Voilà onze mois que le HIRAK occupe la rue...et les esprits. Ce mouvement révolutionnaire a fait l'objet de nombreuses et parfois honteuses tentatives de récupération de la part de nombreuses mouvances. Sans aucun succès palpable. Ensuite, il fera l'objet des intimidations et autres incarcérations, avec guère plus de succès. Voilà que depuis quelques semaines, il est la cible de pseudo intellectuels en mal de vengeance sur un mouvement qui refuse toute tutelle...et qui s'obstine à ne pas désigner de représentants officiels, alors que les officieux sont légions. Ils sont dans ses rangs...et se recrutent dans toutes les couches sociales, à l'exception de l'élite...traditionnelle qui n'a pas jugé opportun de se mêler à la masse...Boukrouhn cette rachitique excroissance du ggénial Malek Bennabi dirait au Rachis...Ghachi toi meme...alors, dans le silence assourdissant de la bien pensance indigène, voilà un historien, enfant d'Aïn Béïda et Constantinois endurci, qui s'en mêle...dans un article d'une rare lucidité, Benjamin Stora donne une image apaisée et sereine d'un HIRAK flamboyant...C'est à ça aussi qu'on reconnait les véritables intellectuels et les véritables amis de l'Algérie. Moi même n'étant pas un inconditionnel de cet universitaire iconoclaste, je trouve normal que ce texte qu'il publie sous la forme d'un entretien à l'un des plus lucides journaux français, le journal La Croix, que ce texte soit repris ici sur Boussayar...où il côtoiera sans jamais les distraire, Gilbert Meynier - paix à son âme-, Olivier Le Cours Grandmaison et Mohamed Harbi...
« L’Algérie est une société du
refus »
Entretien Ave
Benjamin STORA
Le Hirak, le mouvement de contestation qui secoue
l’Algérie depuis onze mois, a profondément changé la société algérienne estime
l’historien Benjamin Stora qui publie « Retours d’histoire, l’Algérie après
Bouteflika »
La Croix
: le Hirak, le mouvement de contestation en Algérie, peut-il être qualifié de
révolution ?
Benjamin
Stora : Le Hirak
constitue un moment de rupture. Pour la première fois depuis l’indépendance de
l’Algérie, un président en exercice est contraint de quitter le pouvoir par un
mouvement populaire. Des personnages clés du système, deux anciens premiers
ministres, des oligarques et surtout les chefs des services de sécurité, le
général Médiène dit Toufik et Athmane Tartag son successeur, ont été arrêtés et
incarcérés.
Il était
inimaginable, au vu de leur prestige et de la peur qu’ils inspiraient, que de
tels puissants personnages finissent un jour derrière les barreaux. Toufik
était si craint qu’on ne prononçait même pas son nom. Et pourtant tout ce
système s’est effondré très vite à la grande surprise des manifestants.
Comment
l’expliquer ?
B. S. : La France pose un regard d’immobilisme
absolu sur l’Algérie. De sorte que lorsque la révolution éclate le 22 février
on n’y croit pas. Combien l’ont jugée impossible, y ont vu un complot ou une
manœuvre de l’appareil d’État ?
Or le
mouvement était d’une extraordinaire profondeur, nourri par un mouvement
social, chronique, depuis des années. Pour paraphraser la situation française,
il y a eu convergence des luttes. Des millions de personnes sont sorties dans
la rue, et continuent à le faire, et le président a été chassé. Si cela ne s’appelle
pas une révolution, alors comment l’appeler même si le centre du pouvoir,
l’armée, peut paraître identique ?
Vous
soulignez la tradition révolutionnaire de l’Algérie…
B. S. : La révolution française, la
révolution kémaliste, la révolution nassérienne constituent la matrice
idéologique de l’Algérie. Les leaders politiques ont baigné dans un imaginaire
révolutionnaire. Depuis l’indépendance, et même avant, l’histoire du pays est
une succession de soulèvements, de répressions sauvages, de manifestations, de
radicalités. La conquête coloniale française a été une guerre de trente ans de
1832 à 1871 avec des résistances ininterrompues ! En 1916 encore, la révolte
des Aurès a été réprimée dans le sang. Non le pays n’était pas pacifié comme le
croient tant de Français. L’Algérie est une société du refus.
Les
Algériens n’ont pas connu l’état de droit, ni à l’époque coloniale, ni après
l’indépendance. Cette conquête de l’état de droit, ancienne, ne peut exister
que par des démarches de rupture. D’où cette radicalité de la société que l’on
ne trouve nulle part ailleurs. Mais la médaille a un revers : comment, dans
cette culture révolutionnaire, installer une stabilité politique démocratique,
comment accepter la pluralité ? Dès que quelqu’un manifeste un désaccord, il
est qualifié de traitre, il est mis à l’index.
Onze mois
après son déclenchement, le Hirak est-il un échec ou une réussite ?
B. S. : En l’espace d’un an de combat
politique, ce mouvement n’a pas pu désigner de représentants ni se structurer
pour apparaître comme un contre-pouvoir crédible. Pourtant c’est une réussite
si l’on mesure combien il a bouleversé la société. Face à l’extrême opacité du
pouvoir, le Hirak est une demande de transparence, une volonté de déchirer le
rideau pour mettre à nu les réels acteurs du théâtre politique cachés derrière.
La peur a disparu. La liberté de parole existe. L’armée n’a pas tiré sur la
foule. Après des années d’humiliation, affublés d’un président invisible
représenté par un portrait auquel on offrait des cadeaux, les Algériens ont
renoué avec la fierté d’être algérien. Un seuil a été franchi sur lequel il
sera très difficile de revenir en arrière.
Vous évoquez
néanmoins une unanimité de façade pour le « dégagisme » qui cache de profondes
fractures au sein de la société algérienne…
B. S. : Parmi les nombreuses fractures,
deux me semblent déterminantes. Tout d’abord la hantise de la « congolisation
», cette peur très forte de la partition de cet immense pays. Ce n’est pas un
hasard si les Algériens arborent le drapeau national dans leurs manifestations,
comme le ciment qui leur permet de se sentir ensemble, pour braver la peur de
la dislocation du pays. Les tentations de séparatisme, de régionalisme
perdurent car, il n’y a jamais eu de volonté de définir, sur la base d’une
nation centralisée, le respect des minorités. Cette demande de pluralité
toujours refusée s’exprime dans la révolution. Pourquoi celui qui brandit
l’emblème amazigh irait-il en prison s’il revendique son « algérianité » ?
Ensuite
l’énorme fracture sociale, le chômage endémique. Les jeunes si nombreux - plus
de la moitié de la population a moins de 30 ans - se sentent mis à l’écart de
la société. Alors qu’une classe sociale supérieure s’est fortement enrichie
avec les hydrocarbures et la corruption sans se soucier de développer
l’économie.
Les trois
nouveaux dirigeants, le président Tebboune, le premier ministre Djerad et le
chef d’état-major Chengriha ne sont-ils pas des hommes du système peu
prometteurs de changement ?
B. S. : On ne peut pas se lancer dans le jeu
des pronostics. À l’intérieur du sérail, de l’armée, il y a aussi des tensions.
Bien malin celui qui pourrait dire ce sont toujours les mêmes hommes, rien n’a
changé. Il y a un an, on était persuadé que tout continuerait à l’identique.
Mais il est vrai que, si aucun contre-pouvoir s’organise, le risque de déboucher
sur un système à l’égyptienne, avec une armée pleinement aux commandes, arguant
de la menace aux frontières avec la Libye, le Mali et le Niger, ne peut être
exclu.
Avec le
commentaire de Hosni Kitouni, ; Hirakiste sincère, convaincu et
convaincant :
Kitouni Hosni
On connait B. Stora, son parcours et
ses prises de position, préjugés mis à part, il développe dans son analyse du HIRAK
des idées très intéressantes, en tous les cas plus intéressantes que celles de
nos Douteux nationaux qui faute de parrainer le HIRAK lui
prédisent une fin programmée. A lire donc Stora pour ce qu'il est, un historien
bon connaisseur de l'Algérie.
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