jeudi 23 avril 2015

Des crimes coloniaux sans coupables



 Fortement médiatisée sur les deux rives, la visite que vient d'effectuer Jean-Marc Todeschini, le secrétaire d’Etat français aux Anciens Combattants et à la Mémoire s'est terminée en queue de poisson. Mis à part la remise de décorations à cinq anciens combattants autochtones - en présence de leurs enfants et petits enfants (sic)- le représentant du gouvernement socialiste français a juste eu le temps de déposer une gerbe de fleur devant la stèle érigée à la mémoire de Bouzid Saal, la première victime algérienne de l'insurrection du 8 mai 45...puis silence sur toute la ligne...pas un mot sur les massacres et sur leurs commanditaires...c'est la méthode "Hollande" du service minimum qu'il applique à la mémoire...ici une lecture de cette escapade en terre martyre de l'historien Olivier Le Cour Grandmaison...

Massacres du 8 mai 1945 en Algérie : des crimes d’Etat qui doivent être reconnus

|  Par Olivier Le Cour Grandmaison
Dimanche 19 avril 2015. Jean-Marc Todeschini, le secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants et à la Mémoire a déposé une gerbe devant le mausolée de Saal Bouzid, jeune scout algérien assassiné le 8 mai 1945 par un policier français dans la rue principale de Sétif en Algérie. De quoi était-il coupable ? D’avoir osé manifester pacifiquement, en portant le drapeau de l’Algérie indépendante, avec plusieurs milliers d’autres « indigènes » pour exiger la libération du leader nationaliste Messali Hadj et pour défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Dans les jours et les semaines qui suivent, les émeutes, qui ont gagné tout le Constantinois, sont écrasées dans le sang par les forces armées françaises et de nombreuses milices composées de civils d’origine européenne. Bilan : Entre 20 000 et 30 000 victimes, arrêtées, torturées et exécutées sommairement pour rétablir l’ordre colonial imposé par la métropole et terroriser de façon durable les autochtones. « Agir vite et puissamment pour juguler le mouvement » ; tels étaient, le 15 mai 1945, les ordres du général Raymond Duval qui commandait les troupes dans cette région. Ils ont été appliqués à la lettre car la France libre était prête à tout pour défendre l’intégrité de son empire jugée indispensable à son statut de grande puissance.
Où sont les coupables et qui sont-ils ?
Ce bref rappel des faits, aujourd’hui bien connus grâce aux travaux de celles et de ceux qui ont étudié ces crimes de guerre, qui sont aussi des crimes d’Etat et des crimes contre l’humanité, puisqu’ils ont été commis en « exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile » - art. 212-1 du nouveau Code pénal-, permet d’apprécier à sa juste valeur la visite de J-M. Todeschini à Sétif. S’y ajoutent ces lignes écrites par lui dans le livre d’or du musée de la ville : ma présence dit « la reconnaissance par la France des souffrances endurées » et elle rend « hommage aux victimes algériennes et européennes de Sétif, Guelma et Kherrata. » Mais comme le déplorait un journaliste d’El Watan, le bref déplacement de ce secrétaire d’Etat n’a été suivi d’aucune déclaration ce que confirme l’envoyée spéciale du quotidien Le Monde qui précise qu’il s’agissait « de limiter » ainsi « les polémiques. » Plus grave, les survivants, les descendants des victimes et les dirigeants de la Fondation du 8 Mai 1945 en Algérie n’ont pas été associés à la cérémonie et le représentant de la France ne les a pas rencontrés.
Un « geste fort et symbolique » selon J-M. Todeschini ? Une formule remarquablement euphémisée, en fait, dont nul ne peut douter qu’elle a été ciselée à l’Elysée. Sur ces sujets, entre autres, le président de la République et ses conseillers sont des orfèvres puisque la lecture de leur prose sibylline révèle ceci : au cours de ces semaines sanglantes, il n’y eut ni massacres, ni crimes bien sûr, puisqu’aucun de ces termes n’est employé. Quant à ceux qui les ont commis, qu’ils soient civils ou militaires, ils ne sont nullement désignés, ceci est une conséquence de cela. De même nulle mention n’est faite du gouvernement de l’époque sous la responsabilité duquel les forces armées ont agi. La rhétorique élyséenne fait des miracles : des dizaines de milliers de morts algériens mais ni assassins, ni commanditaires, ni coupables d’aucune sorte.
Etrange conception de l’histoire et de la vérité. Elles sont toutes deux taillées en pièce par un exécutif plus soucieux de défendre ce qu’il pense être les « intérêts du pays » que de servir les premières. Seules compte la raison d’Etat et quelques menues concessions au « devoir de mémoire » qui prospère ici sur le n’importe quoi historique et factuel, et sur la neutralisation de ces événements meurtriers afin de préserver la glorieuse mythologie d’une France combattante, républicaine et fidèle à son triptyque : Liberté, Egalité, Fraternité. Cette même raison d’Etat exigeait de satisfaire les autorités d’Algérie pour renforcer la diplomatie économique chère au ministre des Affaires étrangères et au ministre des Finances qui doivent se rendre prochainement dans ce pays, et d’éviter, autant que possible, des polémiques dans l’Hexagone où l’UMP et le FN défendent plus que jamais une interprétation apologétique du passé colonial.
En finir avec le mépris, l’occultation et les tergiversations
Sur ces sujets, n’oublions pas le très médiatique Philippe Val qui vient de découvrir, dans un essai récent – Malaise dans l’inculture –, que la colonisation française avait pour ambition d’apporter la civilisation à des peuples qui en ignoraient les beautés et les avantages. Remarquable, seule, est l’ignorance de l’auteur qui fait sien un discours impérial-républicain éculé dont la version scolaire fut inlassablement défendue par les historiens Albert Malet et Jules Isaac dans leurs nombreux manuels. Risible et dérisoire serait cette écholalie grossière si elle n’alimentait les discours toujours plus virulents des nostalgiques de l’empire.
Le 27 février 2005, l’ambassadeur de France en Algérie, Hubert Colin de Verdière, présent à Sétif, évoquait « une tragédie inexcusable. » Trois ans plus tard, son successeur, Bernard Bajolet, en visite à Guelma, soulignait « la très lourde responsabilité des autorités françaises de l’époque dans ce déchaînement de folie meurtrière » qui a fait « des milliers de victimes innocentes, presque toutes algériennes. » « Aussi durs que soient les faits, ajoutait-il, la France n’entend pas, n’entend plus les occulter. Le temps de la dénégation est terminé. » Ces massacres sont une « insulte aux principes fondateurs de la République française » et ils ont « marqué son histoire d’une tâche indélébile. » Autant de déclarations qui éclairent d’un jour pour le moins singulier le « geste » muet, puisque sans discours, du secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants.
Rappelons enfin au président de la République que, sur proposition de D. Simonnet, le Conseil de Paris a adopté à l’unanimité un vœu dans lequel les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata sont qualifiés de « crimes de guerre » et de « crimes d’Etat. » De plus, l’ouverture de toutes les archives et la création d’un lieu du souvenir à la mémoire des victimes sont également demandées. A la veille du 8 mai 2015, il faut en finir avec le mépris, l’occultation et les tergiversations qui, depuis trop longtemps, tiennent lieu de politique. Dire clairement et explicitement ce qui a été perpétré il y a soixante-dix ans dans le Constantinois est la seule façon de rendre justice à celles et ceux qui ont été assassinés et à leurs descendants, qu’ils vivent en France ou en Algérie. A la connaissance, désormais bien établie, doivent succéder le temps de la reconnaissance et le courage de la vérité.
Olivier Le Cour Grandmaison. Universitaire. Dernier ouvrage paru L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014.

samedi 18 avril 2015

La Science agronomique orpheline de Wahab



La science agronomique orpheline de Wahab Mokhbi
A peine un mois après la mort de Bouzid Chalabi, la science agronomique nationale est à nouveau orpheline d'Abdelwahab Mokhbi...lui et moi devions commettre un article à quatre mains sur la disparition précoce et douloureuse de Bouzid, sans doute le plus doué d’entre nous tous pour sa grande maitrise de l’ornithologie, des zones humides et de la biodiversité.

Wahab n'était pas qu'un ami, qu’un confrère, qu’un confident, qu’un guide, il était un Maitre au sens hellénique du terme. Pendant au moins 25 ans, c'est-à-dire depuis notre retour au pays, durant l’effervescente décennie 80, Wahab était devenu mon encyclopédie ambulante...à chaque fois que j'avais à confronter une idée, un problème, une énigme, un proverbe ou une citation, c'est vers lui que je me tournais machinalement...sans la moindre hésitation et très sereinement.  Car Wahab qui n’omettait jamais de dire à ses étudiants «  j’enseigne le doute » avait réponse à tout et à tous. Bien que natif de la même ville de Skikda, tout comme Bouzid Chalabi, et originaires du même massif de Collo -la somptueuse montagne où la résistance à tous les envahisseurs n'était point un vain mot-, c'est sur les bancs de l'ITA de Mostaganem que nous nous étions rencontrés au début des années soixante dix. Moi élève ingénieur en seconde année et lui, de quatre ans mon cadet, qui parvenait enfin vers cette cote rebelle du Dahra occidental que nous allions découvrir ensemble à travers l’œuvre d’Assia Djebbar – L’Amour, la fantasia- et à travers la découverte des massacres de la tribu des Ouled Ryah.
A l’ITA, nous étions tous deux très portés sur le volontariat au cotés des bénéficiaires de la révolution agraire, mais ni lui ni moi n'étions « pagsistes » comme notre troisième compère Saci Belgat. Très tôt, j'avais appris à espérer et à écouter les sourdes colères de Wahab, lorsque les dogmatiques du PAGS tentaient avec beaucoup de zèle de nous guider vers les champs du militantisme ombrageux et austère. Lui a toujours eu les mots les plus indiqués pour remettre le débat sur la voie de la sérénité et du bon sens paysan. Aidé avec une grande humilité par les interventions très nuancées de Hamoud Zitouni et de Mohamed Labdi.





Un émerveillement renouvelé
Les études doctorales effectuées en France, lui à Nice dans le midi, sur les gibbérellines et moi à Rennes, la somptueuse capitale de la Bretagne, sur les hormones digestives. L'un travaillant sur les hormones végétales et l'autre sur les hormones chargés de réguler la digestion avec en partage la physiologie, mère de toutes les sciences. Puis ce fut le retour au pays. Nous nous sommes de suite retrouvés dans les amphis de la contestation, comme au bon vieux temps. Octobre 88 étant passé par là, nous avions repris les luttes comme de redoutables syndicalistes toujours aux premières loges. A la recherche d'un statut pour sauver l'honneur de l'enseignant en agronomie. Au prix de multiples douleurs et de pas moins de 6 mois de grève, le statut de l’INFSA est enfin déposé pour signature au SGG. Ce ne fut point sans douleurs ! Car, comme j'étais « le meneur », c'est moi que l'administration décida de sanctionner par une mutation disciplinaire vers le grand Sahara Algérien...comme la sanction était empreinte d'un  double vice de forme, j'avais refusé d'obtempérer et introduisait une action en justice en vue d’une annulation de la décision. La seule parade de l'administration fut de me suspendre mon salaire...durant 19 mois. Ce qui m’obligea à redevenir agriculteur de plein exercice et de plein champ. J'ai alors découvert la grande générosité de Wahab qui savait mieux que quiconque apporter le réconfort nécessaire à « la paix intérieure ». Notre relation s'affermissait davantage à travers nos premières balades champêtres. Lui était très fier de me voir refuser l'aide financière qu'il me proposait. Il comprenait que je ne pouvais laisser nos adversaires jouir de leur mauvais coup. Nos visites sur les champs de chou fleur, de pastèques, de melons, de pomme de terre, de fèves, de tomates, de poivrons et d'oignons, que je cultivais de mes propres mains, devenaient pour lui une source d'émerveillement renouvelé. Ce qui m'encourageait fortement dans mes convictions et dans mes taches ô combien éprouvantes. 




La mère de toutes les sciences
Puis il y avait ces interminables discussions sur la physiologie végétale, une science où il excellait particulièrement. Lui, en pédagogue avertis et scrupuleux, savait transmettre la théorie avec les termes les plus appropriés et moi je passais directement à l'application sur le terrain. Jamais l’agronomie n’aura été aussi bien enseignée et aussi bien appliquées qu’à travers nos discussions entre les rangs majestueux des artichauts des « 7 marabouts », dans la gluante et austère plaine des Bordjias. Les résultats furent fabuleux...et c'est mon porte monnaie qui en était le plus repus...
Il avait aussi cette grande générosité dont il  abusait sans retenue aucune pour parler des plantes, des insectes ou de l’environnement à ses étudiants, à ses collègues, à ses amis, aux passants. Il était toujours prêt à partir dans une singulière démonstration, au point de lasser parfois ceux qui ne suivaient plus le rythme si particulier qu’il imprimait à ses discours. Wahab avait un sens inné des analogies et autres paraboles. Il avait aussi cette rare aptitude à vous faire un très long détour, jalonné de multiples digressions aussi savoureuses que savantes, pour enfin revenir à la case départ. Sans jamais s’embrouiller, sans jamais perdre le fil conducteur…et en toute humilité !
Lorsqu’après un détour par l’ENSEPS de Mostaganem, j’étais revenu sur le devant de la scène, aux commandes de l'ITA de Mostaganem, Wahab a eu la grande élégance de décliner tous les postes de responsabilité que je lui proposais, ce qui ne l’empêchait pas de m'aider subtilement dans le choix de mes collaborateurs. Il était de toutes les luttes et de toutes les initiatives. Jamais une intervention, un discours, une conférence que j’étais appelé à donner ne se faisait sans son consentement préalable...et très avisé. En 96, nous fûmes sollicités par un bureau d’études étranger, sur recommandation expresse du ministère de l'agriculture, placé en ces temps troubles, sous l’autorité avisée de Nordine Bahbouh. Ce bureau d’études britannique nous commandait une expertise sur les perspectives de l'industrie laitière en Algérie. C'était bien avant la naissance des énormes complexes laitiers de la vallée de la Soummam, des hautes plaines steppiques ou des basses plaines de la Mekerra ou de la Seybouse. Nous avions à l'époque mis en évidence les perspectives alléchantes qui s'ouvraient devant ce segment de l’économie nationale. C'était du temps où la laiterie «Dahra » de Mostaganem, inondait de ses yaourts les confins de l'Aurès ; à moins de 5 dinars le pot de yaourt fruité. L'honnêteté voudrait que je souligne que le plus gros du travail avait été effectué par Wahab. Pourtant, lorsque le client prendra possession du dossier que Wahab était allé remettre à Tunis – situation sécuritaire oblige-, c’est lui qui décidera de partager équitablement la substantielle indemnité que le bureau d'études nous avait versée...ceci malgré mes protestations soutenues...et véhémentes...



Une aisance bien singulière
Dans l’impossibilité de reprendre toutes les étapes de notre long et fructueux compagnonnage, je voudrais souligner combien il va manquer à sa famille, à Hanane et à Oussama, ses enfants. Dans cette terrible douleur, ils ont fait montre d'un courage et d'une sérénité qui aurait fait un immense plaisir à feu Wahab ; ces enfants là sont bien de lui et ils sont très dignes et très aptes à perpétuer la sagesse et la générosité de leur défunt papa.
Je voudrais maintenant dire combien la science agronomique nationale lui sera redevable et combien il lui manquera. On ne "fait pas un enseignant chercheur de ce calibre en un tour de main ! Osons le mot: Wahab Mokhbi est absolument irremplaçable et ça n'est ni l'amitié ni l'émotion qui guide mes mots. Il était parvenu à un tel niveau de synthèse de l'agronomie qu'il n'est pas possible de ne pas trembler à l'idée qu'il ne sera plus là pour nous aider à séparer le bon grain...que lui seul savait faire avec une aisance singulièrement efficace. De notre séjour au Maroc, en compagnie de l'ami Halbouche Miloud, je garde le souvenir impérissable de cette double confrontation avec Si Mansour, l'érudit cheikh de la Tariqa Allawwya du Maroc – qui nous avait reçus en son siège de Casablanca- et qui, en excellent "Fakir" du cheikh Mehdi Bentounès, père de l'actuel Cheikh Khaled Adlène Bentounès, nous avait gratifiés d'une grande et très solennelle leçon de mysticisme et d'érudition. Nous en avons été définitivement marqués lui et moi au point qu'il ne se passait pas un mois sans que remontent à la surface ces moments de grande communion autour de la pensée du Cheikh Ahmed Benalioua, dit Cheikh El Alawwi, maitre spirituel et géniteur de la Tariqa éponyme. Juste pour dire que ce Skikdi de souche « rurbaine » savait combien la cité de Sidi Saïd lui était coutumière et agréable au point d'y finir sa vie...et d'y être enterré aux cotés de ses plus illustres enfants.
Deux jours avant la fatidique défection d'un cœur aux mille blessures, nous avions fait un ultime détour par la Salamandre...avec une halte de plus de deux heures à regarder les bateaux de pêche aux lumières scintillantes se faire dorloter par un curieux vent de sable...puis nous avons quitté le port pour faire une boucle jusqu'à Sablettes. C'est au moment où nous entamions la rocade et ses palmiers agonisants que Wahab osera un parallèle entre Mosta et Skikda. Lui savait certainement qu'il délivrait son ultime message ; mais il a eu la délicatesse de n'en rien laisser paraitre Jusqu’à l’ultime instant, tout en se sachant définitivement condamné et que « ça ne tient plus qu’à un fil », comme il le concèdera à Saci Belgat 24 heures avant de succomber.  



En attendant l’oraison funèbre ?
Sur le chemin poussiéreux qui mène de «Sablettes» à Salamandre, je lui fais alors écouter la conférence que je venais de donner 15 jours auparavant au palais de la culture de Skikda, conférence à laquelle je l'avais convié. Mais il s'était alors excusé à l’heure du départ, arguant qu’il était en train de tester une nouvelle thérapie et qu'il ne pouvait s'éloigner de Mosta. Pas même pour une virée dans le massif de Collo que je lui faisais miroiter, comme un ultime pèlerinage. Lui savait sans doute que la fin approchait à grands pas, mais il m'a épargné comme il a toujours su le faire, c'est à dire avec doigté et dignité. Il écoutera donc mon laïus d’une quinzaine de minutes avec une très grande attention, surtout que j’y relevais les grandes similitudes entre le terroir de nos ancêtres et celui de nos enfants respectifs. Jamais à court d’arguments, il fera agréablement remarquer que je soignais de mieux en mieux mon parler en Arabe. Puis nous nous sommes séparés juste en face de la cité où il habite, non loin du trottoir assassin.
Vendredi dernier, au moment où il agonisait sur ce fichu trottoir de la route de Salamandre, j'étais sur la route de Ténira en train de photographier un sublime arbre de Judée. Que je me proposais de lui montrer via la toile. J'avais alors mis mon téléphone en mode silencieux comme si je craignais une mauvaise nouvelle. Lorsque je le rallume, l’écran  afficha 11 appels en absence et 7 messages! Que de très mauvais présages, surtout lorsque je prends connaissance de leur provenance ; défilent alors les noms de Senouci Ouddan, Abdelkader Boudjemaa, Abbou Mohamed, Mohamed Larid, Abdelkader Homrani. J'ai de suite compris que des choses très graves s'étaient passées à Mostaganem ; mais j'étais bien loin de me douter que mon ami, mon confident, mon confrère, ma conscience et ma science venait de trépasser sur ce maudit trottoir qui longe la route de Salamandre.
Il faudrait une autre vie pour parler de Wahab Mokhbi...je prie profondément pour lui, je prie profondément pour la science agronomique. En ce triste et brumeux mois d’avril, elle est vraiment bien mal en point et elle est irrémédiablement orpheline...Adieu Wahab...l’université Algérienne, celle de Mostaganem, n’ont pas su reconnaitre tes mérites. Il faut leur pardonner de n’avoir même pas tenté de te dédier une courte oraison funèbre à laquelle tu es sans doute le plus éligible d’entre nous. Chez tes amis, tes fidèles admirateurs, chez tes collègues et tes étudiants, ça ne fait pas l’ombre d’un doute ! Tu laisseras un vide que personne ne pourra ni ne voudra combler, tant la tache est insurmontable et la douleur qui va avec aussi…Paix à son âme !

20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...