dimanche 27 février 2011

Dans le chaudron de Sidi Lakhdar



Après 3 jours de vives tensions, ce n’est que tard dans la nuit de samedi qu’un vent de soulagement a traversé l’agglomération de Sidi Lakhdar. Il était 2 heures du matin, entre deux coupures de courant parfaitement synchronisées par Sonelgaz, dans le bureau du chef de daïra transformé en véritable forum, avec d’un coté les représentants des jeunes manifestants et de l’autre les représentants du wali, dépêchés sur place pour dénouer les vives tensions nées de la hogra, le chômage, la mal vie, des passes doits. Alors que les représentants du douar Zine obtenaient sans forcer la construction de logements ruraux, ceux de Sidi Lakhdar, fortement divisés mais également soumis à de très fortes pressions de la part de centaines manifestants décidés à ne rien céder et surtout à ne pas évacuer les 62 logements qu’ils venaient d’occuper par la force. La nuit d’avant, vers 1 heure du matin, ils avaient bien calculé leur coup en faisant rentrer à l’intérieur des logements neufs, femmes, et de rudimentaires matelas. Retranchés à l’intérieur de la cité faisant face au cimetière chrétien, ils étaient décidés à se battre à mort. Car durant la journée, chaque famille s’était préparé au pire, amoncelant bonbonnes de gaz, cocktails Molotov et bidons d’essence. Tout pour faire embraser toute la cité en cas d’intervention des forces de l’ordre ramenées en nombre depuis Mostaganem. C’est à 20 heures qu’avec mes collègues Madani d’El Khabar et Anis d’En Nahar, nous parvenons au niveau de la cité où d’énormes brasiers sont déjà allumés. Les manifestants, très jeunes pour la plupart, sont répartis par petits groupes d’une dizaine de personnes. Lorsque nous abordons l’un des groupes, la méfiance chez nos interlocuteurs est à son comble. On exige la présentation de nos ordres de missions ou de nos cartes de presse. Evidemment, personne n’obtempère et la tension monte d’un cran.

Un camp retranché où règne la suspicion
Nous prenant pour des agents de police en civil venus les infiltrer, les plus jeunes se montrent très agressifs. La tension est à son comble et très vite nous arrivons au bord de la rupture. Je sors alors le nom de l’ancien maire de la ville, Kadi Miloud que je venais d’appeler sur mon portable et je demande à l’un des manifestants de lui parler. La tension baisse d’un cran, mais la suspicion est encore présente chez d’autres manifestants. Bientôt nous sommes entourés d’une centaine d’individus qui nous enserrent de plus en plus. C’est alors que je sors mon dictaphone, un outil que je rechigne à utiliser car les enregistrements sont difficilement exploitables, mais l’effet sur les jeunes est immédiat. La pénombre aidant, le voyant rouge de l’enregistreur agit comme par magie. Tout le monde veut alors dire sa colère et donner sa version des faits et surtout insister sur les revendications. Au bout d’une demi-heure de cris et de vociférations, après avoir fait le procès des élus, des députés, de l’ancien chef de daïra et de toute l’équipe municipale, la sérénité reprend le dessus. On distingue mieux les visages et le cercle autour de nous s’épaissit davantage. De nouveaux visages apparaissent, ce sont apparemment les leaders  du mouvement qui veulent en savoir davantage sur nos intentions. Certains, toujours craintifs portent des masques, ce qui accentue davantage la tension. Il est déjà 23 heures et des brasiers crachent maintenant des flammes de plus en plus hautes. Manifestement le camp retranché s’installe dans la durée et les groupes continuent de se former et se déformer autour des nous et à travers la cité des 62 logements, fief de la contestation.
 
Visite du président de la république, le 11 février 2004, au mausolée de Sidi Lakhdar
 
Le bon sens reprend ses droits
C’est un peu la place Tahrir en plus petit, mais ici, dans cette région agricole du Dahra, où le chômage endémique ainsi que l’absence de logement constituent la pierre angulaire de cette protesta. Qui entame dans l’incertitude l’entrée dans son 4ème jour. Les protagonistes ses sont préparés durant toute la journée, chacun redoutant un coup fourré de la part de son adversaire. Une adversité somme toute relative, car pour celui qui connaît un peu les mentalités des deux protagonistes, il est évident qu’une solution intelligente pouvait trouver sa place. Il lui suffit de trouver les bons interlocuteurs, de les mettre face et face er de laisser le bon sens s’imposer à tous. Une fois les manifestants complètement rassurés par la présence des 3 journalistes, il devenait possible d’engager le dialogue et de sonder les intentions des manifestants. S’engage alors une franche discussion avec les principaux leaders. Tout de suite, nous comprenons que nos interlocuteurs, dans leur grande majorité se sont préparés au pire mais qu’en réalité, ils étaient disposés à engager des négociations afin de parvenir à une solution. La principale pierre d’achoppement se trouvait dans la résolution du problème du logement. Nous avançons alors l’idée de toute remettre en cause et de confectionner des listes de bénéficiaires sous la responsabilité des manifestants. D’assiégés, ils devenaient acteurs à part entière. Très vite, le bon sens reprend le dessus. Autour de nous, tous nos interlocuteurs étaient d’abord qu’il fallait sortir de l’affrontement et donc quitter les lieux et s’en remettre à l’élaboration d’une nouvelle liste. Nous leur annonçons sans détour que nous allons jouer à fond notre rôle de facilitateurs et que nous allons soumettre la proposition aux responsables. Mais avant de contacter le QG, nous faisons un détour chez l’un des notables de la ville, Kadi Miloud l’ancien maire qui avait été dégommé par un ancien wali pour avoir exigé que les recettes -8 milliards/an- générées par la carrière de sable servent en partie à développer la commune. Bénéficiant d’une grande autorité morale, il pouvait s’interposer afin de convaincre les manifestants et servir de caution morale.

La bonne foi pour éviter l’émeute
En présence du jeune Hocine, notre guide- ailleurs on l’appelé fixateur, il n’aimera peut pas- Kadi Miloud accepta sans aucune hésitation notre proposition. Forts de son appui nous rejoignons la cellule de crise au niveau de la daïra où nos suggestions étaient déjà mises en application avec les représentants des douars. Ce qui explique pourquoi, déjà à notre arrivée au village, certaines familles étaient en train de quitter le squatte. Seuls les manifestants originaires du village de Sidi Lakhdar, pour la plupart regroupés au niveau de la cité des 62 lgts ne voulaient pas sortir, tout en étant conscients que leur mouvement était dans l’impasse, voire tout simplement voué à l’échec. Le tout était de s’en sortir sans dégâts, sans émeutes, sans affrontements et surtout sans recourir à l’arsenal détonnant amassé dans les appartements. Ni à fortiori à celui de la force publique qui avait mobilisés tous les moyens nécessaires à l’évacuation des indus occupants. Lorsque le principal leader de ce mouvement accepte enfin de se joindre à la négociation, tout le monde s’en réjouissait à l’avance. Lui avait surtout besoins d’être rassuré sur sa personne et les responsables lui ont donné les assurances que non seulement il n’avait pas à s’inquiéter mais qu’il devait continuer à encadrer ces jeunes afin d’aider à la concrétisation de leur souhaits. Malgré l’impasse dans laquelle se trouvait leur mouvement. Il est déjà 2 heures du matin, lorsque Madani Beghil, Anis Benhalla et moi-même quittons Sidi Lakhdar. Après avoir échangé nos numéros de téléphone avec nos nouveaux amis de Sidi Lakhdar, nous partons vers Mostaganem la conscience tranquille. Cette incursion au milieu du chaudron de Sidi Lakhdar n’était point destinée à faire un scoop comme on pourrait aisément l’admettre, elle avait pour principale mission d’éviter qu’un malheur ne vienne frapper cette paisible cité, et par ricocher l’ensemble du pays. Notre crédibilité de journalistes nous aura servit à calmer les plus esprits et à rapprocher les points de vue. Cette démarche n’était pas sans risques, pourtant nous l’avions entreprise afin de ne pas avoir à déplorer notre silence. Nous avions 3 alliés dans cette mission : notre bonne foi, notre crédibilité auprès de la population et de l’administration et l’amour de ce peuple et de son pays.

Un vivier pour l’élite
Chez les deux parties, nous avons trouvé des interlocuteurs consciencieux, disponibles et décidés à trouver une issue à cette crise qui n’est pas l’apanage des habitants de Sidi Lakhdar, loin s’en faut. Mais le fait que cet épisode se soit déroulé à Sidi Lakhdar, devrait servir d’exemple pour toutes les autres communes du Dahra et de l’ensemble de l’Algérie. Nous n’en tirons aucune fierté, ni aucune vanité, mais nous en sommes revenus plus convaincus que jamais que s’il y avait un modèle pour sortir définitivement de ce sac d’embrouilles, ce ne serait ni l’avenue Bourguiba, ni la place de Sidi Bouzid. Lorsque les hommes prennent le temps de se parler, de s’écouter et de se convaincre, tous les obstacles s’estompent. En quittant Sidi Lakhdar, nous réalisions à peine ce qui venait de s’y produire, mais nous avions traversé toute la distance jusqu’à Mosta baignant dans un sentiment de plénitude. Sur plus de 60 Km, nous n’avions croisé qu’un seul véhicule, et pourtant, à aucun moment nous nous sommes sentis menacés… Tout juste si nous avions déploré l’état de la route, la RN11, oui une route nationale…difficile de comprendre qu’entre Benabdelmalek Ramdane et Sidi Lakhdar, le macadam date de la colonisation…dans une année, nous fêterons le 50ème anniversaire de l’indépendance…les chemins du Dahra méritent amplement une remise en état…car c’est sur ces routes sinueuses que les premiers combattants de Novembre, les premiers martyrs aussi, ont inscrit en lettre d’or la justesse de notre cause. Encore un petit effort messieurs les responsables, le printemps n’en sera que plus beau…les jeunes de Sidi Lakhdar nous ont montré le chemin, vous avez parfaitement reçu leur message… Une jeunesse digne, hargneuse et responsable ne peut que vouloir du bien à ce pays. C’est dans ses rangs que nous trouverons nos élus de demain, et peut être nos élites aussi…
Aziz Mouats

dimanche 13 février 2011

Un olivier s’est envolé



Une fulgurante maladie vient de priver la famille universitaire de Mostaganem de l’une de ses valeurs les plus sûres et les plus assidues.  La soixantaine à peine entamée, Mohand Ouali vient de nous surprendre en nous quittant sur la pointe des pieds. Comme le ferait une mole d’Hélium, il a pris son envol vers des cieux plus cléments. Brillant élève du lycée Djamel Eddine el Afghani de Mascara durant les premières années de l’indépendance, le très turbulent élève se fera connaître par des aptitudes hors du commun. Compagnon de Hamma, le frère ainé de Brahim Senouci, il sera aussi connu pour sa droiture exemplaire en qualité de maitre d’internat. Après un rapide passage à l’université d’Alger, il partira vers la verdoyante Bretagne et c’est au Campus de Beaulieu, -université Rennes I- qu’il entamera une thèse dans les très spacieux labos du département de chimie. Il avait ramené de la paisible et besogneuse Bretagne, outre une thèse de doctorat, un sens aigu du travail bien ficelé et surtout un profond humanisme. Ayant séjourné sur les berges de la Vilaine, il m’arrivait souvent d’aborder avec lui les autres facettes du patrimoine breton. Nous gardions tous les deux une affection particulière pour le marché des Lices qui se tenait tous les samedis. 
une vue de la place des Lices (Rennes) par jour de marché

C’est incontestablement le marché le plus pittoresque de Rennes, avec ses alignements sans fins de fleuristes et de poissonniers. Il était très difficile pour un étudiant studieux de ne pas fréquenter ce marché qui se tenait sur les bords de la Vilaine, juste à l’entrée de la vieille ville. Que de fois nous parlions des fameuses et non moins succulentes crêpes bretonnes que des artistes attentionnés préparaient en un tour de main. Il y avait également toute une panoplie de poires et de pommes aux gouts si exquis. Lors de nos rares rencontres, nous trouvions toujours le temps de nous retremper dans cette ambiance, souvent pour oublier nos douleurs indigènes. Car, l’homme avait une volonté inébranlable et une honnêteté irascible. 

Difficile alors de s’en tenir à une grande rigueur sans écorcher certaines accointances. Indéniablement, l’homme avait gardé de sa Kabylie ancestrale outre le sens de l’honneur, une certaine droiture qui lui donnait de l’altitude. Intraitable sur la déontologie, il avait une sainte horreur des passe-droits, du favoritisme, de l’incompétence, des manigances, des trahisons et des manquements. Je l’ai toujours apprécié pour sa droiture et son honnêteté intellectuelle. Autant je l’appréciais, autant il ne se gênait point pour me dire que par moment il me trouvait un peu nonchalant, voire conciliant. Venant de sa bouche, ce n’étaient que douces politesses…

L’homme était droit dans ses bottes et limpide dans ses convictions. S’il est parti sans faire de bruit, ce n’est pas tant par la fulgurance de la maladie que par son incapacité à lui négocier la moindre indulgence. Sous son allure débonnaire, l’homme tenait la dragée haute à toutes les tentations et à toutes les complaisances. Il avait une très généreuse idée de son pays, de son université et de sa chimie. C’est un pur hasard si lors de la dernière rentrée solennelle, on lui fit appel pour une conférence d’ouverture dont il s’acquitta avec brio. Car personne ne pouvait imaginer qu’il venait de faire une intervention testamentaire, nous invitant à une prise de conscience sur les risques que nous faisons courir à notre planète. Maintenant qu’il est bien installé sur sa constellation, il peut enfin rire de nous qui l’avions à peine effleuré dans cette vie nécessairement trop courte; autrement, on s’en lasserait trop vite ! 
Un bouquet de fleur au marché des lices à Rennes
Malheureusement pour ceux de ses collègues qui sont encore là pour un temps, le testament est très contagieux et l’héritage est en péril. D’a Mohand, l’homme de conviction, n’est plus là pour nous le rappeler. Une pieuse et amicale pensée à sa famille ! Chapeau bas l’artiste ! Jusqu’à l’ultime instant, tu nous auras toujours surpris…au point que même tes plus proches n’ont pas eut le temps de te voir partir…sur la pointe des pieds, fier comme un olivier narguant les siècles.

Témoignages:
Je me souviens très bien de Ouali, de Charrier, près de Saïda. Je suis bouleversé de retrouver sa trace en même temps que j'apprends l'annonce de sa mort. C'était un type bien, au sens premier du mot. C'est vraiment une impression étrange. Je ne l'ai même pas reconnu de prime abord sur la photo mais ça a été un éclair après. Je l'ai revu tel qu'en lui-même. Il y a tellement de gens qu'on a côtoyés, dont on a partagé un moment de l'existence, dont on ne sait plus rien aujourd'hui.
Paix à son âme. Brahim SENOUCI


Je me souviens très bien de Ouali, juste après son recrutement au sein de l’université de Mostaganem il est venu me rendre visite a l’ISMAL ou nous avons démarré quelques travaux de recherche en océanographie physique sur la baie de Mostaganem. Je suis bouleversé d'apprendre l'annonce de sa mort. C'était un type bien et pleine de volonté, qui m’avait donné une très bonne impression en tant que scientifique. Je  l'ai reconnu sur la photo, il n’a pas tellement changé, mes derniers entretiens avec lui remontent entre 1980-1983. Je vous prie de transmettre mes condoléances a sa famille et à ses proches.
Pr. A. Chouikhi

Salut Aziz.
 Triste nouvelle.
 Je m'associe à la douleur de ceux qui ont connu Mohand Ouali.
Je me suis permis de transmettre une copie de ton texte à Hamid BOUKEROUI.
 Porte-toi bien Aziz.
 Cordialement, Madjid Akli.

Très touchant. Nous ne sommes que passagers sur terre. B. Abdelhay.

J'ai étais émue par ton témoignage, que le professeur Ouali repose en paix. Il a gagné le sommeil du juste maintenant!!!! Dalila Boudouma.

Mes sincères condoléances à la famille du Professeur OUALI, ainsi qu’à toute la
Communauté Universitaire Algérienne…..
Le Professeur OUALI est un grand Maître!!!
Quel dommage!!!
Mourad ARIBI, Université de Tlemcen.

C'est avec beaucoup de tristesse que je viens d'apprendre cette douloureuse disparition de da Mohend
Merçi monsieur MOUATS pour le texte que vous lui avez consacré en hommage, un hommage témoignant de votre attachement à l'élite intellectuelle de notre pays.
Farid  AIT OUALI 


  Un monsieur dont la grandeur n'avait d'égal que son humilité. Modeste et sage: voici le souvenir que je garde de ce grand homme que j'ai eu le privilège d'interviewer il y a quelques années au sujet de la protection de l'environnement...Allah yerhmou inchaallah. Farida Tilikete
Mon  cher  Aziz ,
La perte d'un ami est une épreuve difficile .Elle l'est  plus  quand il s'agit d'une personne qui nous est  très proche ,que l'on  a souvent côtoyée avec qui on a partagé tant de souvenirs au pays comme  à l'étranger .Elle l'est encore davantage quand le professeur distingué qui a dispensé son savoir  nous quitte  et quand il nous laisse en legs ses valeurs morales et humaines qui nous auront marqués et qui resteront à jamais gravées .
Pour cette raison ,cher ami ,je m'associe à ta douleur et serais très honoré si tu pouvais faire parvenir à la famille du défunt mes condoléances les plus attristées .  Sadek  Belhamissi              





mercredi 9 février 2011

Guérir par les langues…étrangères



Rencontre très sobre sur un sujet complexe ce matin (8 février 2001) à la faculté des lettres de Mostaganem. Grace à la douce insolence de Bakhta Abdelhay, la très intime salle de conférence a été le théâtre de débats sérieux, profonds, rigoureux, instructifs et par moment exubérants. Drapée dans un contre jour éclatant, l’organisatrice avait à peine fait les présentations que le public trié sur le volet entra dans une profonde méditation. C’est Fouzia Benderdouche, de l’université de Paris 6 qui entamera tambour battant sa conférence sur l’enseignement-apprentissage des langues et l'évaluation. 

 C’est par elle que nous apprendrons qu’un pays grand comme la France vit sous la terreur du B2 ! Un machin européen, donc transnational, qui permet à tous ceux qui cherchent un emploi de le trouver en voyageant. Mais voilà, pour voyager il faut connaître la langue du pays, comme l’Europe a autant de langues que de peuples, fort intelligemment, elle a adopté une langue universelle. Sans trop s’éterniser en conjectures, le choix sur la langue de Shakespeare fera l’unanimité.
L’unanimité, il en sera beaucoup question lors de la table ronde. Fouzia Benderdouche aura également parlé de mutualisation. L’UE a donc crée, en toute conscience un système de classification pour identifier les niveaux de maitrise de la langue anglaise. Car pour l’Europe, se mettre ensemble c’est bien, parler une même langue c’est vital. Car ça permet la mobilité pour tous mais surtout pour les étudiants. Une sacrée molécule pour dissoudre le chômage. Il suffisait juste d’adapter les doses afin qu’un Lituanien et un Portugais puissent travailler chez le hongrois Skoda sans oublier de faire la fête. Intelligents ces européens! Qui pour contourner la triche, une pratique très bien ancrée chez les nouveaux arrivants de l’Est; mais également chez les peuples de la méditerranée, comme nous, les marocains, les libyens, les tunisiens…,
Non pas les tunisiens ! Ils sont en pleine révolution…et ne veulent plus voyager sinon pour retourner au bled !

La démocratie au bout de la langue
Pour les européens donc, l’unique visa s’appelle B2. Il correspond à une bonne pratique de l’Anglais telle qu’elle se fait à la fin du secondaire. Avant le B2, il y a les stades A1, A2 et B1,  après ça se corse avec C1 et C2, indispensables à la recherche. Ça a le mérite de la clarté et de l’efficacité. Chez nous aussi il y a un B2 qui sévit à l’occasion des élections. Il aide à les rendre insipides, injustes et vulgaires (voir le Boussayar ci-dessous à titre de rappel).
Le professeur Mohamed Miliani, de plus en plus à l’étroit à l’université d’Oran, est venu nous rappeler nos rendez-vous manqués. Se référant à ses propres travaux et à ceux de J. Munby (Munby, J. 1978. Communicative syllabus design. London: Cambridge University Press), il articulera son intervention sur la nécessité d’identifier nos déficits linguistiques afin d’aborder leur résorption en focalisant sur des objectifs de formation qui  soient spécifiques, académiques ou professionnels. Il s’agit dira-t-il de «ne pas dénaturer la fonction de l’université et surtout, veiller à ne pas la transformer en CFPA ». C’est là un propos qui dénote de la persévérance du du chercheur. 
Pour moins que ça, d’autres ont préféré quitter le navire. Tant pis pour eux. Car ceux qui nous ont vraiment manqué, à l’instar de Fouzia Benderdouche, nous nous honorons de les accueillir à cœur ouvert. Ceux-là savent combien nous les aimons et respectons. Et surtout combien ils sont utiles. Une fois n’est pas coutume, ils peuvent revenir sans B2 ! Pas celui qui permet le sésame des voyages transeuropéens, non celui qui ouvre les portes à la médiocrité nationale. Il est toujours en vigueur et pour longtemps, semble-t-il. Sauf si samedi prochain, le peu d’élite qui nous reste décide de se relayer pour dire : « à mort le B2 local et bienvenue au B2 européen ». Car ce dernier ne peut que ramener dans son sillage l’émancipation, la rigueur, la mutualisation, la compétence, la performance et la démocratie. Tous les ingrédients d’une Nation, forte, homogène et lucide.

Vivement l’épreuve du B2
C’est à ce prix que l’université gagnera en maturité et en efficacité. Pour y parvenir, nul besoin de recourir aux bureaux d’études étrangers; puisque ces derniers confient leurs travaux à l’expertise indigène, il va de soit qu’une autre gouvernance moins tribale aurait abolie le B2. Car de l’avis unanime des présents, depuis l’agronome Wahab Mokhbi en passant par Braiek Saâdane, Abbès Bahous, Kamel El Korso ou Med Miliani, il serait grand temps de revenir à une démarche pragmatique dont ne serait exclue aucune compétence nationale, afin de guérir les maux de ce pays…, par la langue…
Oui, les langues sont le meilleur remède contre la médiocrité envahissante. C’est par elles que l’on entre dans les sciences, les mathématiques, la physiologie ou la médecine. L’expérience du Pr Benderdouche telle que rapportée dans cette table ronde en est la preuve éclatante. C’est aussi par elles que l’on voyage à travers le temps et à travers les peuples. Les européens l’ont compris, ils ont codifié les 6 étapes à franchir par tous. Chez eux, le B2 marque le passage à l’âge adulte avec à la clef, la possibilité de se mouvoir partout. Ici, le B2 sert à briser toutes les compétences et les bonnes volontés… Il est temps de l’adapter aux nouvelles exigences, car rien n’est plus redoutable qu’un B2 orphelin confié à une famille d’accueil dépourvu de bon sens et de patriotisme. N’oublions pas que les plus téméraires parmi nous, ces Harraga qui bravent, en conscience, tous les dangers, ne sont que des Algériens « qui ne se positionnent plus dans leur société ». La définition aussi subtile qu’élégante est du professeur Mohamed Miliani. En visionnaire, forcément mal aimé, il suggère dans une première étape, le retour à un ministère unique pour l’éducation nationale. N’en déplaise à Benbouzid et à Harraoubia, l’épreuve du B2 leur sera fatale…, et ce ne sera que justice.

Voici la chronique publiée dans El Watan dans son édition du 18 avril 2007
La tyrannie du « B2 »
Le B2 n’est ni un vaisseau spatial, ni une nouvelle molécule. Il est l’arme absolue contre tous les gêneurs. Invisible, inaudible, incolore, inodore, il est atrocement efficace contre les casse-pieds. N’épargnant personne, il cultive le sens de la générosité et de l’équité.
En ce sens, le B2 peut se targuer d’être démocrate. Mais, à l’opposé de son grand frère, le B3, le B2 ne supporte ni la lumière, ni la contestation. Discret jusqu’à l’étouffement, il ne sévit que lorsque l’équilibre est menacé. Si quelqu’un perd la tête, ce qui arrive souvent en période pré-électorale, le B2 n’a pas son pareil pour le calmer et l’éloigner à jamais de la sphère convoitée. Vous demandez la main de la fille d’un potentat à la retraite, le B2 est là pour vous rappeler que votre circoncision n’a pas été effectuée par Si M’barek. Vous voilà éconduit sans ménagement. Et sans aucun recours possible ! Car personne n’aura idée de vous aider à la mise en conformité de votre circoncision ! En 1927, vous aviez à peine 3 jours, vous étiez au bord de l’Aïn Sefra en crue et vous n’avez pas porté secours aux victimes. Personne ne s’en souvient autour de vous. Tous les témoins sont partis, seul le B2 est là pour vous le rappeler, au moment où vous souhaitiez entamer, à 80 berges, une carrière d’élu municipal, dans l’unique souci de corriger le cours de l’Aïn Sefra. La preuve que les oueds ont une mémoire, le B2 est là pour vous en dissuader. Car le secret du B2 est qu’en plus de sa perspicacité, sa mémoire est non seulement infaillible, mais illimitée. Ne supportant pas la lumière, c’est à l’ombre qu’il devient prolifique. Le B2 c’est comme un bon vin. Dans une cave sombre, il ne peut que s’améliorer. Une fois sorti, il faut de suite le consommer. Avec modération, car une seule goutte et c’est la mort assurée. Ceux qui l’on testé à la faveur de la course aux candidatures l’auront appris à leur dépens. Car le B2 n’a pas encore d’antidote. Un intarissable sujet de recherches pour élites en voie d’extinction.



20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...