vendredi 4 janvier 2013

Fantasia avec Assia Djebbar



UNE RENCONTRE FORTUITE AVEC UN ROMAN...pas n'importe quel roman...il s'agit de "L'Amour, la fantasia" d'Assia Djebbar, l’académicienne du Dahra Oriental...une visite guidée à travers la tumultueuse histoire de mon pays...une chevauchée qui traverse l'histoire de la colonisation par la France...avec comme compagnons de voyages d'illustres personnages, et d'autres bien rebutants...

C'est en me rendant chez un photographe du centre ville que je découvre une librairie...installée depuis quelques mois en lieux et place du studio Malik, là où j'ai fais mes classes auprès d'un immense personnage, j'ai nommé Monsieur Abdelkader Bensaber...il était à la fois opticien et photographe...compétent et scrupuleusement honnête...au 6 rue Bessaieh Ghali...non loin de la place du Novelty...ici on continue de l'appeler du nom d'un des plus grands égorgeurs de mon peuple, il était dans la troupe qui a dépecé la population indigène de Laghouat, en 1848...sous les ordres du sanguinaire Pélissier....une connaissance, n'est-ce pas? L'enfumeur en chef des Ouled Ryah, en juin 1845...cette expérience allait lui servir lors des massacres de Laghouat...c'est donc dans cette librairie dont j'ignorais l'existence que je rentre pour la première fois...le libraire, un Ghomri, une grande famille d'artistes et surtout de maitres tailleurs...reconvertis dans le commerce du livre, quelle belle translation!!!Avant il habillait les corps, désormais il habillera les esprits...je tombe sur une collection de classiques, Mouloud Féraoun, Dib, Mammeri...puis un intrus qui n'a pas vu Kaboul mais qui a rencontré ses hirondelles, normal les hirondelles voyagent....les Kabouliotes moins...puis sublime surprise, au moment où j'allais sortir, que vois-je, là à ma droite, faisant face aux auteurs mâles indigènes, presque rangée par inadvertance, ou par sexisme, une série d'Assia Djebbar...frémissements soutenus...je scrute avec minutie le petit rayon et voilà que mon regard est happé par la sublime couverture...il est là à portée de main...en deux exemplaires...je me pince, me cabre, regarde à nouveau...je m'assure qu'il est bien là...que ce n'était pas une hallucination...ni un mirage...je reconnais parfaitement le tableau de Delacroix "Rebecca enlevée par le templier pendant le sac du château de Frondeboeuf", visible au musée du Louvre…
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Aucun doute n’est plus permis, surtout dans la collection de poche,...un livre que je cherche depuis que la découverte de la grotte de Ghar El Frachih, ou de Nekmaria...là où furent asphyxiés plus de 1200 femmes, enfants et vieillards de la tribu des Ouled Riah...Depuis que j'ai lu ce livre - emprunté chez une amie voilà 2 ans- je n'avais qu'une seule idée en tête, le garder auprès de moi pour le restant de mes jours. Sa propriétaire me l'a demandé à plusieurs reprises...sans suite...car je n'arrive plus à supporter la moindre séparation d'avec ce roman d'Assia Djebbar...Si vous avez un (e) ami(e)...même analphabète, n'hésitez surtout pas à lui offrir "L'Amour, la fantasia" ...il apprendra à lire...il apprendra bcp sur l'histoire de la conquête coloniale, sur les trahisons et les faits d'armes, sur la bravoure et la couardise, sur l'amour du voisin, du cousin, de la cousine, de la tribu, du douar, d'Alger, de Constantine, du Bey Ahmed et de l'Emir Abdelkader, des Hadjouttes, des Ouled Ryah, du Dahra et de son héros, le jeune et redoutable "Moul Essa3a" ( le Maitre de l'heure), le seigneur Mohamed Ben Abdallah, alias Boumaaza....l'homme qui fit trembler Bugeaud et ses troupes...en soulevant les tribus rebelles du Dahra...Vous ferez une chevauchée fantastique dans les immenses plaines intérieures et sur les mille collines du Dahra...vous y croiserez Hamdane Khodja, lui même auteur d'une fabuleuse histoire de la colonisation, celui dont la maitrise de la langue Française fera pâlir  de jalousie les classiques de France et de Navarre...si vous avez ne serait-ce qu'une petite place, n'hésitez pas, vous ne serez jamais déçus par ce roman écrit dans la langue de l'ennemi...pour dire nos douleurs et pour marquer le temps en lettres de sang, en lettres d'Amour...par une descendante des redoutables et non moins héroïques Hadjouttes...

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