lundi 23 janvier 2012

Camus pied-noir ou philosophe?

 

Une contribution parue dans El Watan du 23/01/2012

A quoi bon tenter de réhabiliter un intellectuel français qui refusa l’indépendance de l’Algérie !

le 23.01.12 | 01h00
| © Souhil. B.

D’un biographe, on n’attend pas qu’il se serve de son objet d’étude pour illustrer ou justifier ses propres thèses, mais quelle que soit sa sympathie pour celui dont il retrace le cheminement, qu’il conserve assez de distance pour s’interroger sur certaines de ses thèses, éventuellement en montrer la fausseté, sinon l’aberration et, pour le moins, en expliciter les raisons.

Rien de tel dans L’Ordre libertaire, ce gros ouvrage — 516 pages ! — que Michel Onfray consacre à «La vie philosophique d’Albert Camus». Loin de s’interroger, par exemple, sur la nature des liens qui attachent Camus à l’Algérie, ni sur son attitude pendant la guerre  de libération et son opposition totale à l’indépendance, il se contente de citer longuement sa position, mais ne s’interroge nullement sur les raisons qui la déterminent, comme si cette prise de parti allait de soi, comme si elle était juste et vraie, quand  l’histoire en a montré et démontré l’insanité. Il est quand même stupéfiant qu’un philosophe  ne se demande pas pourquoi un intellectuel de la taille de Camus a pu se tromper aussi lourdement sur une situation qu’il vivait et dont il entrevoyait bien l’injustice absolue.
Algérois de naissance, Camus aimait l’Algérie — la couleur de son ciel, sa luminosité, la mer, le sable chaud des plages, les senteurs des eucalyptus — mais s’il «aimait» aussi ses habitants, qu’il appelle pourtant, dans l’un de ses textes «les masses arabes», c’était, malgré tout, malgré ce reportage sur la misère en Kabylie, d’un amour lointain, très littéraire et, pour l’essentiel, d’un amour faux. «Camus, écrit Onfray, aime la terre et le peuple, les paysages et les parfums de ce pays… Il ne pense pas en terme topique de nation, mais en terme dynamique de géographie affective, de poétique des éléments.»
Oubliant qu’il n’est pas chez lui, que lui et ses compatriotes occupent l’Algérie comme les Allemands ont occupé la France, que l’Algérie, dont il célèbre les beautés, a été conquise à la suite de massacres génocidaires (razzias, enfumades) qui ont duré près de cinquante ans, que les terres des colons sont des terres volées, que ce peuple, dont il apprécie la spontanéité, a été dépossédé de sa langue et de sa culture, qu’il est à ce point méprisé par la plupart des pieds-noirs qu’il n’est plus, pour eux, qu’une masse de «Fatmas» et de «Mohamed» indiscernables et interchangeables, Camus avait beau se déclarer anticolonialiste, il n’a rien vu — rien pu ou rien voulu voir — de l’insupportable réalité que vivaient les Algériens.
Ou plutôt, s’il l’a pressentie — puisqu’il souhaitait, par exemple, davantage de «justice» envers les «musulmans», comme s’il y en avait déjà un peu, des salaires moins disparates entre ouvriers européens et algériens —  il n’est pas allé jusqu’au terme de ce qu’il pressentait et qu’il refusait : l’indépendance. Renvoyant dos à dos les tortionnaires de Massu et les «terroristes du FLN», il a cru garder les mains propres, quand, par ses prises de position, il se ralliait objectivement à ceux qui les avaient couvertes du sang des moudjahidine.
On attendait de son dernier biographe qu’il s’interroge sur cet aveuglement, sur ces divagations — Camus préconisait pour l’Algérie une fédération de douars-communes sur le modèle proudhonien (sic !) —  qu’il  montre à quelle profondeur l’amour d’un homme pour à sa mère peut être un obstacle à une libre réflexion, avec quelle force sa situation objective — pied-noir célèbre et nobélisé —,  son enracinement dans un groupe social et la position même de ce groupe par rapport à d’autres, ont pu déterminer le cours de sa pensée et parfois le dévier et le bloquer. L’ouvrage de Michel Onfray n’aborde aucun de ces problèmes et l’on se demande, en l’achevant, quelle est sa finalité dernière. Evoquer son itinéraire intellectuel, ses lectures, les auteurs, tel Nietzsche, qui l’ont marqué ? Cela a déjà été fait. Exposer sa philosophie ?  Mais Camus a plusieurs fois déclaré, et Onfray le rappelle, qu’il n’était pas philosophe : «Je ne sais parler que de ce que j’ai vécu».
Il convenait donc d’expliquer pourquoi il a parlé si mal, ou si faux, de ce qu’il a vécu. Ce qu’Onfray ne fait pas, et pour cause, puisque pour lui Camus a dit vrai et pensé juste. Alors, pourquoi ce livre qui n’apporte rien ?  Pour agresser Sartre, qu’Onfray écorche et caricature presque à chaque page ? Pour illustrer ce que peut être une vie «libertaire» ? Il y a sans doute bien d’autres vies, plus cohérentes, plus libres, plus exemplaires à proposer à l’admiration des lecteurs. Je n’ose suggérer à Michel Onfray celle du sergent Maillot, qui déserta et rejoignit les maquisards avec un camion chargé d’armes. Mais le général Paris de Bolardière, qui démissionna de l’armée pour ne pas cautionner les tortionnaires de Massu, pourquoi pas ? A la question qui intéressait Camus : «savoir comment il faut se conduire», le général ne donne peut-être pas une réponse «libertaire», mais celle d’un homme libre, assurément.  

Tarik Maschino : Auteur de Le Refus, (éd. Maspero, 1960) Michel Onfray, L’Ordre libertaire, La vie philosophique d’Albert Camus (éd. Flammarion, 22,50 euros)
 

Combattre la secheresse par les plantes


Comment rendre les plantes résistantes à la sécheresse

Source : http://www.lefigaro.fr/sciences/2012/01/20/01008-20120120ARTFIG00755-l-humanite-va-t-elle-manquer-d-eau.php#plantes

La vie et l'eau sont indissociables, tant chez les animaux que chez les végétaux. C'est d'ailleurs tard au cours de l'évolution que certains organismes aquatiques sont parvenus à affronter la terre ferme.
Chez les animaux terrestres, le système circulatoire fermé est une réminiscence de ce milieu aquatique originel. Par opposition, l'eau transite chez les plantes qui l'absorbent par leurs racines et l'éliminent par évaporation au niveau de leurs feuilles, créant ainsi un système ouvert. Cette évaporation est le résultat d'un rejet d'eau sous forme gazeuse par de microscopiques orifices foliaires: les stomates. La circulation ascendante, des racines jusqu'au sommet des tiges, résulte d'une poussée racinaire et surtout d'une aspiration par le feuillage qui constitue une véritable pompe. Les plantes, fixées par leurs racines, sont assujetties aux variations du milieu, notamment la déshydratation. En période estivale, ce stress peut se traduire par la fanaison.

Le phénomène de reviviscence

Les végétaux ont élaboré deux grandes stratégies pour ne pas succomber au manque d'eau. La première consiste à former des graines, structures déshydratées adaptées à surmonter des conditions hostiles, comme c'est le cas en hiver sous nos latitudes. Lorsque les conditions redeviennent favorables, les graines germent et le cycle de la vie redémarre. Le second mode se rencontre chez des végétaux comme les mousses ou les lichens capables de se dessécher et de se réhydrater. Ce phénomène de reviviscence s'observe chez les plantes dites de la «résurrection».
Les plantes à fleurs ont le plus souvent recours à d'autres mécanismes adaptatifs. C'est ainsi que certaines espèces perdent leurs feuilles pendant la saison sèche et stockent l'eau dans leurs tiges ou leurs organes souterrains. D'autres réduisent leurs feuilles sous forme d'épines (cactées) quand d'autres les protègent par des poils formant un manchon d'air protecteur au niveau de leurs stomates, ces derniers se fermant le jour pour limiter les pertes d'eau.
Au sein d'une même espèce, certains individus résistent aux stress hydriques répétés quand d'autres disparaissent. À l'échelle de l'évolution biologique (quelques centaines de milliers à quelques millions d'années), ces stress génèrent des mutations qui confèrent à la plante la capacité de résister au manque d'eau. Un enjeu agronomique majeur consiste donc à identifier ces gènes mutés afin de les introduire dans des variétés cultivées pour les rendre tolérantes ou résistantes à la sécheresse. Sous nos climats, les céréales de printemps et de nombreuses variétés cultivées n'ont pas trop à souffrir de ce stress. A contrario, les espèces qui fleurissent en été, comme le maïs, ou celles qui poussent sous des climats arides nécessitent soit des variétés adaptées soit de l'irrigation.


Stress hydrique

Blé, riz et maïs représentent 60 % de l'alimentation mondiale. Des recherches ont abouti à la création de maïs transgéniques plus résistants à la sécheresse et cultivés dans certains pays, comme l'Afrique du Sud. D'autres voies de sélection plus conventionnelles, avec recherche systématique des nombreux gènes impliqués dans la résistance au stress hydrique existent, mais sont plus lentes à mettre en œuvre car beaucoup plus complexes. Les enjeux sont importants et les stratégies envisagées pour trouver des solutions économiquement et socialement satisfaisantes sont encore sujettes à polémique, notamment en Europe où les sécheresses ne constituent pas, sauf certaines années, un problème majeur. Il reste que l'agriculture consomme beaucoup d'eau et qu'importer ou exporter des matières premières agricoles revient à échanger de l'eau «virtuelle»!

dimanche 22 janvier 2012

Avoir froid, est-ce un droit?

 
 Drôle, ma question? pas tant que ça. La preuve, ce débat avec un ami journaliste à propos d'une photo montrant la distribution d'effets vestimentaires à des enfants démunis de la région de Nekmaria, dans le Dahra occidental...c'est à se demander si les pauvres ont encore le droit d'etre pauvres! et si ceux qui peuvent leur venir en aide ne sont pas en porte à faux avec une certaine vision des choses....le débat est lancé...avec mes amis du Dahra et du Lion'S, nous appelons à la récidive ouverte et généralisée...quitte à en faire baver nos braves penseurs et nos intellectuels organiques...
 Voici un bref aperçu de notre débat...la suite sur Facebook ou sur ce blog...jamais Boussayar n'a été aussi utile...
Des habits chauds et neufs pour les démunis de Nekmaria...Une ambiance particulière que celle vécue ce samedi par les écoliers des douar Abbassa et Chkarnia, dans la commune de Nekmaria...A l'initiative du Lion'S Club de Mostaganem et avec le soutien de mes amis Hammoudi et Fellah, il a été possible de donner un peu de chaleur des dizaines d'enfants de cette zone complètement démunie du Dahra...sur la photo des enfants de Chkarnia non loin de la grotte de Ghar El FRACHIH...où dorment depuis 166 ans les OULED RYAH asphyxiés et enfummés par la France coloniale...
· · · Il y a 2 heures ·


    • Ilies Benabdeslam j'ai une autre vue sur la photo.
      Il y a environ une heure · · 1
    • Ilies Benabdeslam
      Donc, 50 après l’indépendance de l’Algérie, nos enfants sont encore tout contents d’immortaliser le souvenir de l’aumône et d’exhiber l’emblème du Lions’ Club ! Comme au temps de l’Algérie Française et ses cadeaux offerts aux petits indigèn...es tout content de la Kermesse. Et quelle photo ! Peut être c’est le hasard, me diriez-vous. Mais Pardi ! Là où leurs aïeuls ont été exterminés vivants par cette France qui refuse de reconnaitre ses crimes. Je sais ; à leur âge, ces enfants ne peuvent traduire le british thème du club. we serve (On vous sert), essaie-t-on de leur inculquer. Mais on ne leur explique pas pourquoi une organisation maçonnique satellite à l’ordre des templiers, qui a pris naissance en Amérique en 1905, perdrait-elle son temps et son énergie à vouloir aider le peuple Algérien !Afficher la suite
      Il y a 34 minutes ·
    • Yacine Alim
      si tu as une explication qui se tienne, je suis preneur...juste te signaler qu'aucun membre du Lion'S n'est étranger, ils sont tous algériens et bénéficient de tous leurs droits y compris celui de venir en aide à leurs compatriotes...comme ...tu ne connais pas assez l'extrème indigence des populations du Dahra, tu devrais prendre un peu moins de ce mauvais joint qui te fais perdre le sens des choses...je sais bien que je suis souvent à la marge mais j'ai au moins la satisfaction d'avoir laissé des yeux heureux derrière moi et que demain matin, une centaine d'enfants auront moins froid et moins honte d'aller à l'école algérienne ...Afficher la suite
      Il y a 27 minutes ·
    • Yacine Alim jé un seul regret...ce matin en partant vers Nekmaria...je t'avais téléphoné afin que de t'emmener avec moi...mais comme tu ne répondais pas je suis parti tous seul...couvrir le meeting du FFS à Sidi Lkahdar et participer à la remise de vetements neufs à plus d'une centaine de jeunes algériens démunis, pauvres, malfamés et pratiquement abandonnés de tous...y compris de ceux comme toi qui cherchent des poux sur des tetes qui ne connaissent pas encore le shampoing...comme en 1905...lorsqu'un Américain décida de la création du Lion'S Club International...pour venir en aide aux malvoyants de tous les pays...je t'excuses car tu n'es que le produit de l'école algérienne...celle qui accepte que des enfants en guenilles viennent en classe empoisonner l'atmosphère de leurs odeurs...à te lire, la misère devrait etre érigée en mode de pensée néocolonial...
      Il y a 16 minutes ·
    • Yacine Alim Vois-tu Illiès, moi aussi j'ai vécu ces scènes où des femmes françaises venaient nous remettre quelques habits...lorsque avec mes 35 ou 40 cousins, nous sommes rentrés à l'école, en 1959...comme nous n'avions pas chaussures, c'est le SAS qui nous a donné des rangers avec des semelles en bois...tous les petits Mouats comme moi en étaient pourvus...ça faisait un tel raffut en classe que le directeur avait eut l'ingénieuse idée de nous faire mettre une mince semelle en caoutchouc...pour amoindrir le bruit...ça nous avait un peu frustré de ne plus pouvoir faire chier les petits fils de bourgeois et de colons qui se la pétaient avec des chaussures de chez Phoenix ou André....cet après midi, à nekmaria, j'avais les larmes aux yeux, la gorge nouée, l'esprit en compote...pourtant j'étais heureux de voir ces enfants changer de look et surtout de standing....aucun n'avait fait attention au fanion du Lion'S...et je suis certains que si on le leur avait offert pour se couvrir ils l'auraient pris sans hésiter...c'est vrai qu'avec le confort de Stidia, il est permis de gloser...mais lorsque l'on habite à nekmaria et que l'on grelote toute la journée, le moindre petit bout de laine est le bienvenu...combien meme ce serait de la laine de Lion....ça aide à rugir...tu m'a fait bosser la mémoire...c'est très douloureux d'etre orphelin...mais ça rassure d'avoir des amis comme toi, qui veillent sur nos valeurs ancestrales...mais qui peinent à cacher leur indigence...je sent que je vais me faire pirater...mais j'ai la peau dure...endurcie par le froid de mes compatriotes...

vendredi 6 janvier 2012

la France face ses crimes, l'Algérie face à son silence

Au moment où La Turquie d'Erdogan et la France de Sakozy s'étripent à propos des génocides dont les deux états se sont rendus coupables, l'Algérie se mure dans un silence inconsolable et affligeant...ici une chronique de Brahim Senouci parue dans le Quotidien d'Oran du 5 janvier 2012
Bigeard, l'exigence de vérité
 
par Brahim Senouci 

Le 6 octobre 2011, premier jour de son séjour officiel en Arménie, Nicolas Sarkozy visite le monument érigé à la mémoire des centaines de milliers de victimes du génocide arménien des années 1915-1918.

Il déclare alors à la presse : « La Turquie, qui est un grand pays, s'honorerait à revisiter son histoire comme d'autres grands pays dans le monde l'ont fait, l'Allemagne, la France. (1) ». Il récidive le lendemain : « Ici à Erevan, je veux dire à la Turquie qu'elle doit regarder son histoire en face. (2) ».

De son côté, la France regarde-t-elle son passé, notamment son passé colonial en Algérie, en face ? Le projet de transfert des cendres du général Bigeard aux Invalides n'incite pas à répondre par l'affirmative. L'hommage à l'homme sera perçu comme une approbation et de la légitimation de son œuvre en Algérie. La France officielle s'apprête donc à honorer un chef militaire qui, jusqu'à la fin de sa vie, a justifié l'usage de la torture et qui, en dépit de ses dénégations, l'a pratiquée personnellement au cours des guerres d'Indochine et d'Algérie : il la tenait pour «un mal nécessaire».

Il faut dire que, depuis le XIXème siècle, l'Hôtel des Invalides s'est montré très accueillant pour des célébrités dont les titres de gloire n'ont pas grand-chose à voir avec l'humanisme. Si Bigeard devait y entrer, il se sentirait en bonne compagnie puisqu'il y côtoierait le Napoléon Bonaparte du rétablissement de l'esclavage, le Maréchal Lyautey, pacificateur du Rif, le général Nivelle du Chemin des Dames, le général Mangin, créateur de la Force Noire. Il y retrouverait des compatriotes d'Algérie, l'amiral Duperré qui commandait la flotte d'invasion en 1830, les chefs de l'armée qui conquit l'Algérie, le général Damrémont, les maréchaux Bugeaud, Canrobert, Pélissier (3), et Saint-Arnaud (4), qui se sont illustrés par la cruauté, voire la totale inhumanité qui a présidé à leurs faits d'armes : Massacres collectifs, incendies de villages, de récoltes, enfumades, emmurements… Contrairement à l'Allemagne, la France n'a pas effectué le travail de remise en cause de son passé : en effet, suite aux accords d'Évian, un décret du 22 mars 1962 a amnistié tous les « faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne ». D'autres amnisties ont suivi ...

Plus près de nous, le général Paul Aussaresses a déclaré benoîtement avoir exécuté 24 Algériens, de ses propres mains. Il aurait dû en bonne logique être traduit devant la justice. Cela n'a pas été possible. Pour outrepasser cette amnistie scélérate, il aurait fallu que les crimes d'Aussaresses soient reconnus comme crimes contre l'Humanité. La Cour de cassation en a décidé autrement. Dans un arrêt du 17 juin 2003, elle a décidé qu'il n'y avait pas eu de crime contre l'humanité pendant la guerre d'Algérie, rendant impossible toute poursuite contre le général Aussaresses. Dans un communiqué, la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme avait exprimé sa déception face à une occasion manquée au rendez-vous de la justice et de l'Histoire.

Robert Badinter avait alors écrit : « S'agissant des crimes commis pendant la guerre d'Algérie, la voie de la justice s'avère barrée (5). » Mais amnistier ne signifie ni effacer ni oublier : « Devons-nous pour autant vouer au silence et à l'oubli les crimes de l'époque ? L'exigence de vérité demeure, rendue plus forte encore parce que justice ne peut être faite (5) ». La France aime à se considérer comme la Patrie des droits de l'Homme. Or, alors même que les crimes commis en son nom en Algérie sont établis, elle persiste à leur opposer un déni dont l'Histoire fera justement litière.

Accueillir Bigeard aux Invalides est symptomatique de cette incapacité à regarder le passé avec une autre lorgnette que celles dont étaient munis Pélissier, Bugeaud, Saint-Arnaud, Bigeard, Aussaresses… Symptomatique et révélatrice, comme l'est la mansuétude particulière de la France vis-à-vis des généraux des corps expéditionnaires dans les colonies…

Plus grave, la France a exporté un bien curieux savoir-faire dans les années 1960 et 1970 en Amérique du Sud : techniques d'interrogation des prisonniers, torture, quadrillage de la population. Ce que les officiers français avaient appris sur le terrain, pendant la guerre d'Algérie a été transmis aux militaires argentins (6), brésiliens et chiliens chargés de la lutte contre la subversion. L'opinion publique connait le rôle joué par les instructeurs étasuniens dans le soutien à la guerre menée par les dictatures d'Amérique Latine contre leurs opposants.          En revanche, celui de leurs homologues français, bien que sans doute aussi important, est resté dans l'ombre. C'est moins le cas depuis la publication du livre et la diffusion du film associé de Marie-Monique Robin, Les Escadrons de la mort : l'école française (7). Le début du film peut être visionné en suivant le lien ci-dessous :

Escadrons De La Mort, L'école Française - 1de4 par ti-guy1100

Nous empruntons la conclusion à Marie-Monique Robin qui clôt ainsi son ouvrage en 2004: « Et la France aujourd'hui ? Cette question revient avec constance dès qu'est organisé un débat à la suite de la projection de mon film Escadrons de la mort, l'école française. Que le lecteur se « rassure » : fort heureusement, il y a belle lurette que l'armée française a banni de ses enseignements – à l'École militaire ou dans tout autre institut de formation dépendant du ministère de la Défense – toute référence à la théorie et aux techniques de la « guerre révolutionnaire ». [...]

« Il n'en reste pas moins vrai que ce sont bien des officiers français, venus pour beaucoup des rangs de la résistance au nazisme, qui, au nom d'une idéologie – l'anticommunisme et la défense des valeurs de l'Occident chrétien –, ont mis au point lors des guerres coloniales en Indochine et en Algérie des « méthodes de guerre » qui ont légitimé les pires sauvageries contre les populations civiles. Et ces méthodes, grâce à leur efficacité, sont devenues des modèles, voire des fins en soi, pour des chefs politiques, dictateurs et despotes (dans le tiers monde et en Russie) ou démocrates (aux États-Unis). Il s'agit là d'une vérité historique que la France officielle ne peut continuer à occulter, en invoquant encore et toujours la « raison d'État ».

« Or, dans ce domaine, le travail de mémoire et, surtout, de reconnaissance publique des responsabilités politiques, a tout juste commencé. Il a fallu attendre quarante ans pour que l'on parle enfin ouvertement des atrocités commises par l'armée française en Algérie. [...] »

Pour que ce travail de reconnaissance publique des responsabilités politiques puisse aller à son terme, signez et faites signer cet appel, disponible sur Internet à l'adresse :

http://www.nonabigeardauxinvalides.net/

Les trois autres parties de la vidéo de Marie-Monique Robin peuvent être vues en suivant les liens ci-dessous :

http://www.dailymotion.com/video/xg...

http://www.dailymotion.com/video/xg...

http://www.dailymotion.com/video/xg...

Notes

1- Le Monde, 6 octobre 2011 : http://www.lemonde.fr/politique/art....

2- Extrait du discours de Nicolas Sarkozy sur la place de France à Erevan : http://www.elysee.fr/president/les-....

3- Les Algériens n'ont pas oublié les enfumades du Dahra : http://boussayar. blogspot.com/2011/....

4- Saint-Arnaud fut également le grand ordonnateur du coup d'État du 2 décembre 1851.

5- Robert Badinter, «Les procès sont impossibles », Le Nouvel Observateur, 14-20 décembre 2000

6- Voir la justice argentine condamne d'anciens militaires pour des crimes contre l'humanité commis pendant la dictature.

7- La Découverte, 2004.

François Nadiras, initiateur de la pétition « Non à Bigeard aux Invalides », militant de la Ligue des Droits de l'Homme, Brahim Senouci, Maître de Conférences.

Un génie s'en est allé

 Oui assurément Abdou B était un génie, l'homme des 2 écrans et de la Chonique21, pour ceux qui s'en souviennent, était un homme libre, un vrai et un authentique AMAZIGH...qui, mieux que Abed Charef pouvait lui rendre hommage? c'est ce qu'il fait dans le QO du 5 janvier 2012, dont voici l'intégralité:
Abdou Benziane, un homme libre
par Abed Charef
Hommage à Abdou Benziane, journaliste, homme de télévision, passionné de cinéma, mais d'abord, un homme libre.


C'était fin 1990. Abdou Benziane, fraichement nommé à la tête de la télévision algérienne, devait adapter cette institution au nouveau paysage politique. Il fallait en modifier le statut, pour permettre une expression équitable des partis et des courants politiques, rendra la chaine plus attractive, ouvrir davantage la chaine à la société algérienne, tout en assurant une mission de service public.

Abdou Benziane convoque son DAG, et lui soumet l'idée. Celui-ci, hérité de l'ère du parti unique, refuse. « On ne peut pas changer le statut », dit-il, car « l'ancien statut a été signé par un ministre ; il faut donc un arrêté ministériel pour abroger l'ancien statut ». Mais dans le gouvernement de Mouloud Hamrouche, il n'y avait pas de ministre de l'information !

 Abdou suggère qu'il pourrait lui-même signer le nouveau statut.

- Impossible, réplique le DAG ? vous n'êtes pas ministre, vous ne pouvez pas signer un arrêté ministériel.

- Alors, le chef du gouvernement le signera, dit Abdou.

- Non, le président Chadli Bendjedid a établi la liste des décrets que peut signer le chef du gouvernement. Celui-ci n'y figure pas.

La discussion s'enlise. Les mêmes arguments sont répétés, mais tout ceci ne mène nulle part. Au bout de dix minutes, Abdou Benziane tranche. Il regarde un moment son DAG, puis déclare :

- J'ai trouvé. Je vais te limoger, toi, pour pouvoir changer le statut de l'ENTV!

Au-delà de l'anecdote, cette mésaventure traduit, en fait, toute la démarche et la manière de travailler de Abdou Benziane. Homme d'ouverture, ayant des convictions personnelles solidement ancrées mais n'excluant personne, Abdou Benziane était un homme de dialogue, de concertation, ayant un sens aigu de l'efficacité. Il discute, il aime le débat, mais il va aussi droit au but, n'hésitant pas à trancher dans le vif, quitte à se faire des ennemis.

C'était aussi un homme libre, à la limite du libertaire. Il n'avait aucun tabou. Aucune innovation ne lui faisait peur. Il pouvait se le permettre car cette liberté d'esprit s'accompagnait d'un solide attachement aux règles, et en premier lieu à la loi.

C'est ce qui lui a permis de briller lorsqu'il a dirigé la télévision algérienne, où il a bénéficié de trois facteurs qui n'ont jamais été réunis depuis.

D'abord, une compétence personnelle exceptionnelle, une connaissance des médias et de la télévision forgée à travers de longues années de pratique et de débats sans limite. C'était l'un des meilleurs professionnels, doublé d'une forte personnalité.

Ensuite, il a bénéficié d'une conjoncture politique rare. Abdou Benziane était, depuis longtemps, convaincu de la nécessité d'ouvrir les médias. Pour lui, c'était une évidence. Il s'est vu confier la télévision par un pouvoir qui voulait précisément, à ce moment, ouvrir les médias.

Enfin, Abdou Benziane a rapidement compris que le fonctionnement de la télévision devait être codifié, avec des règles faciles à appliquer. Une charte pour les journalistes, un cahier de charges, une grille qui essaie, dans la mesure du possible, d'intéresser toutes les couches de la population, et le tour est joué.

Avec ces ingrédients, il a réussi à mettre sur pied une télévision ouverte, attractive, qui avait une décennie d'avance sur les chaines les plus avancées du monde arabe. Mais Abdou Benziane n'a pas survécu au chef du gouvernement qui l'avait nommé. Un mois à peine après le départ de Mouloud Hamrouche, à l'été 1991, Abdou Benziane est relevé de ses fonctions, laissant une télévision qui n'avait pas achevé sa mutation. Ses successeurs vont rapidement démanteler les progrès que la chaine avait réalisés en deux ans.

C'est à ce moment aussi que Abdou Benziane avait eu sa première alerte cardiaque. Il s'en relèvera, et se remet rapidement à l'œuvre. Car, et c'est là un autre trait de caractère de Abdou Benziane, c'était un homme qui ne se sentait heureux que dans l'action. Il ne supportait pas l'oisiveté, la retraite, le repos, le congé. Il était tout le temps en mouvement. Certains disaient que c'était un anxieux : s'arrêter le rendait malade. Pour lui, il vaut mieux repartir à zéro plutôt que de s'arrêter à mi-chemin.

A La Nation, où j'étais son directeur –il avait été mon directeur général à la télévision, avant qu'on ne se retrouve tous les deux au Quotidien d'Oran, un des rares espaces de liberté à la fin des années 1990-, il n'était pas seulement le journaliste et le chroniqueur. Il était aussi le conseiller, l'animateur, l'homme qui aplanissait les difficultés et arrondissait les angles. Il avait une capacité étonnante à simplifier des situations compliquées, à réduire les problèmes à leur juste dimension.

Mais cette souplesse ne signifiait pas faiblesse. Sur les libertés, la démocratie, les Droits de l'Homme, il était toujours fidèle à son propre « cahier de charges ». Et c'est tout naturellement qu'après une nouvelle et brève parenthèse à la télévision, sous Rédha Malek, il fut amené, en 1999, à participer à la campagne du candidat qui lui paraissait incarner le mieux ces valeurs, Mouloud Hamrouche.

L'autre Abdou Benziane aimait la vie et le cinéma. Il aimait tellement la vie qu'il n'allait jamais au cimetière. Même pour dire adieu à des proches, comme Kheireddine Ameyar ou Bachir Rezzoug. A l'inverse, il voyageait beaucoup, et retombait toujours sur ses pieds pour trouver du travail là où, précisément, le voyage fait partie du boulot. Grâce à de solides réseaux, mais aussi grâce à son nom, il réussissait toujours à trouver le bon filon dans le monde du cinéma, de la culture et de la communication. Du festival de Cannes à l'exposition au musée du coin, il était dans tous les coups.

Il savait pourtant que ce n'était qu'un palliatif. Ses proches savaient que c'était un immense gâchis, de réduire un homme de cette envergure à de petites opérations de communication alors qu'il avait l'étoffe pour mener de grands projets. Comme engager le pays dans le pluralisme audiovisuel. Il en était tellement frustré que ça devenait chez lui une maladie.

Mais il avait tellement raison ! il y a vingt ans, il disait déjà que les chaines françaises, captées grâce à la parabole, étaient devenues des chaines nationales, car elles concurrençaient directement l'ENTV et contribuaient à forger l'opinion publique nationale. Aujourd'hui que l'opinion algérienne est livrée par Al-Jazeera et ses sœurs, en l'absence de chaines algériennes influentes, ces déclarations prennent toute leur importance. C'était l'ultime regret de Abdou Benziane : voir l'Algérie rater ce virage alors qu'elle avait été pionnière. Mais n'a-t-elle pas raté le virage de la démocratie après en avoir découvert la formidable saveur ?

20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...