dimanche 28 août 2011

Un banquier averti ça peut rapporter gros

 Discret, compétent et affable...l'ancien et l'unique gouverneur indépendant de la Banque d'Algérie, le père de la loi sur la monnaie et le crédit sous l'autorité de Mouloud Hamrouche, fait ici un bilan au bistouri de la crise algérienne. Cet enfant du M'zab, de l'Algérie profonde et studieuse, de l'Algérie qui avance et qui ne crains personne, mis à la retraite anticipée par Bouteflika, parle comme le ferait un Mozabite, sans éclats et surtout sans rancoeur...voici son interview par l'ami Fayçal Métaoui...ça fait 2 monstres sacrés pour rendre l'Algérie lisible, crédible et besogneuse...le premier acte de souveraineté de Bouteflika a été d'abroger la loi sur la monnaie et le crédit promulguée par Chadli à l'instigation de Mouloud Hamrouche, de Ghazi Hidouci et de Abderrahmane Hadj Nacer, respectivement chef du gouvernement, ministre des finances et Gouverneur de la Banque Centrale...

Abderrahmane Hadj-Nacer : «Nous reproduisons l'échec en permanence»

le 05.08.11 | 01h00
| © Lyès. H.

La Martingale algérienne, réflexions sur une crise, l’essai de Abderrahmane Hadj-Nacer, publié en juin 2011 à Alger aux éditions Barzakh, est sans conteste le livre de la rentrée sociale. Il fait déjà débat dans un pays où l’on parle rarement des problèmes réels qui menacent les fondements même de l’Etat. 

L’ancien gouverneur de la Banque centrale a été marginalisé pour avoir cru, un moment, à la possibilité de réformes économiques en Algérie, seule voie pour sortir de l’enlisement. Il est évident que le livre, destiné surtout aux jeunes, doit être lu par tous. Les vérités sont dites d’une manière crue avec un sens aigu de l’analyse et de l’explication. Abderrahmane Hadj-Nacer ne se contente pas de faire un constat mais propose des solutions, des formules, des idées, des clefs, pour sortir de la crise, à commencer par celle de la légitimité.
-Dans La Martingale algérienne, réflexions sur une crise, vous écrivez : «Mais qu’a-t-on fait de nos enfants ? On ne leur a rien transmis.» Rien transmis, pourquoi ?
L’origine du livre est celle-là. C’est le fait de rencontrer des jeunes, des gens de 20-30-40 ans, qui, dans le fond, ne comprennent pas ce qui s’est passé et pourquoi on en est là. Des jeunes qui n’ont pas connaissance de leur histoire, de leur profondeur sociologique et historique. Après analyse, on constate qu’on ne leur a pas enseigné l’histoire ancienne, préislamique, musulmane et celle de la colonisation. De temps en temps, on leur jette en pâture des mythes, des bribes d’histoire souvent écrits par des personnes qui ont essayé de nier l’histoire de l’Algérie. Nos enfants sont le fruit de la négation de leur propre histoire. Ils sont le fruit d’une tradition de nos dirigeants de zapper l’histoire et d’essayer de forger un homme nouveau à partir de leurs propres fantasmes.
Nous sommes dans un système d’éternels recommencements des erreurs. Des erreurs qui s’approfondissent parce qu’on ne tient pas compte de celles de nos ancêtres ni de celles de la génération précédente. A 15 ou 20 ans, le jeune est merveilleux, on voit que c’est de la bonne pâte. Au fur et à mesure qu’il avance dans l’âge, il devient une espèce d’ectoplasme qui rend service à ce système. D’où ma question : qu’a-t-on fait de nos enfants ? Je sais que c’est prétentieux, mais j’espère que ce livre sera lu surtout par des jeunes. Je souhaite que les 20-30-40 ans m’interpellent pour me donner leur avis et qu’ils sollicitent un débat.
-Pourquoi l’histoire de l’Algérie n’a pas été enseignée ?
Parce que les dirigeants ne connaissent pas l’histoire. L'histoire n’a pas été enseignée parce que ceux qui dirigent ne sont pas légitimes et ont peur de remonter le fil du temps et de démontrer leur illégitimité. Ils ont bien tenté de produire des fictions «légitimantes» qui n'ont pas réussi à s'installer dans le paysage mémoriel des Algériens. En 1962, ceux qui ont pris le pouvoir n’avaient pas légitimité pour le faire. Donc, ils ont zappé tout le passé, y compris préhistorique. Dès qu’on commence à construire un mythe historique, on est obligé de revenir aux fondamentaux, aux origines des royaumes, des dynasties, des institutions et, donc de remonter à eux.
-Vous écrivez qu’il est toujours difficile d’expliquer aux jeunes que l’Etat rustumide est la matrice du Maghreb central…
Un historien algérien, non mozabite, non ibadite, a dit que la matrice du Maghreb central est l’Etat rustumide. C’est une évidence. Pour la période islamique je veux dire. De la même façon que la matrice des Tunisiens sont les Hafsides et celle des Marocains les Idrissides. Mais il est difficile d’enseigner à des Algériens qu’ils furent tous rustumides, car cela signifie que nous avons tous été des ibadites. Dans l’exclusion permanente que nous avons de nous- mêmes, on leur dit oui, les Rustumides est un royaume qui a existé mais qui appartient aux mozabites. Or, les mozabites n’ont rien à voir avec les Rustumides.
La vallée du M’zab n’a jamais obéit à cette époque-là au royaume de Tihert. D’ailleurs, elle n’a pas été peuplée de gens originaires du royaume de Tihert qui furent minoritaires. Ce processus d’exclusion permanente fait qu’on ne peut enseigner à nos enfants l’histoire de leurs propres ancêtres. Ils sont donc dans le rejet. Rustumide = mozabite = minoritaires = khamssine fi eddine, etc. Si l’on arrive à dire à nos enfants qu’ils ont été ibadites puis chiites, devenus malékites, on peut renouer le fil et compléter le puzzle. On ne donne jamais à l’Algérien les éléments constitutifs de son puzzle pour qu’il élabore une personnalité dont il sera fier, ce qu’il lui permettra d’avancer.
-D’où votre insistance sur «la conscience de soi» dans l’essai…
Je travaille énormément en Tunisie, au Maroc, en Mauritanie et je constate que l’on s’accapare des éléments de notre propre histoire. Notre histoire est non seulement en jachère, mais elle est offerte aux autres. En Tunisie, ils disent que Massinissa comme saint Augustin leur appartiennent et que la Numidie et les Fatimides c’est eux ! Badji Caïd Essebssi, Premier ministre tunisien, a déclaré récemment : «Nous n’allons quand même pas régresser à l’ère de la Numidie.» Ilsrécupèrent tout. Idem lorsqu’on va au Maroc, ils revendiquent le roi Abdelmoumen qui a bâti des institutions au-delà de la constitution de la dynastie des Almohades.
Ce réflexe n’existe pas en Algérie du fait qu’on ait méprisé notre propre histoire. On n’a pas conscience de ce qu’on est. Donc, on n’existe pas. Au lieu d’exister positivement avec une stratification de notre histoire, nous existons négativement. Nous ne sommes pas des Marocains, des Tunisiens ou des Français. Qui sommes-nous ? Une case essentielle nous manque et fait qu’on n’avance pas.
-Cependant, dans le discours officiel, on évoque souvent «la légitimité révolutionnaire», la guerre de Libération nationale, cela revient régulièrement…
La seule légitimité sur laquelle repose le régime, c’est la légitimité dite révolutionnaire. Ce n’est pas la légitimité historique. Si nous étions dans la légitimité historique, nous aurions dû, dès 1962, reconnaître que la présidence aurait pu se jouer entre Ferhat Abbas et Messali Hadj. Or, on a voulu nier leur combat. Un combat fondamental. Après le Congrès de Tripoli, la révolution était celle de quelques hommes. La révolution signifiait alors la force contre la légitimité de l’histoire…
-Pourquoi les élites algériennes donnent l’impression parfois d’être soumises et peinent souvent à échapper aux manipulations diverses, comme vous le mentionnez dans le livre ?
Un peuple vaut ce que valent ses élites quelle que soit la période, quel que soit le pays. Les élites, c’est un enjeu fondamental. Les Français l’ont compris. Ils ont mis en place un processus d’exclusion et d’élimination des élites. Malheureusement, nous avons eu affaire à un régime post-indépendance qui était issu de la matrice technique française. N’oublions pas que certains, des anciens de l’armée ou de l’administration françaises, ont perpétué cette logique parce que eux-mêmes n’ayant pas de légitimité. Ils ne pouvaient pas faire face à une structure, à une élite organisée qui aurait permis non seulement de remettre en cause leur pouvoir mais de les amener à partager ce pouvoir avec eux et avec le reste de la population. Que fait-on à l’élite ? S’il n’y pas mort accidentelle, c’est le départ vers l’étranger ou l’achat par les promotions.
-Les nombreux assassinats d’intellectuels algériens durant les années 1990 obéissaient-ils à la même logique ?
Je ne vais pas entrer dans le débat du «qui tue qui». Je n’ai pas les moyens d’y entrer. Quels que soient les initiateurs de cette opération d’élimination des élites, cela correspondait tout à fait à la logique des maquis islamistes. On a vu la naissance de la violence au début des années 1990. Une logique exprimée dans la prise du pouvoir en 1962 comme au déclenchement de la guerre en 1954 même si la légitimité historique est tout autre. Cette logique de violence imposait l’élimination de ceux qui étaient capables de produire une idéologie contre la reproduction de cette logique de violence. Aujourd’hui, la violence n’est pas l’apanage du pouvoir, même si le pouvoir a en théorie le monopole de la violence. En Algérie, nous avons inversé les choses : c’est la violence qui a le monopole du pouvoir. C’est pour cela que pour arriver au pouvoir, il faut faire preuve de capacités supérieures à celui qui en détient le monopole.
Les seuls qui peuvent avoir des grilles de lecture sont les élites. La population le comprend, mais le rôle des élites est de conceptualiser et de proposer des alternatives. Aussi peut-on dire que, dans le fond, cette élimination d’intellectuels a été le fait de maquis islamiste, mais cela a servi les intérêts du pouvoir, car lui aussi était remis en cause. C’est pour cela que l’on est dans une situation trouble. A la limite, peu importe qui est l’initiateur. Il y avait comme une alliance objective de deux ennemis qui pouvaient se mettre d’accord sur le fait que les élites étaient là pour déranger.
-Une partie de l’élite n’est-elle pas complice du pouvoir en jouant le jeu?
La trahison des clercs existe. C’est quelque chose d’historique. D’abord, ce ne sont que des êtres humains. Vous pouvez les corrompre, leur faire du chantage. Il y a aussi des pleutres et des veules. Certains ont trahi et fonctionné avec le système. Sur le plan statistique, ils représentent la part de lâcheté qui existe dans chaque groupe social. Il y a aussi les autres qui n’ont pas accepté cette offre de service. Ce n’est donc pas inquiétant, c’est presque normal. Le taux de gens qui sont capables de liberté et d’autonomie est toujours faible… mais il existe et ce serait vouloir renoncer que les ignorer.
-Le pouvoir, il faut le dire, a joué sur la division des élites, arabophones contre francophones par exemple…
Soyons clairs : les élites ont joué aussi sur cela. En Algérie, l’arabe règne mais le français gouverne. Cette situation a été voulue dès l’indépendance par le nouveau régime. Il y a un accord de gestion post-colonial entre la France et l’Egypte au détriment de l’Algérie, devenu une espèce de condominium franco-égyptien. Il y a eu cette volonté d’affaiblir cette élite algérienne qui a montré une capacité d’absorption de la culture occidentale et d’adaptation au monde moderne tout en revendiquant son algérianité. Cette situation a déstabilisé les Français. Les Français ont pu enregistrer quelques victoires militaires mais pas sur le plan politique grâce à cette élite. Donc pour éviter que cette élite ne se reproduise à grande échelle, on a mis en place un système qui a défavorisé la culture du français et qui n’a pas favorisé la culture arabe.
On a vendu une espèce de sous-culture arabophone en réduisant les capacités intellectuelles de la population. Là, ni les élites ni les médersiens n’ont joué leur rôle. Les médersiens auraient pu faire alliance avec les élites francophones. Les médersiens se sont trouvés grugés par l’indépendance puisqu’ils ont perdu le pouvoir technique, alors qu’ils s’estimaient plus légitimes. Il est vrai qu’on les a écartés de l’administration. Les francophones ont eu une tendance à regarder les arabophones comme des infrahumains qu’il fallait contrer. Ceux-là se sont vengés en créant une base sociale qui a été ignorée et méprisée par l’élite francophone. Cette base a permis plus tard l’émergence de personnes pour qui la religiosité est adoptée plus par réflexe pavlovien que par réflexion. En outre, il faut le souligner, les élites francophones et arabophones, occupées à des oppositions factices parce que loin des intérêts nationaux, ont participé à la suppression de l’histoire et de la philosophie dans l’enseignement.
-Vous dites que personne ne fait confiance à l’existence d’un l’Etat malgré l’existence «d’une administration pléthorique et d’une police répressive». D’où vient ce manque de confiance ?
Prenons l’exemple du maire de Zéralda. Encore une fois, je prends mes précautions, je ne connais pas la réalité. Ce que rapportent les journaux signifierait qu’aujourd’hui, la mafia a la prévalence sur le fonctionnement de la justice concernant un citoyen devenu maire qui a essayé de faire son travail. Tout est comme cela. A partir du moment où l’arbitraire l’emporte sur la règle de droit, évidemment, il n’y a plus d’Etat. Il y a une expression d’Alger que j’adore et qui m’a permis de travailler convenablement à la Banque centrale et que m’a rappelé un jeune employé qui m’a dit : «El Had,j a'tina gramme qima ou khatik.» Il suffit de donner à l’Algérien son droit, y compris le plus basique. Ce n’est pas de l’argent. Ce qui motive le plus l’Algérien est l’égalité du traitement. Si l’on est juste avec lui et que l’on fasse en sorte qu'il participe à la décision, on peut faire ensemble ce qu’on veut. C’est une richesse exceptionnelle. C’est le rôle de l’Etat.
La légitimité de l’Etat, c’est la justice, le droit à l’Etat de droit. Or, c’est cela qui est remis en cause aujourd’hui. Je peux multiplier les exemples. Quand vous avez un policier qui refuse d’intervenir alors qu’il assiste à l’agression d’une jeune femme dans la rue… Petit à petit, des tas de couches se superposent permettant de dire qu’il n’y a plus d’Etat. Idem pour l’économie. Pour la même marchandise, un importateur paye les droits de douane et un autre fait entrer ses containers en pleine nuit sans rien payer ! Avec le temps, tous les pans de l’Etat finissent par disparaître. Il n’y a plus de confiance. Aujourd’hui, si vous avez un problème de sécurité, vous avez peur d’aller au commissariat déposer une plainte car vous ne savez pas comment vous allez être accueilli. Dans le domaine économique, on favorise les rentiers par rapport aux producteurs, l’informel au détriment du formel.
-Et pourquoi l’informel est-il favorisé ?
Parce que le pouvoir est informel, parce que l’adresse qu’on nous montre ne correspondant pas à l’adresse où se prend la décision. En économie, l’adresse où se font les transactions n’est pas celle où elle devrait être. Et tout est comme cela. Ce n’est pas un hasard. C’est une logique qui est évidente. Ce n’est pas une question d’incapacité de contrôler des marchés tels que Tadjnent, Bir El Ater ou tous les «Dubaï» qui apparaissent ici et là. C’est le véritable reflet de l’administration et du pouvoir aujourd’hui. Or, la fonction de l’Etat est essentielle. N’oublions pas que pour pouvoir aller vers une économie libre, il faut un Etat fort. Plus l’Etat est fort, plus vous pouvez libérer les énergies des citoyens…
-Et si l’Etat est faible, il devient répressif…
La répression signifie que l’Etat s’est affaibli. Aujourd’hui, on pense que l’époque de Boumediène était celle d’une «libéralité» absolue. Or, notre génération l’a bien vécu, les gens avaient peur de la répression. Il y avait une forme d’Etat qui se constituait. Aujourd’hui, c’est le dépérissement total. Vous n’avez pas accès à la santé, aux services de base que l’Etat doit fournir et donc vous tournez le dos à l’Etat. Vous êtes obligé de constituer un Etat parallèle. Cela existe au niveau de chaque citoyen. C’est une logique voulue. C’est également une logique de l’organisation du pouvoir. En ce sens-là, c’est une forme de suicide. Le dépérissement de l’Etat, même voulu, conduit ceux qui en bénéficient en premier lieu à une forme de suicide collectif. Suicide vers lequel est entraînée toute l’Algérie.
-Le changement de cette situation doit-il signifier la fin du régime politique actuel ?
Le régime avait une possibilité d’évolution dans les années 1980 et 1990. En 1987, nous étions conceptuellement en avance sur l'Europe de l'Est. Il faut reconnaître que le pouvoir n’était pas prêt psychologiquement et conceptuellement à comprendre la nécessité du changement, néanmoins ces vingt ans de ratage absolu n’ont pas permis à ce régime de tirer profit de ce temps. Or, le temps ne joue jamais en faveur d’une situation de statu quo. Une politique de statu quo est toujours une politique de répression et de maintien en l’état des rapports. On se retrouve aujourd’hui dans une situation internationale marquée par des changements. Les vrais acteurs à l’étranger étaient favorables au statu quo, il y a vingt ans. Ils ne le sont plus actuellement pour leur propre survie. Ils ont estimé qu’on a perdu du temps et qu’on leur fait perdre du temps.
On ne semble plus être apte à comprendre comment renverser les choses pour être à la mesure des exigences internationales. Disons les choses simplement : face à l’émergence de la Chine, le monde occidental a besoin de mettre de l’ordre derrière le chef de file que veulent rester les Etats-Unis. Ils ont besoin que le monde arabo-musulman, à cause des réserves pétrolières, mais aussi que la population et l’idéologie se mettent en ordre. Et dans ce cas de figure, croire qu’on peut jouer les prolongations avec un statu quo renouvelé, c’est commettre une erreur fondamentale. Toutes les populations arabo-musulmanes expriment un besoin de changement en raison de l’éducation, d’Al Jazeera, de la télévision, de l’internet, des voyages, etc. Donc on a une poussée interne et une poussée externe. Certains croient que le statu quo se gère dans un tel contexte général.
-Et pourquoi le pouvoir algérien n’arrive pas à s’adapter, à changer ? Il y a toujours les mêmes pratiques, les mêmes réflexes. Cela est-il lié à la rente pétrolière ?
Ils pensent que l’argent achète tout parce qu’ils n’ont pas compris la signification de l’argent. Là, je parle en tant que banquier. La Banque centrale n’émet pas de la monnaie, elle émet de la confiance. C’est supérieur à la monnaie. Une monnaie fonctionne tant que les gens ont confiance en elle. Dès que cette confiance est perdue, la monnaie ne vaut rien. Or, eux, quelle monnaie émettent-ils ? Ils sont en train de détruire la confiance qu’a toujours eue la population en l’administration. Celle-ci a toujours fonctionné sur la base d'un minimum de contrepartie. Même s’ils s’accaparaient des pans entiers de la rente, il y avait une espèce d’équilibre. A l’ex-ministère du Plan, une direction s’occupait des équilibres sociaux pour qu’il y ait une distribution équitable des revenus en faveur de la population. A partir du moment où vous rompez ce pacte social, cet équilibre, vous détruisez la monnaie essentielle, la confiance. Voilà le problème du régime aujourd’hui auquel il n’arrive pas à faire face. Voilà pourquoi les augmentations de salaire octroyées semblent si injustes même pour leurs bénéficiaires.
-Il y a une question terrible dans votre livre : «Qui décide en Algérie ?» Il n’y a pas de réponse…
A partir du moment où le rapport économie informelle-économie formelle correspond à celui du pouvoir apparent et pouvoir non apparent, vous ne saurez évidemment qui dirige aujourd’hui. Dans les années 1990, j’étais étonné d'apprendre l’existence d'une Bourse du sucre et qu’elle était établie à la cité La Montagne à Alger. Une cité censée être un fief islamiste. Tout se gérait à deux chiffres après la virgule. Si le bateau, qui arrivait au port, n’était pas dans «la logique» de la cité La Montagne, il était, comme par hasard, bloqué par les douaniers, les dockers (…). Personne n’était en mesure de vous dire qui était le patron de «la Bourse» du sucre. Cela s’est instauré comme système. On ne sait pas qui. C’est la même chose pour le pouvoir.
-On dit généralement que c’est le DRS qui gère tout…
A chaque fois qu’on vous montre du doigt quelque chose, ne regardez pas la direction qu'on vous indique, regardez d’où vient le doigt et qui désigne cette direction. Dès qu’on me dit que c’est le DRS, que c’est le patron du DRS, je dis que c’est plus complexe et qu’il faut chercher où se trouvent les raisons profondes de cet état de fait. Cela peut être «l’étranger», mais c’est une fausse réponse. La réponse est toujours en nous. Ce système opaque dessert même ceux qui en bénéficient aujourd’hui. Sont-ils heureux ? J’ai des doutes sur le bénéfice qu’ils peuvent tirer de cette situation.
-Justement, pour vous, tel qu’écrit dans l’essai, «la main de l’étranger» est une des «ruses» du régime pour fédérer les appuis autour de lui…
Un étranger a ses propres droits et sa propre logique. On ne va pas demander à Israël de nous aider. Nous sommes en guerre virtuelle avec Israël…
-Quoique…
Je dis bien virtuelle ! Nous sommes dans un monde informel. Le discours tenu est un discours de guerre contre Israël. Aussi ne pouvons-nous pas exiger d’Israël d’avoir un comportement amical vis-à-vis de nous. Donc, ils font leur travail. C’est légitime. On ne peut pas exiger de n’importe quel pays de ne pas défendre ses propres droits. Mon problème n’est pas de dire que les Français ne nous laissent pas travailler ou que les Israéliens auraient liquidé l’ex-patron du nucléaire en Algérie, le lieutenant-colonel Sari (le lieutenant-colonel Redouane Rédha Sari, docteur en physique nucléaire et en informatique, a été assassiné à Bouzaréah à Alger, le 4 juillet 1993, ndlr). Les étrangers font leur job, mais notre job à nous est de nous défendre et éventuellement de faire la même chose chez eux. L’explosion du groupe Khalifa est une conséquence d’une faute de la Banque centrale, mais c’est aussi le travail des services de renseignements de toute couleur que de faire de la prévention. A quoi servent donc l’armée, la police ?
-Le contre-espionnage algérien ne fait-il pas son travail comme il le faut ?
C’est une question technique. Je ne sais si l’on sait piloter un Mig 23. Je constate en tant que citoyen et en tant que praticien dans certains domaines qu’il appartient aux services de sécurité, de toute nature, comme dans tous les pays, de participer à la défense du territoire national. Cette défense ne signifie pas de mettre des cartouches dans un fusil. De nos jours, il existe d’autres formes de cartouches. L’intelligence économique est beaucoup plus importante que l’intelligence militaire classique. Quand les Marocains pénètrent dans toute l’Afrique, ils sont devenus plus puissants que les Algériens. Ici, nous en sommes encore aux réflexes des années 1970 sans avoir l’aura de la diplomatie algérienne des années 1970. Les armements ont évolué dans le reste du monde. Les autres pays se sont adaptés. C’est pour cela que je dis que «la main de l’étranger» est une ruse du système.
Va-t-on accuser les Français de nous faire la guerre en Libye ou dans le Sahel ? Ils ne font pas la guerre mais poursuivent une logique qui leur appartient, ils défendent leurs intérêts. Idem pour les Marocains. Est-ce la faute aux Marocains si nous n’avons pas de système bancaire et qu’il n’existe aucune facilité pour les entreprises algériennes qui veulent exporter ? La bureaucratie algérienne empêche les entrepreneurs algériens de s’installer au Burkina Faso ou dans un autre pays africain. Nous avons pourtant historiquement l’habitude de nous mouvoir et nous installer à travers tout le Sahel. Nos populations le font depuis longtemps. C’est une ancienne tradition. Tout cela se fait dans l’informel. Allez demander à la Banque centrale de faire une exportation de capitaux ou même de faire une importation de capitaux ! On traite les gens comme des voleurs obligés de se justifier à chaque fois dès lors qu'ils le font honnêtement.
-Cette situation n’est-elle pas liée à «la malédiction» du pétrole ? Vous le dites dans le livre, à chaque augmentation des cours pétroliers, c’est l’immobilisme qui s’installe en Algérie.
C’est vrai. Le Brésil du début du siècle, c’était la malédiction du caoutchouc. Mais les grands peuples, comme les Brésiliens ou les Norvégiens, savent tirer les leçons des malédictions et mettent en place des mécanismes afin de les changer en bénédictions. En Norvège, des systèmes de transparence et de contrôle ont été mis en place, bref, de démocratie. Dès que vous avez un équilibre des pouvoirs, il n’est plus possible qu’une personne s’accapare de la rente, et pour perdurer, se mettre à gérer cette rente en la distribuant à tous les nervis du système. La démocratie est une condition de base pour moi puisqu’elle correspond à notre peuple. Nous sommes un peuple amazigh, il ne faut pas l’oublier. Chacun d’entre nous doit participer à la décision sinon il s’oppose puis se rebelle. C’est fondamental.
C’est dans nos gènes depuis des millénaires. Nous avons vu qu’à chaque fois qu'un dirigeant dans ce pays a mis en place un système d’équilibre de pouvoirs, cela a marché. Si l’on installe des institutions et de la transparence, la malédiction se transforme en bénédiction. J’avais comme programme à la Banque centrale, fin 1992, la convertibilité du dinar. Cela n’a pas été réalisé. La convertibilité assure la transparence. Contrairement à ce que les gens disent, la convertibilité du dinar ne signifie point la fuite des capitaux, bien au contraire, c’est la stabilisation des capitaux. Certains pensent que le dinar n’est pas convertible. Le dinar est à l’image du pouvoir. L’informel est une convertibilité plus souple que le formel, mais arbitraire puisque soumis à la traque, au chantage et à la manipulation. Si vous créez les condition de formalisation de la convertibilité de la monnaie, vous êtes obligé de tout faire apparaître. C’est la transparence, et la bureaucratie est supprimée. Le transfert des fonds sera plus fluide et les opérateurs seront tranquilles. Ils n’auront pas besoin d’aller dans l’informel et de se cacher…
-Aujourd’hui, on ne sait pas quel est le véritable rôle de la Banque d’Algérie. Une banque non autonome avec un gouverneur qui parle peu…
La Banque centrale est à l’image du pays. A partir du moment où l’on a changé la loi sur la monnaie et le crédit sur la base seulement de la déclaration du chef de l’Etat qui a dit être seul légitime dans le pays, sachant qu’il a été désigné avec un quiproquo en ce domaine (la présidentielle de 1999 a été marquée par le retrait de tous les candidats sauf Bouteflika, ndlr). Un quiproquo déstabilisant. Malgré cela, le chef de l’Etat a dit qu’il ne peut avoir sous ses ordres un responsable nommé pour une durée déterminée alors que celui-ci n’est pas élu. La loi a été modifiée et on a supprimé l’autonomie de la Banque centrale. Résultat : aucune décision ne peut être prise sans l’aval d’une autorité supérieure, formellement la Présidence de la République. On ne peut pas fonctionner dans ce cas de figure. On peut constater une situation de fait : il n’y a plus d’autonomie, mais cela ne devrait pas empêcher de former des cadres. Le jour où véritablement ça recommencera à fonctionner, où trouver les cadres ? L’effort de formation a été détruit, tous secteurs confondus. Il n’y a pas de relève. Il y a des diplômés mais pas de relève ! La capacité future de l’autonomie est grevée par la non-mise en place d’un système d’avenir.
-Comment expliquer l’absence de prospective et d’études futuristes en Algérie ?
Je n’ai jamais compris pourquoi le pouvoir a cassé tous les instruments d’analyse, de statistiques et de projections sur le futur. On nous a imposé la suppression du terme planification, avec le libéralisme qui avait le vent en poupe. Cela n’a pas été le cas pour eux, ceux qui ont exercé des pressions sur nous. Je ne connais pas un seul pays ultralibéral qui n’ait pas d’institut de prospective. Peu importe le mot. Au japon et en Corée du Sud, les instituts de planification sont essentiels. Quelle que soit la personne à la tête d’un institut, la structure aura sa propre logique. Elle continue à produire des éléments de comparaison. Or, comme si on a voulu, à un moment déterminé, briser une machine qui était capable de produire. C’était la période de la destruction de 500 000 emplois et de la mise en prison de presque 4000 cadres.
-La période Ahmed Ouyahia…
Je ne veux pas nommer non par peur mais parce que c’est sans intérêt. C’est un système qui produit ce résultat. Je ne citerai pas Ouyahia, pas même Bouteflika ou Tewfik. Ce n’est pas un problème d’individus. On a cité des noms par le passé, Benahmed Abdelghani, Larbi Belkhir, Smaïl Lamari… Ils sont tous partis. Eddayem rabi. Cela a-t-il amélioré le fonctionnement du système ou la vie quotidienne des citoyens ?
-Alors c’est quoi le système ?
Le système est une logique à laquelle adhèrent quelques individus. Ce n’est pas X qui crée une logique d’adhésion autour de lui. C’est pour cela qu’il faut travailler sur la nature du système et non sur les individus.
-Vous évoquez dans le livre le manque de discipline et d’autorité en Algérie. Comment faire pour que le manque de discipline et d’autorité ne servent d’alibis pour augmenter la répression ?
La répression ce n’est pas de l’autorité. La répression ne mène pas à la discipline. L’Algérie est constituée par un peuple rural qui s’est citadinisé en deux générations. Nous sommes passés de la discipline de la famille élargie du village et de la tribu à la ville, sans acquérir les repères de la ville, sans transition.
-Bien que dans le passé, l’Algérie avait des villes…
Bien sûr, mais les villes ont été vidées par les Français. Pendant la période coloniale, la culture citadine de ces villes a été vidée sinon violée. On revient à l’histoire de l’exclusion des élites et des classes bourgeoises, par la prison, le meurtre ou l’exil. Les villes ont été désurbanisées sous l’angle arabe pour les urbaniser sous l’angle européen. La campagne a été déruralisée. Il fallait occuper de façon militaire ces campagnes par les colons français. Nous avons affaire à une paysannerie qui a perdu ses repères. Des paysans qui ont accès brutalement à la ville au lendemain de l’indépendance. Tout cela a amené à la perte de la discipline après celle des repères. Cela s’est exprimé à l’intérieur des familles avec le rôle des parents qui a changé. Même chose pour les relations frères et sœurs. Ce changement de discipline a induit des comportements négatifs.
Ce qui est constaté à l’intérieur des familles, l’est également au sein de l’Etat et de son administration. C’est un Etat qui n’est pas parti de repères faisant le lien avec notre histoire, notre sociologie et notre anthropologie et la nécessité d’un monde moderne. On ne pas faire fonctionner une APC quand on tourne le dos à la tradition de la djemâa. Quand vous avez une Assemblée communale qui ignore cette tradition reconnue par la population, le citoyen ne sait pas quelle discipline il doit adopter. Il est quelque peu perdu. D’autres logiques se mettent en place. L’institution du service national était une bonne idée au départ dans les années 1970. Cela a créé une situation avec de nouveaux repères positifs comme celui de la nation. C’était un moment où l’on pouvait organiser le brassage de la population.
L’université était un autre moment pour réaliser ce brassage avec une autre discipline et accepter de nouvelles normes, avec une université par wali ce brassage a disparu… Mais c’étaient des moments où l’Etat n’a pas émis de règles. Cela ne vient pas tout seul. C’est le rôle de l’école aussi d’émettre des règles et des normes. La discipline est l’une des fonctions essentielles de l’Etat. A partir du moment où la justice n’est pas rendue, où l’éboueur ne fait pas son travail, où l’on jette les ordures par terre, où l’on ne respecte plus les voisins, toute la discipline s’effondre, parce que l’autorité n’est pas reconnue en tant que telle. Malheureusement, il faut revenir à une autorité plus forte, ce qui ne signifie pas l’autoritarisme. Revenir aussi à des règles de discipline. Des règles qui s’écrivent, cela ne s’invente pas. L’école n’assure pas la discipline, car elle ressemble au pouvoir et à tout le reste. Pour réussir de nos jours, il faut aller à l’école en dehors de l’école, suivre des cours particuliers et s'expatrier...
-L’absence d’accumulation culturelle et scientifique est un autre problème de l’Algérie, comme vous l’expliquez dans l’essai. Quelle est l’origine de ce problème ?
Il y a même une volonté de désaccumulation. Ce n’est pas un hasard si à chaque fois qu’une équipe technologique se forme dans l’éducation, dans la pétrochimie, dans le gaz, dans les banques, on fait en sorte de supprimer l’équipe et de la faire disperser. Pourquoi le fait-on ? Pour faire plaisir aux étrangers qui nous dominent ? Oui. C’est le rôle du comprador dont les intérêts sont liés aux intérêts étrangers. Est-ce pour éviter qu’on accumule ? Oui. Car si l’on accumule, cela signifie une capacité autonome de production et de reproduction. Cela peut remettre en cause les circuits de rente et de prédation mais aussi le pouvoir. Parce que le pouvoir repose sur l’opacité et sur des règles d’indiscipline. Donc, ce n’est pas le fruit du hasard. C’est une nécessité objective parce que nous avons affaire à des institutions illégitimes qui ne sont liées qu’aux intérêts de l’étranger. Encore une fois, ce n’est pas la faute de l’étranger (…).
La nature a horreur du vide. Les ingénieurs algériens font fonctionner actuellement des groupes pétroliers et gaziers dans le Golfe comme au Qatar. Objectivement, si ces ingénieurs algériens ne sont plus en Algérie, leurs places sont prises par des étrangers. Ils finissent donc par avoir la mainmise. Sonatrach est obligée de sous-traiter tout ce qui est complexe. Sa dépendance est plus forte qu’elle n’était avant alors qu’on produit plus d’ingénieurs que par le passé. La mainmise vient de cette situation de peur d’une élite qui accumule et qui peut prendre le pouvoir et remettre en cause certains statuts. Aussi met-on dehors cette élite algérienne et on la remplace par des étrangers qui, de plus en plus, prennent du pouvoir.
-Pourquoi la publication de cet essai critique aujourd’hui ? Aujourd’hui qu’un vent de révolte souffle sur les pays arabes et que des appels au changement sont de plus en plus audibles, de plus en plus forts ?
Le livre a été écrit il y a deux ans. Le monde arabe ne connaissait pas de révoltes. J’ai constaté qu’il y a un désir chez les jeunes de prendre une part du pouvoir. Je n’oublie jamais que j’étais gouverneur de la Banque centrale à 39 ans. A 39 ans, si l’on n’est pas général, vaut mieux être homme politique ou entrepreneur. On ne peut pas être rien. Je trouve légitime que les gens de 39 ou 40 ans appellent à changer les choses. Voyant que j’étais toujours considéré comme jeune par les tenants du pouvoir, alors que je suis grand-père, et voyant que ces jeunes refusaient même d’écouter ce que l’on avait à leur dire, je me suis dit je vais donner quelques clefs de compréhension à travers ce livre. C’est un algorithme, ce n’est pas de la littérature. Il s’agit de clefs qu’il faut manipuler. Par ailleurs, je me sens humilié.
Dans cet hôtel (hôtel El Djazaïr où l’interview a été réalisée, ndlr), une belle collection de lustrerie existait. Il y a deux pays arabes qui faisaient de la belle lustrerie, la Syrie et l’Algérie. Cette lustrerie a été remplacée par du plastique, du toc. Regardez ce décor du salon : ce n’est pas celui d’un hôtel de classe. Tout ce qui est ancien a disparu de cet hôtel. Les céramiques de Boumahdi ont été remplacées par de la faïence de salle de bain. Il y a un problème de respect et de conscience de soi. (…) On aurait pu enlever les meubles et les céramiques de cet hôtel et les mettre dans un musée, au moins provisoirement. Rien ! De la destruction permanente. Cela est humiliant. Les Algériens ne sont pas des bras cassés. Pourquoi les Marocains et les Tunisiens s’en sortent-ils ? Tous les pays ont avancé, et nous, nous passons notre temps à faire des constats. Nous sommes les derniers de la classe en tout. Prenez l’exemple de l’équipe nationale de football. Quel a été son problème ? Le manque de discipline ! Ce n’est pas un problème d’individus.
Collectivement, on est tellement hors du temps. Ce n’est pas l’échec d’un individu, Saâdane Rabah ou autre. C’est un échec collectif. Nous faisons appel à des joueurs avec une culture de discipline et on les met dans notre ambiance d’indiscipline. Donc ça suffit ! Des sommes considérables ont été dépensées pour cette équipe de football. Nous avons acheté de l’échec. Ce n’est pas les joueurs qui sont en cause à titre individuel. Parce que nous reproduisons l’échec en permanence. Cette équipe de foot est significative de l’état de notre pays. Je ne suis pas fier. Je pense à mes enfants qui ont le droit d’avoir un pays. Nous sommes à un moment de l’histoire où se reproduisent les conditions positives que nous avons eues pendant la préhistoire, une situation où le Maghreb central peut advenir de nouveau comme une position géographique de production intellectuelle et institutionnelle importante.
Mon livre peut être lu politiquement évidemment. On peut même le lire comme un programme politique. C’est pour cela que j’ai expliqué dans le livre ma relation avec Mouloud Hamrouche. J’ai tenu à dire que c’est quelqu’un que j’apprécie et pour qui j’ai un profond respect. On peut estimer quelqu’un en étant libre. Je travaille avec des gens qui acceptent mon point de vue. Cela a été le cas avec Abdelhamid Brahimi, Mouloud Hamrouche ou Ghazi Hidouci. C’est un hasard qu’il y ait eu le printemps arabe. J’ai dit que tout est possible puisque l’étranger est prêt. Cela n’était pas possible de notre temps parce que l’étranger ne voulait pas de changement. Il y avait une alliance objective entre les tenants du statu quo à l’intérieur et à l’extérieur.
Actuellement, les choses ont changé. Je pense que nos dirigeants n’ont pas compris la nécessité du changement. Ils croient que le temps peut se gérer et qu’on leur donne la possibilité de perdurer. Comme je suis contre la violence, il faut rompre avec la nécessité d’arriver au pouvoir par la violence. On peut toujours faire évoluer les choses. Chez nous, l’armée est essentielle. On peut être antimilitariste, ne pas aimer l’armée, mais pour autant considérer que c’est la colonne vertébrale du pays. Il faut absolument sauvegarder cette colonne vertébrale. C’est une nécessité absolue et objective quelle que soit la philosophie de tout un chacun. Il faut éviter qu’il y ait un collapsus à l’intérieur des institutions pour qu’elles restent vivantes.

Bio express :

Né à Alger en 1951, enfant de La Casbah d’Alger, Abderrahmane Hadj-Nacer appartient à une famille de lettrés de la vallée du M’zab puisqu’il est l’arrière-petit-fils de cheikh Teffayech et le cousin de Moufdi Zakarya. Introduit très tôt, par son cercle familial, aux débats politiques et culturels du siècle, il n’a jamais cessé de s’intéresser aux questions les plus centrales de l’Algérie, du monde musulman et de la région méditerranéenne.
Des études à Namur et Louvain, après un passage à l’Ecole polytechnique d’Alger, lui ont permis de nourrir des réflexions et une carrière d’économiste et de banquier national et international. Il a fait ses premières armes au ministère algérien du Plan, puis à la Présidence de la République, ce qui lui a permis de participer activement à la conception et à la réalisation des réformes nécessaires à l’évolution de l’économie algérienne. Il a donc été gouverneur de la Banque centrale d’Algérie, conseiller pour le monde musulman à la Banque Lazard Frères et Compagnie, dirigeant auprès d’autres entités comme la Société marseillaise de crédit ou Natexis-banque populaire, à Paris.
Initiateur de la loi sur la monnaie et le crédit d’avril 1990, il est à l’origine de la création d’établissements financiers privés à Alger. Il dirige aujourd’hui, un holding à Paris (HBC), et est partenaire fondateur d’une banque d’affaires à Tunis (IM Banque). Abderrahmane Hadj-Nacer est par ailleurs membre de groupes de réflexion internationaux. Ainsi, il est président du comité de parrainage politique et dirige, avec l’économiste Christian de Boissieu, le conseil scientifique de l’Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen).
Fayçal Métaoui
 


samedi 27 août 2011

Les USA ne nous veulent pas que du bien...


Selon une déclaration faite à l’APS, son excellence Henry S. Ensher, ambassadeur des États‑Unis à Alger, a affirmé, samedi 27 août, que son pays respecte « beaucoup » le rôle de l’Algérie dans la crise libyenne. « Nous respectons beaucoup le rôle de l'Algérie dans cette crise et nous savons que l'Algérie est dans une position très difficile car la Libye est un pays voisin ».Cette déclaration intervient à un moment où les relations entre l’Algérie et son voisin sont au plus mal. On peut légitimement se poser la question de savoir pourquoi les Américains volent au secours de Bouteflika, sachant que pour eux seuls les intérêts des Etats-Unis priment. Immédiatement répercuté à travers les médias publics et privés et relayée par les réseaux sociaux, cette interview mérite une petite et modeste réflexion de Boussayar :

C'est pas bien de croire tout ce que racontent les Américains...ils disent bcp trop souvent des conneries...franchement à voir comment ils se font taper sur les doigts par Israël...et sur la tête par les Talibans...c'est pas la meilleure école...quand il était plus jeune et qu’il fréquentait Che Guevara et Carlos, Boutef détestait les Américains qu'ils taxait d'impérialistes...et il avait bien raison…force est de constater qu’il a mal vieillit...Car devenir ami des amerloques...c'est très louche...puis éloigner la Libye de l'Algérie est un vieux rêve néocolonialiste...ça marche à la perfection....imaginons une union parfaite entre les deux pays et ajoutons la Tunisie...ça ferait l'équivalent du Brésil...qui voudrait d'une superpuissance en Afrique ?...diviser pour régner.....une vieille recette….en fait les Américains ont peur de l’Algérie mais ils aiment bien Bouteflika, ce qui n’est pas du tout la même chose…ce sont les Algériens, les vrais patriotes qui sont encore aux commandes qui ont empêché le déploiement de l’Africome, cette armée US qui devrait s’ouvrir une base militaire pas très loin des sources d’uranium et de pétrole – s’il y a de l’or, de l’argent,  des terres rares, du gaz et du soleil, ils cracheraient pas dessus- sous prétexte de lutte contre le terrorisme islamique dans le Sahel, ça ferait très bien leurs affaires…donc croire naïvement à leurs déclarations et surtout les prendre au premier degré serait une grave erreur…Surtout ne jamais perdre de vue que les Amerloques sont empêtrés jusqu’à la moelle osseuse (siège des cellules souches, le plus précieux capital de l’humanité) en Irak , en Afghanistan et à Wall Street, ils voient forcément d’un très mauvais œil la propagation de la révolution Arabe…casser cette dynamique en confiant ce rôle à l’Algérie pourquoi pas ? Le fossé qui est en train de se creuser entre l’Algérie et la Libye post révolutionnaire constitue un excellent frein à la déferlante démocratique…ça donnera un répit à l’Amérique pour retrouver ses esprits et préparer un plan B que ses stratèges sont en train de peaufiner dans les laboratoires. L’Algérie n’a aucun intérêt à leur servir de tremplin…d’autant qu’elle vient d’être frappée au cœur avec l’attentat contre sa jeune élite…A propos, Sarko, la tête coiffée d’un casque colonial et flanqué de l’arrière arrière petit fils du juif Bacri – vous savez celui qui achetait du blé algérien pour le compte de la France et que cette dernière n’a jamais payé- va débarquer à Sidi Benghazi…juste pour s’assurer que le commerce doit profiter d’abord aux amis…Lui aussi n’a aucun intérêt à ce que les patriotes d’Algérie et de Libye fassent jonction… un petit dicton pour conclure « Ila chafte jarak foug El h’mar goulou b’shatek El 3aoud" Si tu vois ton voisin à dos d’âne félicites pour le superbe cheval…

vendredi 26 août 2011

Malek Bennabi à Tripoli

Dans l'affaire Libyenne, le ratage impardonnable de la diplomatie algérienne rentrera dans les annales...jamais aucun pays n'a réussi à dilapider son capital confiance auprès de la communauté internationale avec autant de désinvolture...le comble c'est que le responsable de cette décadence connaissait l’immense effort accomplis durant et après la guerre de libération pour asseoir notre diplomatie, dont les premiers balbutiements furent tissés dans la douleur et dans des conditions désespérées lors de la conférence de Bandoeng du 18 avril 1955...
Ce capital a été dilapidé sur la muraille de Bab El Azizya...je suis incapable de dire pourquoi, n'étant pas dans le secret des dieux...mais je peux dire que c'est catastrophique pour la voix de l'Algérie dans le concert des nations...de nombreux amis, à la lumière des exigences de l’Algérie – engagement du CNT à lutter contre l’AQMI- pensent que nous nous en tirons pas mal....j'aimerai bien les croire...mais s'il y a un peuple avec lequel nous ne pouvions pas nous fâcher c'est bien le peuple Libyen...lui le prend pour la pire des trahisons parce que venant d'un véritable peuple frère...parce que c'est nous...je sais que jeunes et moins jeunes sont un peu scotchés sur l'idée que Bouteflika est infaillible...je trouve cette posture inintelligente parce que bâtie sur des éléments subjectifs, voire par atavisme. C’est lorsque nous serons capables de discernement sans accointances aucune que nous deviendrons un peuple adulte ; pour l'instant nous nous comportons comme des enfants gâtés qui se suffisent de quelques tapes dans le dos et de friandises.
Moi je suis toujours dans la vigilance et dans le questionnement, j'accepte mes erreurs de jugement et je me corrige ; mais lorsque j'ai raison, je ne recule plus ! Quitte à casser la boite de vitesse, car dans mon esprit l'essentiel est dans la résistance.
Tous les algériens pris individuellement disent qu'il n'y a aucun espoir que ce pays change...c'est une posture défaitiste et confortable...propre aux peuples aptes à la "colonisabilité" selon l'excellente formule de BENNABI.
Moi je suis dans la sphère de ceux qui pensent profondément que tout est réversible....à moins de 6 ans j'ai assisté au déferlement des humbles à mains nues sur Philippeville/Skikda, le 20 aout 55...à l'époque personne ne donnait cher de notre peau...pourtant malgré ou en raison des lourds sacrifices le peuple Algérien avait vaincu sa peur et a finit par se libérer...
Aujourd'hui nous sommes redevenus aptes à la colonisabilité  car les jeunes ne croient pas au changement et se complaisent dans des projets débiles de Harga (fuite) ou d'ANSEJ...ça serait trop facile...un bon vieux dicton populaire pour conclure "Essadji ma T'khalilou, El Djayah ma T'khalilou" (ne rien laisser ni à l’enfant prodige ni à l’enfant prodigue)…une note optimiste pour finir, entre les deux peuples existent des liens ancestraux, des liens de sang et de respect mutuels, des liens tissés dans le combat libérateur, si forts et si sincères que toutes les contingences seront vite contournées grâce à des Algériens - dans le système et dans la société civile- et des Libyens capables de transcendances...

mardi 23 août 2011

L'Algérie hors-jeu au partout

Les récents développements de la situation en Libye traduisent le terrible désarroi de la diplomatie Algérienne; qui se trouve totalement disqualifiée dans ce qui était son pré carré, le Maghreb...Pour celui qui a été ramené en 99 pour redorer le blason du pays sur le plan international, le résultat est affligeant...12 ans après, notre pays est devenu totalement aphone et complètement inaudible...Ci dessous un avis d'expert, celui d'un ancien ambassadeur et ancien ministre de la communication qui a eut le courage de démissionner dès le premier conseil des ministres de l'ère Bouteflika...j'ai nommé Abdelaziz Rahabi, une fine fleur de la diplomatie algérienne...

Abdelaziz Rahabi, diplomate et ancien ministre, à TSA

Libye : "l’autorité de décision en Algérie a fait preuve d’un amateurisme affligeant"



Diplomate et ancien ministre de la Culture et de l’information, Abdelaziz Rahabi revient dans cet entretien sur les enjeux inhérents à la chute de Kadhafi. Il évoque les ratés de la diplomatie algérienne et ses conséquences sur le futur de la région du Maghreb.  
 
 
Quelle analyse faites‑vous des derniers développements de la situation en Libye ?
 
Ce qui se passe en Libye est à mon sens un aboutissement logique de deux situations. La première est celle de Kadhafi qui n’a pas su gérer une crise politique interne parce qu’il n’est pas habitué à écouter et à faire des compromis avec son propre peuple. La seconde est celle du monde occidental et de ses alliés arabes qui se sont engagés pleinement dans une opération diplomatico‑militaire qui met en place les conditions de leur autorité politique et économique sur notre région.
 
 
L’Algérie a dès le début du conflit refusé de demander le départ de Kadhafi et de reconnaître le CNT. Qu’est‑ce qui a motivé cette position, selon vous ?
 
L’Algérie a fait au moins deux erreurs d’évaluation. La première était celle de considérer que Kadhafi était en mesure de résister sur le plan militaire et que l’intervention de l’Otan allait susciter un rejet des opinions publiques arabes. La seconde est qu’elle a fait preuve de fébrilité  à la suite des déclarations de membres du CNT sur son supposé soutien militaire et politique à Kadhafi. Sur cette question, le CNT a fait le jeu de la France et du Maroc pour neutraliser notre diplomatie, la confiner dans une  position défensive et exclure l’Algérie de la gestion de cette crise. L’autorité de décision en Algérie a fait preuve d’un amateurisme affligeant.
 
 
Comment peut-on interpréter la décision tunisienne de reconnaître le CNT, contre l'avis d'Alger ?
 
La Tunisie a fait preuve de pragmatisme dès le début dans la mesure où elle avait déjà établi des contacts avec le CNT pour consolider ses chances de médiation entre les deux parties. Nous sommes là dans un cas atypique de relations entre deux pouvoirs en pleine transition, un peu comme entre l’Espagne et le Portugal à la fin des années soixante‑dix. Les convergences entre les islamistes et les démocrates des deux pays ne sont pas récentes, elles remontent aux longues années d’exil. Il sera donc plus aisé pour les Tunisiens que pour nous d’envisager l’avenir des relations avec la nouvelle Libye.
 
 
Nous partageons une longue frontière aux multiples enjeux (traçage, eau, hydrocarbures, sécurité…) avec le voisin libyen. Comment voyez‑vous l’évolution des rapports entre les deux capitales à la lumière du froid entre Alger et le CNT ?
 
Le CNT lui-même n’est pas un modèle de cohésion, son unité s’est forgée autour d’un seul objectif, celui de faire partir Kadhafi. Il faut peut être attendre la fin du processus de transition, qui prendra plus d’un an, pour avoir une idée plus claire de la prochaine configuration des forces politiques dominantes en Libye, même si on devine un peu que le courant islamiste est dominant, celui de l’opposition démocratique en exil n’a pas de relais sociaux et les dissidents de l’ancien régime auront du mal à se redéployer. Avec ces nouvelles forces politiques, l’Algérie n’a presque pas de relations. Bouteflika s’est enfermé dans un tête à tête avec Kadhafi dont nous payons le prix aujourd’hui. Le peuple libyen nous en voudra pour encore longtemps. La mémoire des peuples est indélébile.
 
 
Quelle sera alors la nouvelle position de l'Algérie dans un Maghreb démocratique ?
 
L’Algérie officielle a gâché une chance historique d’être un État pivot dans la nouvelle architecture du Maghreb. Elle n’a pas soutenu la révolte des Tunisiens, n’a pas mesuré la force de la rue en Égypte et n’a pas tendu la main au CNT. Il faudra attendre que notre pays change et se démocratise pour prétendre jouer un quelconque rôle dans la région. En attendant, nous avons beaucoup à apprendre des différentes expériences du réveil arabe.

lundi 22 août 2011

Nationalité double pour l'ambassadeur Libyen

 La chute de Kadhafou fera de larges fissures dans le Maghreb Central...déjà y a une grande faille du coté de Chott el Djérid...nos amis tunisiens ayant eut la bonne idée de reconnaitre le CNT....la destruction programmée de l'ambassade Algérienne à Tripoli est un prélude divin pour l'autruche....elle ira noyer son chagrin dans le sable....en attendant des jours plus cléments....vous imaginez le spectacle du nouvel Ambassadeur libyen venant présenter ses lettres de créances à El Mouradia en direct sur El Jazeera...quel spectacle....à ne rater sous aucun prétexte...surtout si c'est un proche du roi Idriss...donc susceptible d'obtenir la double nationalité...Un véritable pied de nez de la part des nouveaux dirigeants libyens. Qui se souviennent certainement que le renversement du Roi Idriss le premier septembre 1969 était également dirigé contre l'Algérie...Puisqu'une fois installé au pouvoir Khadafi tournera le dos à l'Algérie de Boumediène et s'en ira se jeter dans les bras de Gamel Abdennacer... qui était le principal mentor de Ben Bella...lequel Ben Bella, une fois libéré par Chadly s'en ira quémander quelques subsides chez Khadafou...entre dictateurs, il y a de ces raccourcis...avec l'incursion d'une vraie république à nos frontières Sud-Est...il est à parier que le post frontalier de DebDab ne chômera pas...avec l'afflux de nos cousins de Cyrénaique et de Tripolitaine...sauf si quelqu'un qui nous veux du bien décide de le fermer...jusqu'au retour d'un dictateur en Libye...alors on peut mettre une croix sur le rétablissement de relations diplomatiques entre l'Algérie et la Libye...autant demander à l'Otan de bombarder notre ambassade de Tripoli...afin de nous éviter une ruée de Sennoussides en quête de leur seconde (première?) nationalité, celle des liens du sang et de la fidélité, non celles des convenances...politiciennes...

vendredi 19 août 2011

Un bulldozer à la barre





La veille du 20 Aout, pendant que le ministère des Moudjahidines peine à rassembler une gerbe de fleurs fanées, la descendante d'une martyr fait parler quelques témoins que le site de la LDH Toulon vient de mettre en ligne 
voici le lien
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4591
Philippeville, 20 août 1955 : le début de la fin de l’Algérie française


































article de la rubrique les deux rives de la Méditerranée > Philippeville, 20 août 1955
date de publication : vendredi 19 août 2011







Le 20 août 1955 peut à juste titre être considéré comme le second point de départ de la guerre d’Algérie [1]. Ce jour-là, une insurrection a secoué le Nord du Constantinois : à midi, malgré un rapport de force qui leur était très défavorable, les militants du FLN et la population algérienne ont attaqué des symboles de l’occupation française (gendarmeries, commissariats, casernes, etc.) ainsi que des structures économiques. Il y eut deux massacres d’Européens, à El Alia et à Aïn Abid. L’insurrection fit long feu. Dès le 20 août, la répression fut terrible ; elle se poursuivit au cours des semaines suivantes faisant autour de 10 000 morts du côté algérien ; on dénombra une centaine d’Européens.
Pour les Algériens cette révolte a sans doute été le résultat d’une prise de conscience : il leur était apparu impossible d’accéder à l’indépendance de façon pacifique. Quant aux plus lucides des Européens, ils ont dû ressentir comme Georges Apap que « la guerre était devenue inévitable ». Vivre ensemble ne peut se concevoir que dans le respect de l’égalité des droits...
Aujourd’hui, Skikda s’apprête à commémorer un des épisodes les plus sanglants de cette guerre. Comment parvenir à savoir ce qu’il s’est alors passé ? En consultant les historiens – voir l’ouvrage de Claire Mauss-Copeaux –, les journalistes – voir les articles de Robert Lambotte –, ou les survivants ... Donner la parole à ces derniers c’est ce que Soraya vient de réaliser, au cours d’un séjour en juin dernier.

« Il reste nécessaire de mettre à jour [les responsabilités],
non pour obtenir le châtiment des coupables,
mais pour pouvoir regarder la vérité en face
et peut être en effet liquider comme on dit le passé. »
Pierre Vidal Naquet [2]

Abdallah, 92 ans, est grand, beau, fier de la résistance algérienne, grand amoureux de la langue française et de la langue arabe. Il s’exprime parfaitement dans les deux pour condamner le colonialisme mais jamais en français pour évoquer la résistance de son peuple ! Il se souvient :

« Ah la France !
« Le 20 août, les fellaghas ont fait passer le message que tout le monde devait descendre dans la rue pour faire la révolution, pour partir en guerre ! Le rendez-vous, c’était midi. On est tous descendu, une véritable marée humaine, on avait couteau, passoire, manche à balai, bâton ... tout et n’importe quoi à la main pour se défendre ... Le souci c’est que la police et les milices commençaient déjà à remplir les camions et à matraquer tout le monde : on ne savait pas qu’à midi des Européens avaient été tués et on ne s’attendait pas à une répression ... Quelle erreur : c’était cauchemardesque, ça tirait à tout vent, les soldats et les civils français rentraient dans les maisons sans taper et faisaient sortir tout le monde, ils ont tirés sur tout ce qui bougeait homme, femme, enfant , vieux ... c’était l’enfer. Beaucoup ont été emmenés au stade de foot de Skikda, regarde mes cicatrices sur mes genoux. Ils nous ont mis à genoux et sur les graviers ça nous blessait, il y avait plein de morts autour de nous ... un vrai charnier y avait tellement de morts qu’ils ont laissé les vivants repartir ! Ils ont du prendre un bulldozer pour enterrer tous les corps, après ils ont tout recouvert avec de la chaux !
« Très vite ça sentait une odeur horrible, je suis rentré sonné pour m’assurer que toute la famille allait bien. Pendant qu’on était à genou ils nous donnait des coups de pieds, ils nous détestaient, ils aimaient nous humilier ... nous et nos femmes d’ailleurs, ils aimaient humilier nos femmes...et oui ma fille ... c’ est du passé maintenant...c’ est pas grave, on s’ est battu et on gagné l’indépendance ... Faut pas oublier les vieux, on a vécu tout ça, on a libéré notre pays : nous étions des hommes de parole ... Tout ça n’existe plus, les hommes n’ont plus de parole, n’ont plus d’honneur. C’est pas grave les jeunes, vous êtes libres maintenant, faut travailler et oui...
« La France ? ... je m’en occupe pas ... je suis sans haine, mais jamais j’irai m’installer là bas, je sais qu’ils nous aiment pas et qu’ils nous pardonnent pas la défaite ... La pilule, elle passe pas. »
Amar (77 ans) raconte
« Les gens du maquis commandés par Zighoud Youssef ont lancé un appel à Skikda et aux environs pour descendre en ville attaquer les Français ... Tout le monde était prêt à descendre ; on a pris ce qu’on avait sous la main pour se battre ... La police a appris ce qui se passait et la répression a commencé !
« Un massacre on n’a rien pu faire ... ils tiraient sur tout ce qui bouge, y avait plus ni âne, ni chien, ni mouton de vivant, ils ont arrêté tous les hommes jeunes ou vieux ... à Zafzaf ils ont mis le feu au village et y ont jeté les gens ... Et oui ils ont jeté la femme à mon frère ... essence et allumette et voilà ...
« La France ... Ils ont cloués des femmes toutes nues comme crucifiées, ils les attachaient sur les camions et roulaient comme ça dans le village ... il y avait tellement de morts qu’ils ont du prendre un bulldozer pour ramasser tous les corps alors la France... »
Les femmes aussi ont la mémoire vive :
Arifa – 62 ans : « Ma mère nous a beaucoup raconté. Le 20 août dans l’après midi, tout le monde était caché au village, derrière nos fenêtres on voyait les soldats embarquer les hommes du village ... tout l’est algérien a été touché mais le pire c’était à Zafzaf … ils y ont abattu tout le village du plus jeune au plus vieux, même les ânes y sont passés ... mon père, est allé à Skikda pour chercher du lait, il se souvient juste avoir vu les rues désertes jonchées de chèches, de cannes, de chaussures ...
Un vieux du village racontait qu’on les a obligés à faire des tranchées au stade de Skikda et qu’ils plaçaient les corps un à un dedans ... c’était horrible ... au bout de 3 jours, y avait une odeur pestilentielle et ils avaient les doigts qui sentaient le pourri ; ils prenaient des cartons ou des morceaux de tôle pour ne plus toucher les corps directement !
França ? elle nous en a fait ... les Algériens c’était comme des souris pour eux. Et maintenant, ils veulent tous la France ... ils ont oublié ? pourquoi ? Pour l’argent et la vie facile ?... »
Aïcha – 75ans : « Des rafles ... des rafles ... ils ont ramassé tous le monde, même notre cousin il avait 17 ans ... il est enterré au stade de Skikda. Il était assis sur un banc avec son père devant la maison. Au moment de la rafle il a été embarqué, il n’a pas compris, c’est allé très vite : son père est revenu, lui non ...
La France ?... pfff ... c’est comme ça ... »
Fatiha – 75 ans : «  Le 20 août 1955, ils en ont fait ... ils ont ramassé tous les Arabes dans la rue et hop dans le panier à salade ! Les jeunes, les vieux, hommes, femmes, tout le monde ! Ils ont massacré tout le village de Zafzaf : ils ont brulé le village, les maisons avec les familles dedans. Ici au village (El Hadaieck) on s’est caché avec ma mère et tout le reste de la famille dans la ferme : ma mère regardait des fois par le trou de la porte de la ferme : on voyait à l’aller les soldats français avec des Arabes devant puis on entendait taf taf taf et on voyait les soldats repasser ... sans les Arabes ... Après le 20 août 55 il y a eu des rafles et des morts tous les jours jusqu’à l’indépendance. Ils ont enterrés tout le monde au stade de football avec le bulldozer !
Les France ? (rires) ni je l’aime ni je l’aime pas ... avec tout ce qu’ils nous ont fait ... »
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Bulldozer conservé dans le stade de Skikda, avec l’inscription : “Cet engin a servi à faire un enterrement collectif le jour du 20 aout 1955”
C’est donc vous M. le Bulldozer ?
Je me tiens devant vous, en ce mois de juin 2011, les yeux remplis de larmes de colère. Je vous parle car vous personnalisez ce que je hais le plus au monde : la machine coloniale agressive, répressive, régressive ... je n’ai pas peur de vous, vous avez vieilli, la rouille gagne du terrain, le temps fera son œuvre un jour vous ne serez plus ! Mais avant sachez ceci : vous avez fait fi de la chair humaine vous ne ferez pas fi de la mémoire algérienne. Droite, plantée devant vous, le cœur chargé de mes identités meurtrières mais plus convaincue que jamais de l’utilité du combat contre l’infamie du colonialisme, je vous accuse des pires maux de la planète : lâche et injuste, vous étiez tellement plus fort que mes frères ... aujourd’hui sur le banc des accusés, ne vous en déplaise, vous entendrez la voix de ceux qui ont vu, de ceux qui ont vécu, de ceux qui n’attendent pas d’excuse car on ne saurait pardonner l’impardonnable !
M. le Bulldozer, les « héritiers involontaires » de l’histoire coloniale vous déclarent coupable de crimes contre l’humain. Ils vous condamnent à porter le prix de la honte et à affronter jusqu’à la fin des temps le regard résistant des descendants des combattants de la liberté !
Soraya Chekkat
Ligue des droits de l’Homme (Toulon)

Notes

[1] Pour certains, la guerre d’Algérie a commencé à Sétif le 8 mai 1945, alors que d’autres retiennent la date du 1er novembre 1954
[2] , Les crimes de l’armée française Algérie 54-62

le 20 Aout, l'intellectuel et le forgeron

 A l'occasion du 20 Aout 55, qui ne sera pas commémoré encore une fois par l'Algérie officielle, une petite mais profonde controverse sur les intellectuels s'est faite jour entre Boussayar et Med Beghdad...une occasion pour revenir sur le parallèle entre une escouade d'intellectuels organiques et le forgeron de Condé Smendou...

Mon cher Beghdad...me voilà par toi remisé dans le clan des défaitistes et des pessimistes...pourquoi pas? Ce n'est parce que je ne partage pas la même vision que toi sur les intellectuels organiques et leur role dans la société que je n'ai... pas de vision futuriste pour mon pays...il suffit d'un seul intellectuel pour faire une révolution....toi tu préfères le nombre et moi je suis pour la qualité...c'est un énorme fossé qui nous sépare....s'il fallait structurer une armée de libération et lui acheter des chars des avions, des hélico et lui offrir un bon salaire...jamais l'Algérie n'aurait combattu l'armée française....vois tu demain samedi, nous entamons le 56ème anniversaire du 20 aout 55...ce jour là, il y a exactement 55 ans, de simples fellah désarmés ont envahis par milliers la ville de Philippeville Skikda...c'était totalement désespéré et pourtant les résultats furent fulgurants....il aura suffit d'une idée simple de la part d'un forgeron de Smendou, un certain Ziroud Youcef, pour que la guerre entre dans une phase irréversible....pourtant lui n'avait pas fait d'études et n'avait aucune notion d'intellectuel....et peu de gens ont réfléchis à ses cotés...de nos jours tu me propose d'abord de produire une bonne fournée d'intellectuels si possible inorganiques et d'attendre qu'ils se décident à faire bouger les choses le plus lentement possible afin de ne pas trop déranger le peuple dormant....le 20 aout 55, j'avais 68 mois d'age et j'étais subjugué par cette foule compacte désarmée et décidée qui sortait de la foret pour aller prendre possession de la cité coloniale....depuis je sais faire la différence entre un intellectuel organique et un homme d'action....j'ai plus de respect pour le second et je m'ennuie avec le premier....malheureusement les hommes d'actions sont rarissimes et les intellectuels sont légions...ce sont les premiers qui ont battu la légion étrangère...grâce à leur détermination...et à leur courage...des intellectuels déterminés et courageux j'en cherche....et c'est là où je te rejoins, j'ai désespéré de notre université, tant elle n'est pas capable d'en fabriquer... alors attendons vaillamment la venue d'un forgeron...

mercredi 17 août 2011

Les fantômes ont de bonnes idées...

Une chronique indispensable qui remet sous les projecteurs un personnage que ses compagnons ont enterré trop vite. Je ne sais pas par quel miracle son ouvrage rédigé dans le feu de l'action est parvenu jusqu'à nous. Qu'il me soit permis de saluer avec gratitude son épouse et l'assurer de mon profond respect et de toute ma reconnaissance. Veuve deux fois en l'espace de quelques années, cette dame a été une combattante de la première heure et c'est grâce à elle que le manuscrit aura été conservé. Dans ce livre prémonitoire, le Colonel Lotfi trace les grandes lignes de ce que devrait devenir l'Algérie une fois l'indépendance recouvrée. Il a eut la bonne idée de tomber au champ d'honneur avant la fin de la guerre. Publié par le ministère des moudjahidines - très surprenant, mais ne faisons pas la fine bouche- il a fait l'objet d'une chronique de Ammar Belhimer dans le soir d'Algérie...très bonne lecture...ça mérite vraiment le détour car on comprend pourquoi des hommes de l'intelligence du Colonel Lotfi devaient mourir...pour leurs idées...merci à ceux qui ont permis que ce plan de développement de l'Algérie parvienne aux jeunes générations... Une curiosité tout de même, la presse bien pensante n'a pas jugé opportun d'en faire un compte-rendu...c'est  la preuve que le Colonel Lotfi dérange encore de nos jours...ainsi vont les héros dans ce pauvre pays...dès qu'on les oublie ils reviennent tels des fantômes nous réprimander et carrément se foutre de nous...

Chronique du jour : A FONDS PERDUS
La pensée économique du colonel Lotfi


Par Ammar Belhimer
ambelhimer@hotmail.com

Par un heureux hasard, nous avons récemment – vaut mieux tard que jamais — découvert l’ouvrage du colonel Lotfi : Approche du développement économique futur de l’Algérie. «Colonel Lotfi» est le nom de guerre de Benali Boudghène, natif de Tlemcen, qui, avec son épouse, rejoint les rangs de l’ALN en 1955 dans la zone V qu’il finit par commander avant de tomber au champ d’honneur, le 27 mars 1960, à Djebel Béchar.
Dans Approche du développement économique futur de l’Algérie, une œuvre de 274 pages(*), il projette de façon, certes optimiste, mais tout aussi réaliste, les contours de ce que seraient à ses yeux les réalisations majeures de deux premiers plans quinquennaux de l’Algérie indépendante. Erudition, d’une part, limpidité et précision du langage, d’autre part, contribuent à forger un esprit didactique et visionnaire qui part du sous-développement économique (première partie de l’ouvrage) pour asseoir la perspective d’un «essor rapide et considérable de l’économie» (deuxième partie), avant de recenser les «conditions du succès» de la reconstruction économique tant espérée (troisième et dernière partie). Le constat est sans appel : «La misère la plus inhumaine (qui règne) dans un pays aussi riche que la Californie» résulte d’une «économie de contrastes» qui met à nu la «fiction aussi creuse que dénuée de sens des réalisations françaises». «L’économie de contrastes» ou «juxtaposition de deux économies» met en présence une activité qui devra se limiter à «quelques zones déshéritées où il ne restera plus à l’autochtone qu’à disputer âprement et péniblement une lamentable subsistance à d’ingrates terres au moyen d’instruments fatalement archaïques», d’une part, et une activité qui disposera «normalement de tous les biens», d’autre part. La dualité qui caractérise le sous-développement économique de l’Algérie résulte ici d’un pacte colonial qui se révèle d’une extrême cruauté dans le cas de notre pays puisqu’il associera deux formes d’exploitation «indissolublement liées» : le peuplement et la prédominance d’intérêts économiques. La première expression du pacte colonial se décline en termes de transformation «en toute hâte et par compagnies entières», des soldats de l’agression en paysans mariés tambour battant à des prostituées de Toulon, «débarquées par pleines cargaisons et nanties, en guise de dot, de 200 francs chacune pour faire souche dans le pays». Dans la bouche de Lyautey cet épisode n’a rien de honteux : «On ne bâtit pas un pays avec les pucelles.» Le pacte colonial se décline, en second lieu, en termes de pillage économique : le nouveau développement agricole favorisera «la pénurie des produits utiles à la consommation locale, au profit d’une production destinée essentiellement à l’exportation» ; une industrie «décadente et orientée vers l’exportation» assurera l’extraction des matières premières présentant une utilité pour l’économie française et donnera lieu à une «exploitation, aussi intensive que désordonnée, de nombreuses mines, vidées notamment dans la partie nord du pays» ; enfin, des dispositions douanières couplées à un «monopole du pavillon» finiront par faire de l’Algérie un marché captif de la France. Après avoir dressé le bilan de l’œuvre coloniale française en Algérie, Colonel Lotfi développe la possibilité d’un «essor rapide et considérable de l’économie» dans notre pays (deuxième partie). L’essor envisagé, et circonscrit aux cinq premières années de l’indépendance, doit augmenter la production agricole des deux tiers (150% en dix ans), accroître la production industrielle dans la proportion de 3,5 et relever le niveau de vie de l’ordre du simple au double, tandis qu’une «construction étendue au Maghreb uni permettrait d’atteindre les mêmes résultats dans le même temps». Trois conséquences sont attachées à cette évolution structurelle : l’accroissement de la production agricole, la diminution de la population rurale et une répartition équitable des terres à la suite de la réforme agraire. La «modification radicale de la structure de l’économie agricole incitera une partie de la masse rurale à l’émigration vers l’industrialisation et, une autre partie moins importante, vers le secteur tertiaire, ce qui aura pour effet de réduire de moitié les effectifs ruraux en fin de quinquennat – ceux-ci passeraient de 80 à 40% de la population totale. La ressource publique demeure ici le moteur de la croissance mais elle n’a aucune connotation idéologique puisque «le plan indien fait appel aux investissements de l’Etat pour une part qui dépasse 60%, bien que l’économie n’ait pris une orientation prononcée ni vers l’Est ni vers l’Ouest». Quelles sont les conditions de succès pour tant d’entreprises ambitieuses ? C’est l’objet de la troisième et dernière partie de l’ouvrage. Ces conditions sont d’autant plus difficiles à réunir qu’elles visent à rompre une dépendance extérieure séculaire d’autant plus contraignante qu’elle est de nature économique et à restaurer une autonomie de décision qui n’est pas négociable aux yeux de l’auteur. Pour y parvenir, il faut au préalable réussir une «purge de l’hypothèque économique». Par hypothèque ou «servitudes», Colonel Lotfi entend l’orientation structurelle dommageable de l’économie algérienne vers l’économie française et son entière subordination à elle, qu’elle relève de la zone franc (qualifiée de «formule la plus pernicieuse de la permanence du colonialisme agonisant») ou d’autres intérêts économiques et financiers. On méditera enfin le nécessaire «l’accompagnement démocratique» du redressement économique envisagé. Lopin de tout dogmatisme, il ne cache pas son engagement pour «une juste et non moins indispensable réforme agraire» qui «apportera à la paysannerie la propriété perdue». Cet engagement ne relève donc pas de présupposés idéologiques : «La réforme agraire sera pour nous un acte de justice. Elle permettra au peuple algérien de récupérer les terres qui lui ont été ravies et de les redistribuer immédiatement aux victimes des plus grandes expropriations de l’histoire. Elle est encore rendue nécessaire par la situation du paysan algérien ; elle est enfin urgente parce qu’elle est la condition sine qua non du relèvement de son niveau de vie.» Par ailleurs, à «l’inégalité poussée à son paroxysme» succédera «une politique consciente de redistribution égalitaire des revenus ». Cependant, «il ne s’agira pas d’une assistance, mais d’un droit à la sécurité qui sera donné à tous les citoyens». L’assistanat, quoi que de mode dans de larges secteurs de la révolution, ne s’accommode pas ici avec «une politique sociale rationnelle ». Néanmoins, un attachement maladif aux choix souverains du peuple émaille son programme économique. Ainsi, est-il rappelé que la planification intégrale est «impossible à réaliser dans un régime où la propriété ne disparaîtra pas, à moins que le peuple algérien n’en décide autrement». Ou encore que, «quel que soit le choix que l’Algérie fera dans le contexte de l’indépendance, plan de l’économie libérale ou planification des pays socialistes», «l’orientation de l’Algérie de demain est l’affaire du peuple algérien qui aura lui-même à en décider en toute liberté» L’Algérie «indépendante, féconde et industrieuse » dont rêve Lotfi reste ainsi tributaire de l’action méthodique de ses forces vives les plus saines, maîtresses de leur avenir, libres de leurs choix.

A. B.
(*) Approche du développement économique futur de l’Algérie par le colonel Lotfi, édition spéciale, ministère des Moudjahidine, Alger 2009.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/08/16/article.php?sid=121564&cid=8

jeudi 11 août 2011

Les antibiotiques entre le mal et le bien...des risques réels


 L'usage incontrôlé et souvent excessif des antibiotiques surtout chez les animaux d'élevages dont nous consommons le lait la viande ou les œufs peut s'avérer désastreux pour notre santé...ici un article d'actualité prélevé dans Le Monde

Halte à la surconsommation d'antibiotiques
Que nous consommions trop d'antibiotiques ne fait plus de doute. Il y a déjà quelques années, les Français en ont pris conscience grâce à la publicité : "Les antibiotiques, c'est pas automatique." Pourtant la consommation repart à la hausse tant en ville qu'à l'hôpital et la presse anglaise fait ses gros titres sur l'énorme augmentation de la consommation en médecine animale.
La réalité des faits démontre les limites des appels à la consommation raisonnée. Or plus nous consommons d'antibiotiques et plus les bactéries résistent. Cela n'avait pas beaucoup d'importance tant que nous disposions de façon régulière de nouveaux médicaments toujours plus efficaces et plus puissants.
Malheureusement, il n'y a plus de nouveaux antibiotiques. Ceux dont nous disposons sont devenus une ressource littéralement limitée, que nous devons utiliser avec parcimonie. Ce sont nos dernières cartouches tandis que la consommation excessive d'antibiotiques génère des bactéries toujours plus résistantes.
La dernière alerte a été chaude en Allemagne et en France avec l'intoxication alimentaire massive due à la contamination de graines à germer par une souche de colibacille, à la fois très pathogène et très résistante aux antibiotiques. Au rythme actuel, nous devrons bientôt nous priver de certains progrès de la médecine, comme les greffes ou certaines chimiothérapies, car nous n'aurons plus d'antibiotiques pour empêcher de mourir d'infection les patients qui en bénéficient et qui sont transitoirement très fragiles.

En médecine humaine, le professionnel qui prescrit des antibiotiques, souvent à la demande pressante des patients, cède à la facilité. Dans les élevages, la surconsommation d'antibiotiques compense un sous-investissement dans l'hygiène de la ferme, dans l'équilibre alimentaire et dans le bien-être animal. Elle est encouragée par une pratique commerciale perverse. Ceux qui prescrivent le plus d'antibiotiques gagnent plus. En dépit de sa surconsommation d'antibiotiques, l'élevage français réussit moins que l'élevage allemand, qui en consomme beaucoup moins.
Il est urgent d'obtenir une réduction de l'utilisation des antibiotiques quand elle n'est pas indispensable. Il s'agit, par exemple, en médecine humaine, de faire justifier par les médecins la prescription d'antibiotiques et de restreindre aux services hospitaliers spécialisés la prescription des nouvelles générations d'antibiotiques afin de retarder l'apparition de nouvelles antibiorésistances.
En médecine animale, mettre fin au conflit d'intérêts des vétérinaires en séparant la prescription des antibiotiques de leur délivrance devrait réduire de moitié (100 millions d'euros) la consommation, comme cela a été le cas en Suède ou au Danemark.

Il faut éviter de mettre en difficulté les vétérinaires et les éleveurs, en prévoyant des mesures d'accompagnement pour rendre acceptable une politique volontariste. Ce sont ces mesures d'accompagnement qui devraient faire l'objet d'un plan antibiotique gouvernemental. Or le plan du ministère de l'agriculture a un objectif dilatoire, visant à ne pas bousculer les équilibres entre éleveurs, vétérinaires, grands groupes intégrés de production de viande et des laboratoires.
Au regard des risques encourus par la société, il n'est plus temps d'espérer des changements spontanés de comportement. Il faut amener les patients, les médecins, les éleveurs et les vétérinaires à respecter les impératifs de santé publique, urgents à mettre en oeuvre.
Le consensus existe pour évaluer les dangers croissants de l'antibiorésistance : en Europe, quelque 25 000 décès sont attribués chaque année à des germes devenus résistants aux antibiotiques. Ces derniers jours, une nouvelle alerte a été lancée à propos de la salmonelle Kentucky, qui devient résistante aux antibiotiques de dernier recours...
Le temps presse pour qu'agissent enfin les décideurs politiques !

Antoine Andremont est microbiologiste ;
Gérard Bapt est député (PS) de Haute-Garonne ;
Hervé Lelouet est hépatologue, pharmacologue ;
Pascal Perez est économiste.

Le Français un trophée individuel, le Tifinagh une défaite collective


 Complètement à coté de ses pompes le PAPAW de Tizi Ouzou, voici ce que rapporte la presse:

 Cette demande me parait tellement saugrenue au moment où la planète vit des soubresauts annonciateurs de lendemains terribles et incertains, où en Libye et en Syrie les peuples se soulèvent pour la dignité. il se trouve qu'un élu trouve le temps de pérorer sur le sexe des anges de l'Afrique du Nord...un bref débat avec mon ami Mejdoub Khélifa...

Mejdoub Khalifa·  Le Tamazight est une langue nationale au même titre que l’Arabe ; si nous partons de ce principe qui, de plus, est constitutionnel, toutes les plaques d’identification de barrages, de villes, d’administration et d’établissement public ou privé, à travers tout le territoire national et pas seulement en région berbérophone, doivent être en Tamazight, en Arabe et, accessoirement, en Français.
Aziz Mouats Bonsoir Mejdoub...ce que tu dis est très sensé...c'est le fait que ce soit le PAPW de Tizi Ouzou qui en fait une priorité nationale...ça serait tellement juste que de mettre partout des panneaux indicateurs à travers tout le pays...en Tamazight et en Tifinagh...pourquoi accessoirement en français? le Français n'est-il pas un butin de guerre...ça devrait être notre fierté que de l'utiliser...en tous cas moi qui ai fait toutes mes études en français j'ai toujours été fier car je considérais que j'avais accédé à l'égalité avec les colons et que c'était grâce à mon seul labeur...donc ça ne peux pas être marginal c'est mon trophée à moi tout seul...et c'est aussi le tien et celui des millions d'algériens qui parlent cette langue...et qui l'ont apprise dans l'adversité...ce fut un formidable challenge...L'un des moments les plus fiers de ma vie c'est le jour où la major de promo de Maison Alfort est venue me demander la différence entre ubuesque et ubuquiste....c'était la crème de l'élite Française c'est comme si Victor Hugo avait demandé au Chérif Boumaza Benabdallah de lui corriger son discours à l'assemblée nationale française...si ce qui nous rend fier devient marginal c'est que nous avons définitivement perdu le sens des valeurs...ce que je ne penses pas te concernant...tu le sais très bien...
La langue Française est l'étendard que chaque Algérien - petit ou grand, riche ou pauvre- aura conquis individuellement. C'est en ça que le Français est précieux, car il personnifie notre capacité individuelle à conquérir la langue de l'envahisseur...c'est tellement vrai que c'est dans l'Algérie indépendante que cette langue s'est popularisée et s'est généralisée...bien après le départ de la France...un très beau trophée dont nous devons être fiers individuellement et en groupes...

20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...