samedi 25 juillet 2015

Salima, l’ombre de Belhadj



 Une rencontre avec Salima Tayebi, l'épouse du défunt ministre de l'agriculture de Boumediène est forcément extraordinaire... celle de ce 22 juillet 2015 n'a pas dérogée à la règle...ici un bref compte-rendu qui sera intégré dans un livre en chantier consacré à ce couple détonnant qui pris naissance durant la guerre de libération et qui traversera les 50 années d'indépendance avec dévouement et impertinence...

 Epuisé par un mois de jeûne qui fut aussi besogneux que fructifère, je viens de retourner de Sidi Bel Abbès…la chaleur caniculaire des berges boueuses de la Mekerra ne m’ont pas dissuadé. Accompagné du boss d’Ifriqia  Univers qui est rentré dans ma vie par effraction, nous sommes allés à la rencontre de Salima Tayebi/Dali Youcef qui revenait au bled après un séjour imposé par des soins intensifs et complexes auxquels elle ne peut accéder qu’à l’étranger. La veille, alors que je venais de lui envoyer mon petit faire-part à l’occasion de la fin du calvaire ramadanique, je reçois en retour un délicieux sms. Attentionnée comme le serait une femme intelligente, douce, belle et affectueuses, Salima qui fut ambassadrice lorsque « Nathalie » était encore dans ses langes, m’indiquait avec cette brulante et infinie sagesse qu’elles nous attendait pour la rituelle bise de l’Aïd…habituellement, ses sms étaient partagés obstinément avec « Nathalie » et nous nous arrangions alors pour y aller ensemble, moi portant les fleurs et elle le sourire…à trois, nous asseyions dans ce minuscule salon qu’encombrent de toutes parts les souvenirs ramenés de toute la planète…

Tayebi Larbi en Chine... les photos des enfants jaunies par le temps, les minuscules objets aux formes délicatement dessinées par des artisans inconnus ou illustres, qui sait ?...et ces livres entassés les uns sur les autres, attendant qu’une main frileuse vienne en tourner les pages…et ces albums photos que je feuillette avec frénésie et douceur…de peur de ne pouvoir les revoir une autre fois….de peur aussi d’en oublier une que je pourrais regretter plus tard. Et Salima avec ses beaux yeux bleus qui se démène avec finesse et dans une subtile courtoisie pour nous faire gouter ses confitures, ses gâteaux, son « thé au citron », la précision relève du sacerdoce, tant mon amie tient à nous le rappeler aussi souvent que possible….c’est aussi sa façon à elle de décliner en finesse ses origines Tlemceniennes et aussi sa grande admiration non seulement pour « Si Belhadj » ( Mohamed Belhadj Larbi Tayebi est le nom complet de l’ex commandant du front Nord qui longe la frontière Algéro Marocaine durant la guerre de libération) mais surtout de son beau père, El Hadj Benkhedda, valeureux descendant de la tribu des Mehadja…

 Un Etat Major itinérant
Aux cotés de Houari Boumediène...c’est lui qui décidera de l’installation du couple dans le pays des Béni Ameur le jour du retour triomphal au pays, tout juste après l’indépendance. 0 sa belle fille, le rude fellah de la plaine fera un cadeau très original à sa belle fille, une parcelle de terre achetée sur ses propres deniers...Salima qui venait tout juste de fêter ses noces à Rabat s’était alors arrangée pour troquer sa robe de jeune mariée contre une tenue militaire….la photo qui éternise cet instant dégage une grande fragilité….pourtant Salima n’en tire aucune vanité puisqu’elle a tenu à préciser qu’elle n’a jamais été une moudjahida…là où d’autres se seraient délecter de cette aubaine, Salima Dali Youcef, la tte frêle épouse du commandant Belhadj se démarque sans égards devant la caméra pour dire droit dans les yeux «  non, je ne suis pas une maquisarde, cette tenue c’était juste une extravagance de jeunesse » ! Pourtant, durant toutes les années de guerre, en plein cœur d’Oujda, pas bien loin du camp Kebdani, dans l’opulente villa des Dali Youcef, se trouvait les locaux de l’Etat Major Général de l’ALN. Les militaires occupant le premier étage et la famille Dali Youcef au grand complet le rez-de-chaussée. Il est vrai que pour d’évidents impératifs sécuritaires, les membres de l’EMG, Houari Boumediène en tête, ne restaient jamais à plein temps dans cette demeure si chaleureuse et si accueillante. Personne ne savait la durée de séjour, tant et si bien que les militaires et officiers transitaient chez la plupart des grandes familles algériennes vivant alors au Maroc. Celles d’Oujda plus particulièrement, à l’instar des Bouabdellah qui possédaient aussi des fermes, mais aussi chez les familles fortunées de Berkane et de Nadhor qui recevaient tour à tour les dirigeants de l’ALN…
Au siège de la SONELEC aux cotés de Zenaidi le maire de SBA de l'époque...

samedi 18 juillet 2015

L'invention de la pompe au secour de l'olivier

Il y a 3500 ans en Crète, une invention provoque l’exode d’une civilisation

Des palais détruits, puis reconstruits, puis à nouveau détruits. Des habitations abandonnées par dizaines. Qu'est-il donc arrivé aux Minoens, brillante civilisation crétoise il y a plus de trois mille ans ? Une étude lève un coin du voile.

Fresque-minoenne-−-Musée-archéologique-d-Héraklion-−-George-M.-Groutas-CC-BY-2.0-crop
Fresque-minoenne − Musée-archéologique-d-Héraklion
recadrée − George-M.-Groutas − CC-BY-2.0
Pendant longtemps, l'histoire était simple. Précédant la Grèce antique, une merveilleuse et impressionnante civilisation crétoise établie aux III-IIe millénaires av. J.-C., celle des Minoens, aurait été balayée par une éruption terrifiante : celle du Santorin, supervolcan dont l'effondrement a envoyé un tsunami meurtrier dans l'est de la Méditerranée. Mais avec l'affinement progressif des datations, il a fallu se rendre à l'évidence : cela n'avait rien à voir. Le volcan a explosé au moins soixante-dix ans après la toute première destruction des palais minoens, survenue vers 1700 av. J.-C. Reconstruits entre-temps, les palais sont cette fois définitivement détruits autour de 1450 ans av. J.-C. Seule exception, le plus gros d'entre eux, celui de Cnossos sur la côte nord de l'île, qui se maintient encore quatre-vingt ans. Puis il tombe à son tour.
Pour retracer cette mystérieuse histoire, impossible de se passer de l'archéologie. Car les Minoens ont beau avoir laissé des inscriptions, celles qui datent d'avant la destruction des palais sont rédigées dans une langue à ce jour toujours inconnue. Pas de trace non plus d'éventuels souverains dans les splendides fresques et décorations de cette époque.
L'archéologie, elle, est plus bavarde. Surtout depuis la découverte de nombreux sites dans les campagnes aux alentours des palais. Ces travaux mettent en évidence de curieuses évolutions du peuplement dans l'île. Excepté de rares cas, le nombre de sites occupés par les Minoens a tendance à diminuer, voire à franchement chuter au moment de l'émergence des seconds palais.
La plupart du temps, les spécialistes du monde minoen ont fait de ces phénomènes une lecture essentiellement politique. Ces changements traduiraient, par exemple, des luttes entre palais concurrents, qui aurait fini par tourner à l'avantage de l'un d'eux, Cnossos, réussissant alors à exercer sa domination sur une grande partie de la Crète.
Mais une équipe d'archéologues de l'École française d'Athènes dirigée par Sylvie Müller Celka, du CNRS, a fait une découverte intrigante. Elle a constaté que le phénomène d'abandon des sites était particulièrement marqué dans la région de Malia, sur la côte nord-est de la Crète. Elle a montré qu'entre la période des premiers palais (ceux détruits vers 1700 ans av. J.-C. ) et celle des seconds (ceux détruits avant 1450 av. J.-C.), les Minoens n'ont abandonné définitivement que des sites bien particuliers : presque tous ceux qu'ils occupaient sur les pentes de la montagne qui domine Malia.
Pour comprendre cet abandon, les chercheurs ont examiné en détail la géographie des lieux et la nature des terres qui s'y trouvent. Ils ont mis en évidence trois grandes zones. En bas, ce sont les plaines de la côte, chaudes et plutôt sèches, habitées tout au long de la période minoenne. Le rendement des terres, sans apport important d'eau, y est faible. Tout en haut se trouve la zone d'altitude quasi-inhabitée, où la culture des oliviers et de la vigne est difficile, voire impossible (au-delà de 900 mètres).
Entre les deux se placent les pentes de la montagne (entre 300 et 900 mètres d'altitude). C'est principalement cette zone que les Minoens ont quitté à la période des seconds palais. Ces pentes sont beaucoup plus arrosées que la plaine, et recouvertes en haut par des forêts. Les recherches de l'équipe montrent que les populations y occupaient alors des sites plutôt petits par rapport à ceux de la plaine. Elles y élevaient des chèvres et des moutons, cultivaient de la vigne, des arbres fruitiers, un peu de céréales et produisaient du miel. Dans ces pentes en proie à l'érosion, elles exploitaient de petites parcelles proches de leurs maisons. Elles captaient sans doute l'eau des sources ou des torrents avec des canalisations en terre cuite, dont les archéologues ont trouvé de nombreux fragments.
Mais alors, pourquoi cette soudaine ruée vers la plaine ? Pourquoi quitter un milieu dont ils savaient tirer parti, pour des terres sèches et a priori peu accueillantes ? Peut-être, proposent les chercheurs, parce que les Minoens avaient trouvé la clé pour accéder aux énormes réserves en eau du sous-sol crétois. Ils auraient découvert ou importé de l'étranger le moyen de pomper la nappe phréatique. Et par là, celui d'irriguer massivement les plaines de la côte. Donc d'améliorer considérablement le rendement des terres basses, pour y cultiver oliviers, vignes et légumineuses (la famille des fèves, pois, etc.). Autrement dit, ce serait peut-être une innovation agricole aurait lancé le signal de cet exode vers la plaine.
Mais cette hypothèse est-elle plausible ? Peut-être, car c'est justement au début de la période des seconds palais que les Minoens semblent avoir développé un intérêt pour tout ce qui touche à l'hydraulique. Ces dernières années, des archéologues ont découvert des barrages placés sur des torrents de montagne, datant de cette époque. Ils se trouvent dans l'est de la Crète, dans la vallée de Choiromandres et sur l'îlot de Pseira. Ces dispositifs semblent clairement avoir pour but l'irrigation, répandant leur trop-plein dans des terrasses agricoles situées juste à côté des barrages.
En outre, c'est à peu près à la même époque que les Minoens commencent à creuser des puits, et donc à atteindre la nappe phréatique. Les systèmes qu'ils utilisaient pour amener l'eau à la surface ne nous sont pas parvenus. Étaient-ils suffisamment efficaces pour alimenter un dispositif d'irrigation en plaine ? C'est possible, car au moins un système rudimentaire pour pomper l'eau du sous-sol est alors connu depuis plus d'un millénaire en Mésopotamie. C'est le puits à balancier, où un contrepoids facilite l'ascension du seau. Il est attesté également en Égypte durant la période correspondant aux seconds palais, alors qu'existent justement des relations commerciales avec la Crète.
Cette intense activité hydraulique pourrait aussi être liée à une lente détérioration du climat en Crète, ayant débuté deux mille ans plus tôt. Des études suggèrent en effet que les étés sont devenus de plus en plus secs. Les pluies calmes de l'hiver se seraient progressivement décalées au début de l'automne, devenant torrentielles, entraînant érosion des pentes et manque d'eau pour la végétation au printemps. Dans ces conditions, la vie sur les pentes de la montagne était peut-être devenue de plus en plus difficile avec le temps.
Si cette hypothèse est correcte, alors le phénomène d'abandon des sites d'altitude ne devrait pas être limité à la région de Malia. Tout semble indiquer que c'est bien le cas. En règle générale, à l'arrivée des seconds palais, il y a nettement moins de sites occupés dans les zones d'altitude ou à relief accidenté, alors qu'ils se développent dans les zones de plaine (ou dont le relief permet l'irrigation et l'agriculture intensive).
En outre, si les causes de ces déplacements étaient politiques, les populations auraient normalement fini par revenir. Or ces sites de montagne ne seront jamais réoccupés, ou alors bien après, plus d'un millénaire plus tard.
Nicolas Constans

jeudi 16 juillet 2015

Des fellah Américains au Sahara



L'arrivée des amerloques ne présage rien de bon. Surtout lorsqu'il s'agit de l'agriculture indigène qui peine à trouver ses marques. Déjà lors de la mise en application des accords de rééchelonnements de la dette, en pleine guerre contre l'intégrisme à connotations islamiste, le FMI et la BM avaient imposé à l'Algérie le démantèlement de son système de formation agricole et agronomique...plus de 80 structures de formation, y compris supérieure comme l'ITA de Mostaganem, seront passées à la trappe avec l'assentiment des responsables...alors que le statut des terres surtout celles héritées de la colonisation, est maintenu dans un anachronisme fâcheux  et que l’investissement tant privé que public se réduit du fait de ce non-statut, voilà que les fellah américains pointent le bout du chenillard...ici une chronique très sérieuse publiée dans Mondafrique par le talentueux Chawki Amari....c'est très sérieux et ça devrait interpeller tous les braves patriotes encore vigiles dans ce pays...moi j'ai déjà froid sous 40 degrés Celsius... 
Aziz MOUATS

Les Etats-Unis à l’assaut des terres algériennes
International - Par Chawki Amari - Publié le 08 Juin 2015 sur Mondafrique

Début juin, l'Algérie signait un accord agricole avec les Etat-Unis faisant craindre l'implantation de laboratoires de semences dans le pays. Un partenariat qui résulte en partie de la politique néo-libérale prônée par le frère du président, Saïd Bouteflika.

 
C’est par l’agriculture que les USA entament une nouvelle offensive terrestre sur l’Afrique, Algérie comprise, avec la bénédiction de Saïd Bouteflika, le frère du président. Une histoire de famille recomposée dans une longue tradition de relations en dents de scie entre les Etats-Unis et l’Algérie.

Laboratoire agricole
Fin juin. Chaleur ou ramadan, ou les deux, le ministre algérien de l’agriculture, fraichement nommé, s’emporte en visitant une exploitation à l’occasion du lancement de la campagne labour-semailles. Fatigué d’entendre les plaintes des agriculteurs sur le manque d’aides de l’état,  il lance : «vous ne faites que demander des subventions, dans ce cas, restez chez vous.» En effet, l’état algérien dépense chaque année près de 2.5 milliards d’euros pour l’agriculture, 5ème budget d’état depuis l’ouverture au privé en 1987 (oui, l’Algérie était très Soviet à l’époque).
Mais pour un secteur qui contribue à hauteur de 10 % dans le PIB et occupe 25 % de la population active (contre respectivement 1.6 % et 5.2 % pour l’Union Européenne), ce n’est pas assez. A titre d’exemple l’Islande et la Norvège redistribuent 66% des revenus agricoles en soutien aux producteurs, l’Union Européenne 33%, la Turquie 24, le Mexique 14 et l’Algérie à peine 5%. Mais la colère de Abdelkader Kadi n’est peut-être qu’une coïncidence, pendant que le ministre parlait de « fainéantise » aux agriculteurs algériens, des accords se nouaient avec les Etats-Unis, implantation de laboratoires de semences et expérimentations diverses sur des terres sahariennes, sur la base d'une introduction beaucoup plus large en Afrique.
La menace a fait réagir des spécialistes panafricains à Alger, d’autant que deux mois plus tôt, la commission de l’Union Africaine où l’Algérie est très influente, envisageait d’Addis Abeba en Ethiopie, de donner plus de liberté sur les OGM aux États membres. Si le Kenya est déjà embourbé dans les OGM US, de même que le Sénégal, le 23 mai dernier, pour la journée internationale contre les OGM, une manifestation a eu lieu au Burkina Faso, rassemblant des militants venus de tous les pays d’Afrique hostiles aux projets américains. Contrairement aux Algériens, ils sont inquiets de l’arrivée de la Fondation Bill Gates, qui sous couvert de 3 milliards de dollars « donnés » à l’agriculture africaine (95% de cette somme va en réalité aux organisations internationales présentes sur place), a amené avec lui des géants de l’OGM comme Monsanto (dont il détient des actions) mais aussi implanté des partenariats avec la fondation Rockefeller et les multinationales Cargill, Unilever, Nestlé, Coca cola et Olam. Au centre du projet africain, la recherche génétique, comme pour les accords signés avec l’Algérie, un euphémisme anglo-saxon pour diffuser des semences OGM et toute la panoplie de produits chimiques qui vont avec.

Obama, l’Afrique aux Américains
On attribue généralement à Massinissa, Aguellid (roi) berbère qui a unifié le pays (la Numidie, soit l’Algérie du Nord, au IIème siècle avant JC) cette maxime, adressée à l’empire romain conquérant de l’époque : » l’Afrique aux Africains. » Sur le continent, les petites fermes familiales produisent plus de 90 % de toutes les récoltes et pour les Etats-Unis, le problème est plus large, en absence de débouchés, ils attaquent en Afrique, qualifié de « continent à la croissance la plus rapide » par la Maison-Blanche lors du sommet Etats-Unis-Afrique de l’année dernière. Pour contrer l’offensive chinoise ? Un rapport de l’ONG Action Air International daté de fin mai 2014 est à ce sujet édifiant : « le continent africain, qui possède à lui seul un quart des terres fertiles mondiales, concentre 41% des transactions foncières, sur un nombre total de 1.515 transactions à travers le monde. »
Premier acheteur de terres en Afrique, les USA possèderaient déjà 7 millions d’hectares pendant que la Chine stagne à 1,34 millions, résultat probable d’une campagne lancée en Grande Bretagne en 2013 à travers des affiches, géantes dans les aéroports, stations de métro et tous les centres des grandes villes, payée par le journal The Economist : BOOMING CHINESE INVESTMENT IN AFRICA IS BAD FOR AFRICANS (le boom des investissements chinois en Afrique est très mauvais pour les africains). Résultat de la campagne ? On ne sait pas trop. Mais depuis l’an 2000, poursuit le rapporteur d’Action Air International, plus de 1.600 transactions de grande échelle ont été répertoriées, soit une superficie totale de 60 millions d’hectares », sans compter les terres non cadastrées par les états africains, qui représenteraient 70% des terres. L’Algérie résiste encore, qui interdit le droit à la propriété du sol par des étrangers, mais elle possède d’immenses terres dans son Sud, plus d’un million de kilomètres carrés, assis sur une nappe d’eau fossile géante. Pour un Américain affamé et assoiffé, c’est la Californie.

Bouteflika, saison 4
Mais comment les USA ont-ils réussi à s’attaquer à la sacro-sainte valeur des Algériens, la terre ? Dans un câble daté de décembre 2009 et révélé par Wikileaks, il est fait mention que le département d’Etat est à la recherche d’informations sur le frère du président Abdelaziz Bouteflika, Saïd. Ce câble émanant du secrétariat d’Etat et signé Clinton souligne que les analystes de Washington manquent de «rapports sur ses activités et ses soutiens.» Un autre câble américain s’inquiète « du virage à gauche pris par l’Algérie » et à la fin de son 3ème mandat (2004-2009), le président Bouteflika tombe malade, le frère reprend discrètement la gestion et les soutiens sont identifiés, Il Camerlingo est approché.
L'Amérique, déjà bien présente dans les hydrocarbures conventionnels et depuis peu dans le gaz de schiste, s’attaque à l’agriculture avec le nouveau ministre Abdelkader Kadi nommé en mai dernier, qui entérine les accords assez opaques avec les Etats-Unis. Il ne s’agit officiellement pas encore d’OGM mais la voie est ouverte, après le sous-sol, les Américains entrent en sol. Accrochée à ses principes dans l’axe historique Tunis Damas Téhéran Pékin New Delhi Moscou, Alger tente de se diversifier avec la chute de ses recettes pétrolières. Mais l’opposition est tenace, à l’image de Louisa Hanoune, la trotskyste de choc du Parti des Travailleurs (24 sièges sur 462 à l’Assemblée), qui ne cesse de fustiger ce néo-libéralisme conduit par Saïd Bouteflika, lui-même ancien syndicaliste trotskyste, détenteur par ailleurs d’un doctorat à Paris en intelligence artificielle.
En cause, l’impulsion qu’il donne à son entourage, dont Ali Haddad, partisan d’une ouverture totale et qui vient de signer un partenariat avec l’Américain Varian, leader dans les dispositifs de radiothérapie pour récupérer une partie des 1,8 milliards d’euros que l’état algérien va mettre, un peu tard, dans un plan national anti-cancer. Oui, le frère travaille alors que le président est malade, mais lui se soigne en France, pendant que le grand amour, Etats-Unis/Algérie, renait de ses cendres. Le président Bouteflika, quand il était encore debout au début de son premier mandat, avait déjà donné la mesure : « nous ne sommes pas de taille à affronter l'Amérique » avait-il humblement avoué.

Rodriguez au pays des merguez
Une semaine après la nomination d'Abdelkader Kadi à l’agriculture, le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah ainsi que le premier ministre Abdelamalek Sellal recevaient à Alger le général David Rodriguez, chef du commandement de l’Africom, le United States Africa Command, créé en 2007 par W. Bush pour coordonner toutes les activités militaires et sécuritaires des États-Unis sur le continent, mais qui n’y trouve toujours pas de siège pour son bureau.
Il n’y a sûrement aucun rapport avec l’agriculture mais le signe d’une coopération régulière entre les deux pays, notamment sur le terrain sécuritaire. Les relations algéro-américaines qui «remontent à plusieurs années» sont empreintes de «confiance», déclare le général Rodriguez. Il a bien dit « quelques années », car il y a 200 ans, 15 ans avant l’invasion coloniale française de l’Algérie, les USA et l’Algérie entraient en guerre, pour des produits agricoles. Entre 1785 et 1793, les redoutables corsaires de la Régence capturent des dizaines de navires américains chargés de denrées alimentaires pour un arriéré de 27000 dollars sur les sommes à payer depuis le traité de 1795.
L’opinion publique américaine, poussée par les exportateurs des produits agricoles, réclame des mesures, ce qui tombe bien puisque terminant la guerre avec l’Angleterre en 1814, l’Amérique peut déployer des navires en Méditerranée et foudroie la marine algéroise en 1815. Un traité est signé, avec des indemnités à verser aux Américains et cette première défaite d’Alger, alors sous protectorat turc, ouvre la voie au bombardement de la ville par une flotte anglo-hollandaise l’année suivante, ce qui achève le mythe de l’invincibilité d’Alger El Mahroussa (la bien gardée).

Le blé, nerf de la guerre
La suite est connue, le duc de Bourmont, déserteur à la bataille de Waterloo en 1815 est nommé pour débarquer à Alger à la tête de 37 000 hommes en 1830 et annonce aux Algériens : « la France vient vous libérer de vos tyrans turcs et vous redonner votre indépendance », sous les moqueries de son armée qui n’a pas oublié et murmure à voix basse « Alger est loin de Waterloo, on ne déserte pas sur l’eau ».
Encore une histoire de blé d’ailleurs, si le fameux coup d’éventail du Dey d’Alger infligé au Consul de France fut le prétexte de l’invasion, la colère du régent résultait d’un contentieux, deux intermédiaires, Bacri et Busnach, vendent à crédit du blé algérien à la France, qui tergiverse sur ses créances, poussant le Dey, manquant d’argent, à s’en mêler directement. Ironie du sort, 50 ans avant la colonisation française, l’Algérie est le premier pays à reconnaitre l’indépendance des Etats-Unis en 1783. Depuis, les relations ont évolué en dents de scie, l’Algérie condamnant les invasions américaines et l’Amérique reprochant à l’Algérie son soutien (prudent) au Yémen, à la Syrie, l’Iran et tous les maltraités de la Terre.
Ingrat, toujours en juin dernier, alors que les accords agricoles viennent d’être paraphés, le responsable de la Section commerciale de l’ambassade américaine à Alger, Christopher Wilken, exprime publiquement sa déception vis-à-vis de l’Algérie, qui « occupe la 147e place sur 189 pays pour ce qui a trait à la facilité de faire des affaires.» Quelques jours plus tard, le département d’état américain remet une couche, pondant un méchant rapport sur la situation des droits de l’homme en Algérie. L’oncle Sam et le frère du président ne se fâchent pas pour autant mais tout n’est pas réglé, les Affaires étrangères, conduites par le tatillon Ramtane Lamamra de la vieille école, répond en fustigeant l’Amérique avec un langage qui contraste avec la légendaire neutralité algérienne, jugeant «partial» voire «outrancier» ce rapport, soulignant « qu’il n’engage que ledit partenaire » (sans le nommer) et précisant que la communauté internationale « est, en l’occurrence, loin de reconnaître une quelconque mission de juge universel des droits de l’Homme à ce pays » (toujours sans le nommer).
Que de l’amour.

20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...