lundi 26 février 2018

Les Zaouia au coeur de la résistance



Au moment où un film documentaire de fiction de 72 minutes entame ses premiers balbutiements, rendant ainsi l'hommage tant espéré au role de la plupart des Zaouïa dans la résistance à la pénétration française en Algérie, je partage avec vous un article d'une rare perspicacité signé de mon ami Mahmoud Omar Chaalal...






Du plus profond du cœur






Par le Docteur Chaalal Mahmoud Omar

Président de l’union nationale des zaouïas d’Algérie.

Président de l’union mondiale du Tassaouf.


.

Les Zaouïas d’Algérie héritières des Ribats de nos devanciers Soufis sont nées au 10ièmesiècle de l’Hégire : correspondant au  16ième siècle du calendrier  Grégorien. Elles ont été depuis toujours des institutions de poids, touchant à l’apprentissage du Saint Coran et de ses sciences, notamment le Tassaouf (le Soufisme). Leur message de paix est intégralement transmis à travers notre histoire et dépasse largement nos frontières en faisant référence au Coran explicite et à la Sunna (tradition du prophète Sidna Mohamed que le salut soit sur Lui). Elles  nous éclairent sur le rituel de notre culte avec conscience et sciences. Leurs voies confrériques sont l’expression de la civilisation musulmane ; elles nous renseignent sur notre culture avec pertinence et parfois même avec un style pittoresque ou une originalité folklorique. Leurs références historiques ne posent aucun problème aux partisans de ces lieux du culte qui voudraient rester raisonnables. De ces références, je cite les plus parlantes relatives à notre prophète Sidna Mohamed que le salut soit sur Lui, à ses compagnons, à Sidi Abdelkader Al-Djilali, à Sidi Boumediene Chouaib, à Sidi Abderrahmane Ethaalibi des Issers (le  régénérateur de la mère ses zaouïas d’Algérie)  pour ne citer que ceux-là.
Je sais bien que mon lecteur va s’en saisir d’une encyclopédie ou des sites de l’internet pour découvrir davantage de connaissance à ce sujet, mais je sais aussi que cela n’est pas simple. Je ne décourage certainement pas les chercheurs ou les internautes curieux qui trouverons du plaisir à investiguer cette réalité ; Leur décryptage en sera généreux  même si leurs résultats  seront mal jugés par certains spécialistes de l’histoire.                                                                                                   Cette démarche ne me gêne en rien, mais demeure incomplète quand il s’agit d’un sujet qui touche le cœur de notre histoire musulmane. Il faut avoir fréquenté délicatement  les Zaouïas et leurs voies confrériques, connu le goût  du Tassaouf. Il faut au moins  savoir ce que sont leurs « Pauvres ».
Je pense donc qu’il est essentiel d’exprimer ultérieurement dans un récit mon bref parcours de six décennies de faits réels liés à ces lieux  de l’éducation de l’enseignement, de la culture  et de la Paix.                             Cette courte période constitue pour moi la fin d’un siècle et un autre qui est né avec des évènements en Algérie qui peuvent intéresser le monde entier.
 En ce qui concerne les zaouïas en Algérie, cette phase  est une époque de grands changements. Des sensibilités politiques et religieuses en période coloniale et post coloniale font irruptions massives dans ces coins pour essayer de prendre en main leurs mouvements ; et pourquoi pas ? : Se charger de leur devenir.                                                                    
La Résistance d’un peuple contre le colonialisme suivie  par une guerre de libération s’achève par notre indépendance scellée par sept années et demie de lutte et un million et demie de martyrs.
-Un socialisme submergé par un soviétisme a pris fin avec la chute du mur de Berlin.
-L’islamisme qui trouve des alliés puissants dans un gouvernement fragilisé se ressaisît.
-Le terrorisme aveugle efface tout ce que je viens de citer. Ce malin démon veut nous subir profondément l’influence de sa peur surtout après la colère  des jeunes dès 1988. 

Dégagés les uns des autres dans la forme, ces évènements sont en fait liés dans leur fond à un lointain passé avec l’ancien monde qui veut prendre sa revanche sur l’épanouissement de la civilisation musulmane authentique. Notre savoir-faire sombre dans un coma profond qui dure depuis des siècles ; depuis la chute de Grenade.
Cependant, les zaouïas de notre pays et leurs voies confrériques qui préservent des tonnes de manuscrits de savants fondateurs de la dynastie Mouahidine (Almohade) dont le chef n’est autre que l’Algérien Abdelmoumen Benali. Elles accumulent des couples de résistants et de fragiles, de réfractaires et de dociles de classiques et de modernes qui se contentent de sauvegarder la tête de la communauté, sur ordre de l’Emir Abdelkader qui les a chargé en plus de leurs missions (éducatives , cultuelles , scientifiques et philanthropiques ) de créer l’Etat –Nation de l’Algérie moderne et de le défendre.

C’est dans cet esprit, qu’elles m’ont honoré pour les unir, malgré que cela pouvait avoir de paradoxal avec une République Algérienne
Démocratique et Populaire et malgré la résistance des  opposants à ces coins de la Paix.
S’affirmant issu de l’ancienne zaouïa de Sidi Benaouda Al Chaalal qui était toute une institution du Fiqh ( droit musulman) à l’époque de l’Emir Abdelkader, toute une école coranique à Sougueur à l’époque du mouvement national, tout un centre de la Révolution dans les Monts de l’Ouarsenis pendant la guerre d’indépendance, tout un ensemble de moniteurs lorsque les enseignants français ont déserté l’école algérienne en 1962. Je me suis établi avec fierté dans l’Union Nationale des Zaouïas d’Algérie où ses Chouyoukh  m’ont élu.                                                                                                         
 Malgré l’humour de certains de mes confrères médecins qui me reprochent ce virage dans le Tassaouf, j’essaie de  soigner solidement les cœurs organiques et de soutenir les cœurs purs. Un merveilleux bien-être s’offre  à mon activité professionnelle et spirituelle.
 Aujourd’hui, des relations amicales s’établissent  très solides  autour de mon humble expérience ; elles s’accroissent  entre Chouyoukh, Taleb, médecins,  universitaires, simples citoyens : monsieur ou madame, des militaires dans tous les rangs de leurs hiérarchies, des gouverneurs et enfin mêmes des chefs de l’Etat. Ils sont pléthores autour de moi. Tous ces gens-là, ont la nostalgie du groupe qui les réunissait auparavant.
Tout cela ne doit finir que par trois autres résultats essentiels : à ce qu’au moins les Algériens se retrouvent dans la paix ; à ce que ceux qui nous gouvernent se rendent utiles et à ce que le peuple préserve notre Etat- Nation qui gardera éternellement  ce que l’on nomme aujourd’hui : l’Algérie.
C’est très tôt dans la décennie noire que les Zaouïas d’Algérie commencèrent la hâte pour la conciliation par le culte.
Cependant, des doléances étranges viennent divulguer des fantasmes refoulés qui entravent la concorde par le Coran sacré.  Je vais essayer de  révéler certains embarras que les zaouïas ont normalisés ou ajournés par leur crédibilité :

-         des terroristes sortaient de leurs terriers pour exprimer de nouveau leurs slogans connus.
-          Des Salafistes revendiquaient un droit de leurs parfaits devanciers,
-         Des associations anarchistes chantent des hymnes variées ; on entend alors l’ariette du futur printemps sarrasin minutieusement élaborée par les Ariens,
-         La chanson de la femme qui veut se marier sans la bénédiction divine  attribuée à ses parents.
-          Les échos erronés des Algériens convertis à la Bonne Nouvelle de  Jésus.
-         Aussi, on enregistre le bruit des mitrailles orales contre nos vaillants moudjahidines de la guerre de libération qui inquiètent même les âmes de nos martyrs que la clémence divine a sacrement éternisées.                              
-          Çà et là traînent des restes d’un socialisme « musulman » qui nous ont longtemps charmés et que les adeptes de la légitimité révolutionnaire essaient de ressusciter.





jeudi 1 février 2018

Boudjedra entre Dahra et Béni Chougrane

 La venue de Rachid Boudjedra en Oranie a été marquée par ses haltes dans l'opulente cité de l'Emir Abdelkader et à travers un parcours mémorables dans le Dahra occidental. Son passage à la libraire Art et Culture, en plein coeur d'Oran, est à oublier. Le public constitué essentiellement de journalistes s'est distingué par son mutisme. Seule une sémillante universitaire s'est distinguée par une judicieuse présentation du prolifique romancier national. Avec une sobriété remarquable, elle parviendra à faire le tour de l'homme et de son oeuvre. Les rares échanges avec Rachid Boudjedra se concentreront essentiellement sur son livre pamphlet dont l'un des protagonistes n'est autre que l'ex chroniqueur du QO, L'auteur de la répudiation en profitera pour rappeler sa mise au point concernant le passage relatif à l'implication de KD dans le GIA. De manière directe et sans aucune équivoque, Rachid Boudjedra fera son mea-culpa, reconnaissant qu'à l'époque des faits, le GIA n'existait pas. Curieusement, certains écrits parus dans la presse arabophone feront délibérément l'impasse sur cette mise point. Ce qui n'a pas été apprécié par les nombreux présents qui ne comprennent pas les raisons de cet acharnement. Ces péripéties oranaises seront très vite dissipées lors des rencontres de Mascara et du parcours mémoriel dans le Dahra.
C'est face un immense portrait
de l'Emir Abdelkader, devant un public avertis et chevronné que Rachid Boudjedra entamera la rencontre au niveau du lycée Djamel Eddine El Afghani.
Rachid Boudjedra a été épatant à Mascara...la cité de l'Emir lui a fait le plus bel accueil...dans la pure tradition mascaréenne...Autant au niveau du lycée El Afghani, grâce à l'association des anciens qu'à celui de l'association El Amel, dont la bibliothèque regorge de livres de la littérature universelle...des interventions d'une grande dignité et d'un très haut niveau ont jalonné les conférences...Nous avons eu droit à des déclarations d'une grande générosité et aussi d'une grande probité de la part de Rachid Boudjedra...qui a dit tout le bien qu'il pensait de la littérature de Feraoun, de Dib, de Kateb, de Maameri, de Malek Alloula...et de Boulenouar Messaour....comme j'ai eu l'insigne honneur de servir de modérateur à cette rencontre...qu'il me soit permis ici de remercier l'ensemble des organisateurs, avec une mention particulière à Djilali Boucif et à Sidahmed Sahla....je voudrais aussi remercier pour leurs questions l'ensemble des intervenants...leurs éclairages ont permis un débat serein...et ô combien instructif...encore une autre preuve s'il en fallait, que ce peuple possède une élite...

Venu depuis la voisine Mostaganem, Mansour Benchehida a tenu à rappeler qu'il venait souligner que lors de la scolarité de KD au niveau du lycée Zerrouki Chekh Bneddine, c'est lui qui assumait la fonction de surveillant général. A ce titre, il dira de manière catégorique que le jeune lycéen n'a jamais été imam au niveau du lycée. Ce à quoi Rachid Boudjedra répliquera de manière cinglante qu'il tient cette information des propres déclarations de KD à Médiapart et au quotidien français Le Monde.
La seconde rencontre de Mascara se fera au niveau du siège de l'association El Amel et en présence d'un jeune public. Un débat tres convivial et très courtois au cours duquel Rachid Boudjedra fera l'éloge de Kateb Yacine qu'il considère comme étant son modèle.
Concernant le passage par Mostaganem, il est juste de rappeler que j'avais été chargé d'organiser une rencontre débat au niveau d'une institution publique. J'ai alors pris contact avec la bibliothèque publique et avec le musée du Maoudjahid. Je ne suis pas en mesure de vous dire à quel niveau ça a coincé, toujours est-il que ces rencontres avec le lectorat de Mostaganem ne se sont pas concrétisées. Je souligne avec force que l'idée originelle de la visite de Rachid Boudjedra était de lui proposer un parcours mémoriel. Qui ne nécessite aucun accord préalable d'aucune institution. Lorsque j'avais soumis ma proposition, Rachid Boudjedra a fait part de sa disponibilité et surtout de son enthousiasme. C'est pourquoi, je tenais à ce que ce déplacement se fasse dans la discrétion et le recueillement. Comme j'avais fais la promesse à mon jeune collègue le journaliste Salim Skander de lui faire découvrir le Dahra, c'est tout naturellement que je l'ai invité à se joindre à nous. Je voudrais ici remercier Ahmed Boualem de nous avoir accompagné et d'avoir témoigné de vive voix et sur le lieu du tragique attentat du 1 novembre 1994. Là où périrent 4 jeunes scouts originaires de Mostaganem, dont le propre fils de Boualem. Sa présence à nos cotés, son témoignage, ont profondément ému Rachid Boudjedra.  Au niveau du centre de torture de Sidi Ali, l'enfant d'Aïn Beida, lui même ancien Moudjahid, a été tres fortement ébranlé par la découverte de ce sinistre lieu.
Au point où Rachid Boudjedra a fait la promesse que dans une prochaine oeuvre littéraire, il n'omettra pas de rappeler ces douloureux évenements vécus par les jeunes scouts et aussi par les farouches résistants du Dahra.
Cette nouvelle incursion dans notre patrimoine fut encore une fois une épreuve. Elle sera miraculeusement ponctuée par une invitation officielle de la part de la radio nationale. C'est accompagné de son staff que le directeur de Radio Mostaganem nous recevra. C'est donc à travers les ondes que les habitants de Mostaganem et du Dahra auront droit à plus d'une heure d'entretien avec Rachid Boudjedra! C'est aussi ça le miracle du Dahra! Dans son message, Rachid Boudjedra n'omettra pas de rendre l'hommage qu'ils méritent à l'ensemble des habitants du Dahra. Lorsque la journaliste lui demande s'il devait faire un film quel serait le personnage qu'il voudrait honorer, il aura cette sublime réponse: l'Emir Abdelkader!
  Deux jours après, je reçois un message de Rachid Boudjerdra auqel j'ai fais cette réponse:
" Très cher Rachid Boudjedra...cher Grand frère en patriotisme...t'accompagner à travers le parcours mémoriel du Dahra a été pour moi un inoubliable voyage au coeur de la mémoire vive de notre cher pays. Les haltes que tu as accepté de faire avec mes amis et moi, auprès de ceux qui sont à jamais les plus valeureux enfants de ce pays et les plus vibrants symboles de sa ténacité, de son courage et de sa bravoure, resteront à jamais inscrites dans ma tempétueuse mémoire. Après cette mémorable journée que tu nous as consacrée, en toute spontanéité et en totale confiance, j'ai constaté combien tu cultivais cette fibre patriotique qui est ta véritable ligne de fond. Car après avoir mené le courageux combat contre l'amnésie et contre les fossoyeurs de notre histoire, tu es venu te ressourcer auprès des authentiques combattants, tes frères de lutte et de souffrances. Les mots que tua s eu l’extrême gentillesse de délivrer sur les traces à jamais glorieuses de nos ancêtres, seront inscrits à jamais dans ces vallons crayeux  du Dahra...l'instant nodal où tu a accepté de lire tes propres mots, écrits voilà plusieurs années, en hommage aux Ouled Riah, ont été pour moi la plus belle offrande. Surtout en ces lieux de grande tragédie, à quelques pas de la grotte de Ghar El Frachih, là où, par cette rude journée du 19 juin 1845, périrent par enfumade plus de 1500 membres de la tribu insoumise. Désormais, nous partageons le redoutable privilège de ceux qui ont été choisis pour porter ce combat mémoriel. En total prolongement de tes combats anciens. Merci infiniment Cher Rachid, Cher Ami...avec toute mon affection et mon plus profond respect pour toi... pour tes combats...et tes victoires...

 

Poussieres de Novembre




La commémoration du 1er novembre fait souvent l'impasse sur des symboles fondateurs. Pour Mostaganem, ces symboles de novembre ont un lieu commun : c'est le cimetière de Sidi Ali. Perché sur ce mamelon du Dahra, c'est incontestablement l'endroit qui aura par deux fois et à 50 ans d'intervalle, marqué de façons sanglante et indélébile la tragédie algérienne.
Faite de luttes et de trahisons, de résistance et de concussions, de morts et de victoires. La première fois, c'était le 1er novembre 1954. Quelques minutes avant l'heure fatidique, lorsque mis à nus par l'arrivée impromptue de deux européens -qui venaient d'être attaqués par armes à feu près d'une ferme par les premiers combattants de la liberté-, ils donnèrent l'alerte à la gendarmerie que Benabdelmalek Ramdane et ses compagnons projetaient d'attaquer à minuit, signant ainsi les premiers coups de feu de Novembre. Ils durent alors se résigner à avancer l'heure de l'attaque qui se soldera par la mort de Laurent François qui venait donner l'alerte, et le retrait des moudjahiddines vers le lieu de repli situé dans les gorges de Ouillis. Traqués puis dénoncés par des traîtres, ils seront les premiers combattants à tomber au champ d'honneur le 4 novembre. Leurs dépouilles reposeront en ce lieu jusqu'à cette journée fatidique du 1er novembre 1994. Brahim Bengayou, le wali de l'époque, optera pour organiser une cérémonie de regroupement d'une quinzaine de sépultures éparpillées dans la région, dont celles de Benabdelmalek Ramdane, au cimetière de Sidi Ali. La veille, malgré les consignes de sécurité, l'information avait été ébruitée et parvint au niveau d'un groupe terroriste. En fin de journée, après avoir ligoté le gardien du cimetière, le groupe placera une bonbonne de gaz truffée de morceaux de ferrailles à l'endroit où devait se tenir le cérémonial de l'enterrement des valeureux martyrs de Novembre. Le 31 octobre, à minuit, levée des couleurs sur l'esplanade de la mairie de Mostaganem. Aux quelques rares officiels ainsi qu'un détachement de l'ANP, s'était joint un groupe de jeunes scouts du faoudj de St Jules, le quartier d'à côté. Accompagné du vétéran Ahmed Boualem, le groupe se composait de pas moins de 5 de ses enfants. Après la levée des couleurs et les salves des soldats de l'ANP, avec à leur tête le colonel Bentaous, aujourd'hui à la retraite, la cérémonie commémorative prenait fin. Elle sera suivie d'une autre cérémonie de levée des couleurs et dépôt d'une gerbe de fleurs, le lendemain, à 8 heures du matin. Les scouts étaient également invités à cette cérémonie matinale. Afin de ne pas trop se disperser, ils dormiront au local de St Jules qu'un véhicule blindé surveillera durant toute la nuit. Réveillés en trombe par Ahmed Boualem qui leur avait ramené depuis sa maison, un petit déjeuner, les scouts étaient tout excités à l'idée de revenir sur l'esplanade de la mairie prendre part au cérémonial. Tout comme la veille, seuls quelques officiels étaient présents. La direction des moudjahidines, à sa tête le dynamique Moumen, avait pris soins d'inviter les anciens combattants afin qu'ils se joignent au cortège officiel et participent à l'enterrement de leurs compagnons tombés au champ d'honneur. Un bus avait été réquisitionné à cet effet. Très rapidement, l'idée d'y embarquer les fringants scouts de St Jules fera son chemin. Après tout, cela leur ferait une superbe promenade, eux qui étaient sevrés de sorties champêtres depuis l'émergence des maquis islamistes. Ce jour là, le cimetière était bondé de monde. Dans la précipitation, personne n'avait remarqué qu'un arbuste avait été planté à la hâte. Sous la terre fraîchement retournée, la bombe attendait froidement le moment propice pour faucher la foule. C'est à l'instant où les premières sépultures des martyrs de novembre 54 retrouvaient la terre pour laquelle ils avaient combattus qu'une énorme déflagration fera trembler le sol.
La stèle inachevée
Croyant à une salve d'honneur des djounouds de l'ANP, Ahmed Boualem et ses compagnons furent pris de stupeur lorsque la poussière soulevée par l'engin commencera à retomber sur leur tête. Puis soudain, les cris de douleurs des jeunes scouts de Mostaganem et de Sidi Ali que les morceaux de ferraille projetés par le souffle avaient atteint de plein fouet. Sous l'œil hagard de la caméra de l'ENTV les premiers corps déchiquetés et ensanglantés étaient évacués vers le petit hôpital. Mais très vite on se rendra compte de l'ampleur du massacre. Ils seront plus d'une trentaine à avoir été blessés dont 4 succomberont. Ces scènes d'horreur feront le tour de la planète. Leur impact fut tel que les nombreux partisans de l'abject « qui tue qui » finiront par reconnaître l'origine du mal, ses auteurs et ses commanditaires. Encore une fois, novembre à Sidi Ali aura été un lieu où les symboles du combat libérateur d'hier, représentés par ces 15 sépultures de martyrs, se seront imprégnées du sang des jeunes scouts pour qui Novembre n'est pas qu'une halte. Novembre 1994 à Sidi Ali, ce sont les cendres de Benabdelmalek Ramdane et de ses anonymes compagnons qui s'abreuvent un court instant, du sang et de la chair de ces enfants dont le plus âgé avait à peine 12 ans. Si les blessés, dont certains seront amputés à jamais, auront été éparpillés à travers des familles d'accueils de France mais aussi d'Algérie, les 4 martyrs- il s'agit de Mehdi Boualem (9 ans), Mohamed Hachelaf (8 ans), Mohamed Chawki Ayachi (7 ans) et Abdallah Chouarfia (12 ans)-, du groupe SMA de St Jules, sont enterrés dans un minuscule carré au niveau du cimetière de Sidi Benhaoua, au sud de Mostaganem. L'endroit qui était jadis pavoisé à l'occasion du 1er Novembre, donne l'image d'une désolation et d'un méprisable abandon. D'après Ahmed Boualem, depuis 5 ans, aucune autorité n'aura pris soins d'y venir déposer la moindre gerbe ni entretenir la flamme par un simple badigeonnage à la chaux. Juste pour éloigner les mauvais esprits qui seraient tentés de flouer autrement que par les larmes, le message de ces enfants martyrs. Face à la mosquée de St Jules, sur la minuscule placette, l'APC avait entamé la construction d'une stèle commémorative. Sans jamais la finir. Autant de mépris à la mémoire de ces frêles victimes d'une barbarie sanguinaire ne peut pas s'expliquer que par l'amnésie. Il y a longtemps que les symboles de Novembre n'ont plus droit aux égards des jeunes générations. Car ils ne sont que les témoins éternels de nos rudes batailles. Au cimetière de Sidi Benhaoua, il était bien seul, en ce doux matin de novembre 2007, notre ami Boualem dont toute la famille ne vit plus que dans les douloureux souvenirs. L'arrivée de la veuve d'un policier qui venait arroser le frêle géranium, ne fera qu'accentuer sa tristesse. A trois, il n'était pas facile pour eux de porter toute la détresse du monde. Ce n'est qu'en arrachant avec détermination les mauvaises herbes qui envahissent le minuscule carré, que Boualem parvenait à contenir sa colère. Et ses larmes! Il se rappellera un détail d'importance, les 4 martyrs de Sidi Ali avaient été enterrés dans leurs uniformes flambants neufs que la poussière des martyrs de Novembre est venue couvrir d'un linceul invisible.


L'article original a été publié
Poussières de Novembre par Yacine Alim, alias Aziz MOUATS dans 
El Watan du 07 - 11 - 2007.

20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...