprendra à
lire...il apprendra bcp sur l'histoire de la conquête coloniale, sur les
trahisons et les faits d'armes, sur la bravoure et la couardise, sur l'amour du
voisin, du cousin, de la cousine, de la tribu, du douar, d'Alger, de Constantine,
du Bey Ahmed et de l'Emir Abdelkader, des Hadjouttes, des Ouled Ryah, du Dahra
et de son héros, le jeune et redoutable "Moul Essa3a" ( le Maitre de
l'heure), le seigneur Mohamed Ben Abdallah, alias Boumaaza....l'homme qui fit
trembler Bugeaud et ses troupes...en soulevant les tribus rebelles du
Dahra...Vous ferez une chevauchée fantastique dans les immenses plaines
intérieures et sur les mille collines du Dahra...vous y croiserez Hamdane
Khodja, lui même auteur d'une fabuleuse histoire de la colonisation, celui dont
la maitrise de la langue Française fera pâlir
de jalousie les classiques de France et de Navarre...si vous avez ne
serait-ce qu'une petite place, n'hésitez pas, vous ne serez jamais déçus par ce
roman écrit dans la langue de l'ennemi...pour dire nos douleurs et pour marquer
le temps en lettres de sang, en lettres d'Amour...par une descendante des redoutables et non moins héroïques Hadjouttes...
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