vendredi 22 février 2013

La chronique censurée de Abed Charef...

Un texte qui n'a pas reçu l'agrément du Quotidien d'Oran...lisez...vous comprendrez pourquoi...

La fine équipe du président Bouteflika

Publié le 22 février 2013 par Abed Charef

lien: http://abedcharef.wordpress.com/2013/02/22/la-fine-equipe-du-president-bouteflika/

Et si Ahmed Ouyahia n’avait pas été éjecté du RND, mais exfiltré pour être préservé ? A voir ce qui se arrive à ses anciens amis du gouvernement, Mohamed Bedjaoui, Chakib Khelil et Abdellatif Benachenou, l’ancien chef du RND doit être heureux de se retrouver en retrait.

Par Abed Charef



Le navire prend l’eau de toutes parts, et tout indique que l’ère Bouteflika tire à sa fin. Il y a des signes qui ne trompent pas. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir comment les gens tentent de quitter le navire pour se mettre à l’abri, comment le pouvoir a mis les siens au chaud bien avant la tempête, et comment les matelots tentent de marcher sur le cadavre de quelques officiers de second rang pour sauver leur peau et piller l’épave.

Abdellatif Benachenou est l’un de ceux qui veulent se ménager une porte de sortie sans trop de dégâts.  Il veut crever l’abcès dès maintenant pour ne pas être trainé dans la boue plus tard. Alors qu’il était resté très discret jusque-là, il a décidé de tracer une ligne pour se préserver, quand la tempête fera rage. Oui, j’ai été un ami de M. Abdelaziz Bouteflika, dit-il. Oui, j’ai fait adopter certaines lois, et j’étais hostile à une politique de dépense excessive. Mais là s’arrête ma responsabilité, répète à l’envie M. Benachenou, qui ne veut pas apparaitre comme un vulgaire membre du clan de voleurs et de corrompus, ces personnages dont le comportement défraie la chronique.

M. Benachenou tente ainsi de s’exfiltrer d’une situation délicate, en rappelant qu’il a quitté le gouvernement depuis huit ans. Il laisse entendre que sa nomination au ministère des finances a été le résultat d’un malentendu, et qu’il a rompu depuis bien longtemps. Il veut cultiver l’image d’un économiste entrainé bien malgré lui dans une aventure qui a mal tourné.

L’exercice est périlleux. Et il risque d’être mal interprété. D’autant plus que les amis de M. Bouteflika n’ont pas brillé par leur honnêteté ou leur compétence. Après l’affaire Saipem, dans laquelle deux ministres très proches de M. Bouteflika ont été mis en cause, il ne fait pas bon d’être un ami du chef de l’Etat. Et la lettre de M. Hocine Malti est venue remuer le couteau dans la plaie, comme pour signifier que la plaisanterie ne peut pas continuer.

Mais quel que soit le résultat, M. Benachenou devra admettre deux certitudes. D’un côté, il ne peut pas sortir indemne d’une période aussi marquée par la dégradation de la morale politique et par la mauvaise gouvernance. Malgré cela, il pourra toujours s’en tirer mieux que deux autres personnages clé du premier cercle du chef de l’Etat, MM. Mohamed Bejdaoui et Chakib, les deux hommes actuellement les plus décriés du pays.

Et pour cause ! MM. Bedjaoui et Khelil sont entrés dans le panthéon de la corruption, détournant des sommes qui donnent le tournis. Les deux hommes avaient déjà été cités dans l’affaire de l’autoroute est-ouest, mais ils n’avaient pas été inquiétés. Cette fois-ci, c’est la justice italienne qui les a livrés à l’opinion algérienne, pas la justice algérienne. Et cette fois-ci, il est impossible de faire comme si rien ne s’était passé.

A l’inverse de MM. Benachenou, Khelil et Bedjaoui, qui constituaient la fine équipe de Bouteflika, d’autres personnages importants du système mis en place par le chef de l’Etat, qu’on croyait en disgrâce, semblent plutôt s’en tirer à bon compte. Comme si une main bienfaitrice avait décidé de les mettre à l’abri avant la tempête. Il s’agit, entre autres, de MM. Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem, qui ont accompagné le chef de l’Etat comme premiers ministres durant près de deux mandats.

Avec les derniers scandales, l’éjection de M. Ouyahia du RND semble prendre une signification totalement différente. Tout laisse penser en effet qu’il a été exfiltré, pour le sortir d’une situation délicate, et lui éviter ainsi de se retrouver en première ligne au moment où l’entourage de M. Bouteflika serait trainé dans la boue. Et même si le nom de Belkhadem a été cité dans une affaire- il serait intervenu pour accorder à une entreprise italienne un contrat initialement remporté par une autre société-, il suffira de dire que les chefs du FLN et du RND sont tombés en disgrâce auprès de M. Bouteflika pour les blanchir. Ou, au moins, atténuer leur disgrâce auprès de l’opinion.

Mais ceci ne sera pas suffisant. Il y a quelque chose qui s’est brisé avec l’affaire Bedjaoui – Khelil. Pas seulement à cause des montants en cause, même s’il reste à évaluer les surcoûts payés par l’Algérie dans tous les contrats qui ont donné lieu à des commissions. Cette nouvelle affaire concerne un homme qui a été ministre de l’Energie, et un autre qui a occupé les ministères de la justice et des affaires étrangères. Quand l’homme chargé de juger les voleurs se met lui-même à voler, et quand un pays choisit un loup pour garder ses troupeaux de moutons, il n’y a plus rien à faire. C’est comme si on allait à la guerre avec un chef des armées qui travaille pour l’ennemi.

jeudi 21 février 2013

Le prix de la gadoue

La honte

par Abed Charef
Mercredi 20 Février 2013
lien: http://www.lanation.info/La-honte_a1957.html?TOKEN_RETURN

Après les honneurs, la déchéance. M. Mohamed Bedjaoui fait désormais partie des symboles honteux qui marqueront l’ère Bouteflika. Il a révélé que l’Algérie a atteint un niveau de corruption insoupçonné. Au sein d’une bande qui comprend notamment M. Chakib Khelil, un opportuniste sans foi ni loi, M. Bedjaoui a fait pire que Khalifa: il a pris le butin, et détruit des symboles et des valeurs morales.



La honte
L’homme a eu une formidable carrière. Conseiller du GPRA, ministre de la justice, ambassadeur, président du conseil constitutionnel, il a eu droit à tous les honneurs dont peut rêver un Algérien de sa génération. Il a fréquenté le gratin du pouvoir algérien et de la diplomatie internationale, et il baladé sa silhouette dans les grandes conférences et les moments qui ont marqué la vie politique internationale durant la seconde moitié du siècle passé.

L’Algérie en a même fait un juge international, siégeant fièrement La Haye. Ah ! Qu’on était fier de lui, ce cet homme parti de l’Algérie révolutionnaire pour trôner parmi une élite mondiale qui dit le droit et édicte la norme. Il tranchait dans les conflits entre nations, réglait des contentieux de plusieurs siècles, en poussant à la médiation, disait-on, à l’époque où on lui prêtait une stature
exceptionnelle.

Mohamed Bedjaoui a été tout cela. Et bien plus encore. Il a été le symbole d’une Algérie qui a contribué à détruire un ordre juridique international pour imposer de nouvelles règles, respectant la liberté et la dignité des plus faibles et des plus pauvres. Il a fait l’ébauche d’un droit favorable aux damnés de la terre. Il a prononcé des discours au nom d’un pays pauvre mais fier, tourmenté mais digne. Il a émis des sentences que des justiciables puissants n’osaient remettre en cause, car l’homme parlait au nom de l’Algérie et de tous ses symboles.

Cela, c’était dans une autre vie. Une autre période de l’histoire. Un autre monde. Car le Mohamed Bedjaoui qui se révèle aujourd’hui, à travers des informations de presse, a un autre visage.

Les journaux le décrivent comme un homme corrompu, un homme avide, un petit comploteur fourbe, courant derrière l’argent, et essayant de tout monnayer, qu’il s’agisse de son nom, de sa fonction, de ses relations, de son itinéraire ou de l’histoire de l’Algérie.

Il y a quelques années déjà, la presse avait cité M. Bedjaoui dans le scandale de l’autoroute. Un journal avait fait état d’une commission de trente millions de dollars qu’il aurait perçue pour favoriser les entreprises chinoises. Il était question d’une rencontre à plusieurs, impliquant un célèbre trafiquant international, M. Falcone, et plusieurs ministres algériens pour organiser le partage.

L’affaire n’avait pas eu de suite connue. C’est une tentative de s’attaquer au président Abdelaziz Bouteflika, à travers ses proches, disaient à l’époque les zélateurs du chef de l’Etat. Il est tellement facilement d’évoquer la « guerre des clans » pour expliquer les déboires des uns des autres.

Aujourd’hui, M. Bedjaoui est devenu, avec M. Chakib Khelil, la honte de l’Algérie. Le symbole de la déchéance morale, de la corruption, de la gabegie, de l’échec moral et politique. Il a touché des sommes faramineuses pour favoriser certaines entreprises étrangères. Il a sali les institutions où il a eu à exercer, et jeté le discrédit sur toute sa carrière et sur ceux qui l’ont approché.

Le doute s’est insinué, et personne ne peut plus le dissiper. Plus grave encore, l’homme a montré que non seulement il était corrompu, mais qu’il pouvait aussi prendre position et agir contre les intérêts de son pays. Il l’a fait, en prenant des décisions extrêmement graves. Lors de l’élection du directeur général de l’Unesco, l’Algérie avait arrêté une position, dans un cadre africain et arabe. Mais M. Bedjaoui voulait lui aussi être candidat. Voyant que l’Algérie ne le soutiendrait pas, il s’est porté candidat au nom d’un autre pays, contre la position de son propre pays !

Comment un homme, qui avait été ministre des affaires étrangères de l’Algérie, pouvait-il adopter une telle attitude ? Comment peut-il, du jour au lendemain, devenir le premier adversaire de son propre pays ? Comment peut-il, à l’automne de sa vie, accepter de descendre aussi bas après avoir été aussi haut ?

Grâce à la justice d’un  autre pays, pas celle de son pays où il a été ministre de la justice, M. Bedjaoui est aujourd’hui appelé à répondre de ces accusations humiliantes. Mais d’autres questions s’imposent pour un homme qui a atteint son rang. D’un côté, il a été capable de se faire corrompre. D’un autre côté, il lui est arrivé de prendre des positions contraires aux intérêts de l’Algérie. Combien de fois l’a-t-il fait ? Et a-t-il perçu de l’argent en contrepartie ? Etait-il seul, ou bien a-t-il agi avec d’autres personnes capables de trahir l’Algérie ?

D’autre part, M. Bedjaoui a été président de la commission de surveillance des élections présidentielles en 1999, lorsque M. Abdelaziz Bouteflika a été porté au pouvoir. Ce jour-là, les élections ont été truquées, et M. Bedjaoui a été le faux témoin parfait pour soutenir que le vote a été correct, et que M. Bouteflika a été élu. Combien a-t-il perçu en contrepartie ? Et que valent des institutions dans un pays où cet homme a été président du conseil constitutionnel ?

Cet homme restera, en fin de compte, comme le fil rouge de l’ère Bouteflika. Il a été le faux témoin qui l’a porté au pouvoir, puis l’homme qui l’a installé dans de fausses institutions, avant de devenir le symbole de l’impunité et de la gabegie de cette période. Il sera le corrompu qui le trainera dans la boue. Jusqu’à la fin des temps. Car si le temps réussit parfois à arranger certaines choses, il ne peut rien pour d’autres. Chakib Khelil, Mohamed Bedjaoui, l’affaire Khalifa, ça ne s’efface pas.

vendredi 1 février 2013

La fin de l'humiliation...

 Rien à ajouter à cette chronique de Brahim Senouci, ce patriote de l'exil...qui n'est jamais bien loin...c'est peut être le début de l'émancipation pour nos quelques élites...une lecture raffinée de la bataille de bataille de Tiguentourine...et des ses probables prolongements indigènes...
 
In Amenas, et demain ?
par Brahim SENOUCI


Décembre 1994. Un commando terroriste s'empare d'un Airbus d'Air France à l'aéroport d'Alger. L'Algérie vit alors une période dramatique de son histoire.

La déferlante terroriste noie le pays dans un flot de sang. Economiquement exsan gue sous l'effet d'une dette extérieure énorme et d'une baisse drastique des prix des hydrocarbures, politiquement moribonde, l'Algérie doit s'incliner devant le diktat des autorités françaises qui exigent et obtiennent le départ de l'avion pour Marseille, où il sera « traité ». Cruelle humiliation… Symptôme de la déliquescence d'un Etat qui se résigne à envoyer ses propres otages nationaux, au nombre de plus de 200, sur le territoire de l'ancienne métropole et accepter de s'en remettre à elle pour leur survie. Nul doute que cet événement a fourni au terrorisme une nouvelle vigueur qui s'est traduite par les énormes massacres qui ont débuté en 1995. Il a également nourri la « haine de soi » algérienne. Je rappelle souvent cette « anecdote » (que ceux qui l'ont déjà eue sous les yeux m'en excusent). Peu de temps avant l'attaque de l'Airbus d'Air France, en août 1994, un commando terroriste attaque la cité d'Aïn Allah, à Alger. Cette cité abrite notamment des fonctionnaires français. Cinq de ces fonctionnaires, trois gendarmes et deux employés de l'ambassade de France, trouvent la mort. L'événement fait la une de toute la presse algérienne. Clients de l'unique imprimerie de l'époque, tous les journaux ont le même format et comportent 24 pages. Les lecteurs qui ont la patience d'aller jusqu'à la page 24 et de lire les entrefilets qui la clôturent découvrent que 13 villageois algériens ont été massacrés à la même date, à coups de pelles et de pioches. Ces villageois n'ont pas eu droit à la une, réservée aux gens qui comptent…

L'affaire d'In Amenas a d'abord permis d'effacer cette humiliation. D'abord, l'Algérie a imposé que la focalisation ne se fasse pas uniquement sur les otages étrangers. Elle a rappelé avec insistance que des centaines de travailleurs algériens étaient sur le site et que leur sécurité valait aussi qu'on s'en occupe. Les bulletins d'information des principales chaînes ont dû les intégrer dans les décomptes successifs des otages libérés, encore détenus, ou disparus. J'ai pensé avec émotion à mes 13 compatriotes massacrés dans leur village en 1994, en me disant qu'ils avaient fini par faire la une ! Par ailleurs, l'Algérie a imposé l'indépendance de sa décision. Malgré les appels pressants, elle a refusé de sous-traiter le traitement de la prise d'otages à des pays étrangers. Elle a refusé de céder aux injonctions anglaises, étasuniennes, ou japonaises, la pressant de négocier. Elle a dénié à ces nations le droit de regard qu'elles estimaient justifié par la présence de leurs ressortissants. Elle a considéré en effet que sa souveraineté territoriale était au-dessus de cet argument. Elle a maintenu jusqu'au bout sa détermination de conserver la maîtrise des événements.

Elle y a gagné un respect évident de la part de ces Occidentaux. Il est vrai que l'attitude passée de ces derniers leur interdisait l'arrogance. Ce sont eux qui ont nourri le terrorisme en acceptant de payer, toute honte bue, des rançons pour leurs citoyens kidnappés, leurs bateaux piratés. C'est ainsi qu'ils ont permis à ces groupes terroristes de s'enrichir, de se développer, d'acquérir des armes toujours plus perfectionnées et toujours plus nombreuses. Ils l'ont fait de manière hypocrite, en contradiction avec les recommandations, qu'ils ont eux-mêmes édictées, de refus de principe de négocier avec les terroristes. Ce sont eux qui ont choisi d'abriter leur train de vie dispendieux, leur boulimie de pétrole et de matières premières derrière le bouclier des marches de l'Empire. De plus, par leur comportement, leur volonté de maintenir leur «club» à la tête du monde passe d'autant plus mal qu'ils mettent en danger la planète par les injustices qu'ils y sèment, par la pollution qu'ils engendrent, par les stocks d'armes de destruction massive qu'ils détiennent. Ce sont eux qui fabriquent les germes de la haine dont ils sont l'objet, le déni de justice pour la Palestine, la destruction de l'Irak, du Congo, la mise en coupe réglée des ressources naturelles payées à vil prix…

C'est tout cela qui est contenu dans l'attitude de l'Algérie durant ces quatre derniers jours au long desquels elle a assuré une maîtrise absolue des événements qu'elle a conduits au mieux de ses intérêts d'abord.

 Il y a la décision politique. Il y a aussi l'exécution. Là, il faut saluer les hommes de l'Armée Nationale Populaire. Peu de médias l'ont fait en France. Quelques-uns ont concédé du bout des lèvres des mots d'appréciation. Pourtant, ce n'était pas une mince affaire que de livrer bataille dans un environnement explosif (au sens premier du mot !) et de risquer leurs vies, non pas seulement au combat, mais dans un immense incendie allumé par les terroristes. Ils ont fait preuve d'un courage exceptionnel. Ils ont ainsi créé, ou recréé, une cote d'amour extraordinaire dans la population algérienne. Ils lui ont rendu une fierté enfouie sous des décennies de frustrations, de déceptions et de mal-être. Ils ont créé une situation nouvelle. C'est vrai que la crise s'est dénouée dans le sang. Cette phrase est revenue en boucle dans les médias français. Rappelons à ces médias que la France avait essayé de libérer par la force deux des ses nationaux pris en otages au Niger. Ils sont morts tous les deux dans l'assaut, peut-être sous des tirs «amis». Elle a aussi tenté de délivrer un de ses espions en Somalie. Il a subi le même sort, en même temps que deux soldats des forces spéciales qui étaient venues pour le libérer. Rappelons le bilan de la tragédie d'In Amenas, en ce qui concerne les otages Français ; 1 mort, 3 autres sauvés! Sans commentaire…

Et maintenant ?

Que va-t-il se passer ?

Premier scénario :

Tel un bateau après la tempête, l'Algérie se remettra à naviguer sur son erre, c'est-à-dire, en langage maritime, à sa vitesse résiduelle en l'absence de propulsion. Le complexe d'In Amenas va redémarrer. Après une phase d'attentisme, le temps des contrats juteux reviendra. Le gaz et le pétrole algériens alimenteront de nouveau la machine à consommer de l'Europe. L'Algérie engrangera des milliards de dollars. Une partie de la manne profitera aux habituels prédateurs. L'autre sera convertie en bons du Trésor étasunien, placement classique du père de famille incapable de formuler un projet de développement cohérent. Peu à peu, le voile de l'oubli recouvrira le nom d'In Amenas. Dans quelques décennies, la dernière goutte de pétrole sera consommée, la dernière giclée de gaz se sera envolée en fumée dans une cuisine italienne. Les prédateurs auront fait retraite vers les rivages de l'Europe où ils auront tout loisir de dépenser leurs énormes fortunes. Celles et ceux des Algériens qui n'auront pas d'autre choix que de rester au pays connaîtront la misère et la douleur de le voir se disloquer et ses morceaux vendus à l'encan…

Il y a un deuxième scénario qui consisterait à construire sur les enseignements de ces quatre jours de violence. On dit que l'Histoire avance par son mauvais côté, qu'elle procède volontiers par la ruse. Et si In Amenas était une de ces ruses ?

 Un site gazier est attaqué par un groupe terroriste. Ce site contribue à hauteur de 10 % à la valeur des exportations. On sait que, sur ces 10 %, une bonne partie est prélevée par des prédateurs. On sait aussi que ces prédateurs sont liés à des cercles du pouvoir. Le site est libéré par les forces spéciales de l'ANP. Les soldats courageux qui ont mené les opérations connaissent cette réalité. Comme tous les Algériens, ils ont appris à faire avec. Resteront-ils dans le registre de la résignation après leur engagement au combat ? Accepteront-ils l'idée qu'une partie des dividendes de leur bravoure aille grossir des comptes en banque de particuliers ? Le peuple, qui a fait corps avec eux, acceptera-t-il que la vie des soldats, qui sont ses enfants, soit mise en danger pour préserver des rentes indues ? Les regards se dessillent. Les gens comprennent que les hydrocarbures ont une durée de vie limitée. Si leur produit continue d'enrichir des malfrats au lieu d'être investi dans des activités qui préparent l'après-pétrole, la conclusion apparaît de plus en plus clairement. C'est l'avenir décrit dans le cadre du premier scénario.

Le peuple algérien a déployé au cours de son histoire tourmentée d'énormes qualités de courage et de générosité. Le problème, c'est qu'il ne s'est jamais décidé à assumer son destin, préférant le confier à un père à la figure incertaine. Ces qualités qu'il a démontrées dans les moments difficiles, les guerres qui ont rythmé la période coloniale, la décennie noire au cours de laquelle il s'est obstiné à envoyer ses enfants à l'école en dépit des menaces, à se rendre au travail, à voter…, aura-t-il la force de les mettre en œuvre en temps de paix ? Il le fera s'il réalise pleinement que la paix actuelle est factice, que les marchandises dont regorgent les vitrines et les étals de marché ne sont que le produit éphémère d'une rente en voie de tarissement. Il le fera lorsqu'il dépassera le stade du prurit nationaliste qui le fait se lever à l'occasion comme un seul homme avant de retourner à sa bienheureuse léthargie. Alors, il sera mûr pour devenir acteur de son destin et il ne permettra plus à une coterie de mafieux de lui voler son avenir…

20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...