jeudi 10 juillet 2014

L'autre défaite du 14 juillet



 A la lecture de l’article intitulé:

 "Cheikh Bouziane et Boubaghla au défilé du 14 juillet"

 j'ai reçu plusieurs commentaires à travers les réseaux sociaux et/ou par mail. Par commodité, j'ai décidé de répondre à celui envoyé par un ami de 44 ans. Un point de vue qui m'a interpellé, qui explique et justifie ma longue réponse et qui me permet de décliner les raisons profondes ayant motivées ma démarche. 



Bonsoir, cher ami Aziz.
La lecture de ta publication m'interpelle à plus d'un titre.
Je veux parler des drapeaux algériens qui vont descendre l'avenue des Champs Elysées, au grand dam de Mr le maire de Nice.
Lorsqu'en 1998, cette même avenue en était remplie juste après la victoire de la France au Mondial, tout le monde applaudissait, et lorsque cette année on sortit les drapeaux après les belles prestations des verts , des voix s'élevèrent pour condamner et interdire cela.
Petite revanche, je m'imagine la tête de Mr Estrosi , si toutefois il serait invité à la cérémonie.
Saha ftourek !!!!

 Mon cher Ami « Z H L »

Ton mail me fait un grand plaisir pour deux raisons: 
La première relève de ta grande amitié pour moi et tire sa substance du profond respect qui nous unit depuis bientôt 44 ans... et pas l'ombre d'une aspérité à l'horizon...

 La seconde s'articule autour des raccourcis que tu emprunte pour justifier ta jubilation que je comprends et que je respecte bien entendu...le propre du raccourcis est qu'il ne s’embarrasse d'aucun détail, il va droit au but...il se trouve que souvent on dit que le diable est dans le détail...pour ma modeste personne, surchargée d'émotions récoltées au travers de mes pérégrinations dans l'histoire tumultueuse de mon pays, autant je suis sensible à la présence des drapeaux brandis par des Algériens comme un défi à la face de tous les colonialistes et de tous sanguinaires, autant s'agissant de notre Armée Nationale Populaire, je trouve la démarche  totalement inappropriée et injuste vis à vis de notre histoire et de nos luttes et souffrances...ce ministre, ces 3 ou 4 généraux ou colonels et surtout ces 4 chérubins vont participer non pas à titre individuel, ce qui ce conçoit parfaitement, mais ils y seront en qualité de représentants officiels de la nation et de l'état algériens, celui de Boumaza Benabdallah et de l'Emir Abdelkader, celui de Fadhma N'soumer et de Didouche Mourad, celui de Larbi Benmhidi et de Benabdelmalek Ramdane...

 La participation au défilé du 14 juillet ne peut se faire sans un préalable, la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux...sans repentance, sans dédommagements et sans contrepartie aucune...une simple reconnaissance...à partir de là, tout deviendra possible...moi et les miens, avec des milliers de familles algériennes attendons juste de couvrir d'un linceul blanc les restes de nos martyrs...est-ce trop demander à la France? Est-ce trop réclamer à l'Algérie? 

Vois-tu cher ami, rien n'apaisera nos cœurs et rien ne nous fera taire, car il ne s'agit pas d'une simple coquetterie, mais d'un acte humaniste et juste qui participe du droit de tout un chacun au respect de son combat et au respect de sa dépouille, surtout si ce combat est juste, comme peut l’être le combat pour la liberté et l'émancipation...sinon ce n'est pas à nous à faire notre deuil, mais c'est à eux de se plier à cette exigence de mémoire...ou alors il faudra se résoudre à faire table rase du passé...ce qui, pour tous les patriotes relève du sacré...

En allant se fourvoyer dans cette fête du souvenir, nos soldats et nos enfants doivent savoir qu'ils nous blessent profondément et que désormais il va falloir que cette blessure devienne une ligne de démarcation...entre eux et nous…tu me parles d’une petite revanche et tu penses très certainement en foot-balleur. Qui t’en voudra, c’est dans l’air du temps. Moi je pense à ce lourd fardeau mémoriel, à ces combattants jeunes et vieux que j’ai vu partir et qui ne sont jamais revenus. Je penses aux frères Khalfa Brahim et Abderrahmane, dont j’ai ramassé les corps en lambeaux et que j’ai enterré de mes propres mains…jamais je ne pourrais oublier cette odeur de charogne aussi suffocante que douce…oui même en décomposition, la chair humaine dégage une très agréable odeur…je n’oublie pas et comment pourrais-je oublier ces ossements retirés du tréfonds de la grotte des Ouled Riah, 166 ans après leur mort atroce et 51 ans après l’indépendance de mon pays…eux aussi n’ont jamais eut de sépulture…par la faute de la France mais aussi par celle de l’Algérie…ce pays qui nous a valu tant de souffrances et qui à son tour nous inflige des souffrances et des humiliations inutiles et insupportables…

Bien sûr que je suis en jubilation lorsque des mains courageuses et innocentes déploient notre emblème dans n’importe quelle partie de l’univers. Cette jubilation prend une connotation très particulière lorsque l’emblème national est brandi à la face des colonialistes français, ceux par qui notre malheur perdure…par contre, lorsqu’il s’agit d’une manifestation officielle de la France, je ne suis pas d’accord que nous rejoignons le rang comme si notre histoire commune n’était qu’une succession de banalités et de pic niques mondains…

Entre la France et l’Algérie, il y a une histoire qui a été écrite en lettres de sang…ce n’est pas lors d’une « garden-party » que ce lourd contentieux sera réglé…mais autour d’une table de multiplications…l'Algérie pour laquelle sont morts des millions de patriotes a un devoir  sacré, celui de solder ses comptes avec la France coloniale...et le rôle des descendants de ces millions de victimes, ces enfants des tribus spoliées, de ces femmes et de ces jeunes filles déshonorées, de ces enfants amputés, irradiés, déscolarisés, enrôlés dans des combats qui n'étaient pas les leurs, trainés sur les champs de batailles qu'ils n'ont pas choisis est de rappeler sans cesse  la France et  l'Algérie ont un devoir de mémoire...nous sommes loin de ces petites revanches à la petite semaine...ceux qui défileront sur les Champs Élysées n'ont aucun mandat et aucune légitimité pour le faire au nom de l'Algérie...et la France, mieux que quiconque le sait parfaitement...
Aziz Mouats

 Grâce à l'amabilité de la LDH Toulon, dont je salue ici le courage et l'objectivité, je mets ici le lien qui permettra à ceux et celles qui trouvent "normal" que l'armée Algérienne participe au défilé du 14 juillet, le discours intégral de Robert Ménard, le maire proche du FN de la ville de Bézier...le discours est instructif à plus d'un titre.

http://www.ville-beziers.fr/votre-mairie/actualites/discours-de-la-ceremonie-commemorative-des-massacres-doran-du-5-juillet-1962

Cher ami
Bonsoir , je suis de tout cœur avec toi , comme je ne peux oublier ce que notre peuple à enduré pendant 132 ans. Chaque jour on découvre l'horreur , et la barbarie commises sur nos valeureux combattants , ou tout simplement des citoyens qui sont tombés entre les mains de ces tortionnaires .
Tu es bien placé pour parler de ces massacres , étant donné que tu les as vécus . Ton approche et ton regard sur cette participation , fusse-t/elle symbolique est on ne peut plus justifiée .
Je respecte ton avis . Ton ami " ZHL"

mercredi 9 juillet 2014

Cheikh Bouziane et Boubaghla au défilé du 14 juillet


A peine 9 jours après la commémoration " silencieuse" de la fête de l'indépendance, fête durant laquelle l'armée algérienne a brillé par un assourdissant silence, comme si la victoire contre l'armée française ne la concernait plus, voilà que l'ANP se trouve entrainée dans un traquenard. Le lieu: l'avenue des Champs Élysées, au cœur de la capitale de l'ex puissance coloniale. La raison: rendre hommage à ceux parmi nos grands parents et arrière grands parents qui, contraints et forcés, ont servis de chair à canon durant la première guerre mondiale...sous les couleurs de la France, la puissance coloniale de l'époque...

Çà et là, de nombreuses et parfois authentiques voix patriotiques tentent de nous convaincre que cette participation n'a rien d'exceptionnelle et qu'elle sera tout simplement symbolique avec une délégation composée d’un ministre, de 2 portes drapeaux en kaki et de 4 jeunes filles et garçons. Passe pour les portes drapeaux et le ministre, il sera très facile de trouver des officiers ayant la double nationalité, le ministre aussi, j’ai pas de noms en tête mais c’est parfaitement jouable…surtout que seul un esprit mal tourné pourrait penser à une double nationalité Franco Algérienne…loin de moi ce sectarisme de mauvais gout, en principe tous les Algériens ont le droit d’avoir une deuxième, voire une troisième nationalité…il suffit juste de naitre au bon endroit, au bon moment ou de descendre d’un couple mixte…moi mon problème ce sont justement les 2 garçons et les 2 jeunes filles. Et la première question qui vient à l’esprit serait de savoir sur quels critères allons-nous les choisir…car j’imagine qu’avec les insoutenables contraintes locales, et dans le cas où le concours était ouvert à tous les algériens et toutes les algériennes en âge d’être scolariser, il y aura au bas mot 10 millions de candidatures…alors comment les départager sans ouvrir grandes ouvertes les voies de la suspicion…je vois déjà les vociférations dans les chaumières de Stora et de Sidi Lahcen…on est déjà bien loin de l’unanimisme de façade puisque l’Allemagne a eut la bonne idée de ridiculiser le Brésil et de faire remonter à la surface le vieux patriotisme footballo- dépendant…Nous n’allons tout de même pas laisser se lever les germes de la Fitna, d’autant que la chaleur et le ramadhan semblent être parvenu à réduire la tension sur le front de Ghardaïa. Nous avons donc à peine 5 jours pour trouver les 4 bonnes têtes qui iront se prosterner devant l’arc de triomphe… et le drapeau tricolore sous lequel se sont commis durant plus de 132 ans – allusion aux essais nucléaires post indépendance de Reggane, mais pas seulement- les pires massacres des «populations indigènes». Tout compte fait, parmi les 10 millions de postulants au défilé du 14 juillet, combien y-en-aura-t-ils qui connaissent les massacres coloniaux dont s’est rendue coupable l’armée française ? Assurément aucun, puisque 52 ans après le départ contraint et forcé des troupes et de la colonisation françaises, les crimes coloniaux ne sont enseignés dans aucun des paliers de l’éducation nationale, ni à fortiori à l’université. C’est pourquoi, pour ces 4 filles et garçons, je ne sais pas le pourquoi de la parité puisque dans aucune armée au monde elle n’est présente, les appréhensions et les rares récriminations qui se font jour ici et là sur les réseaux sociaux, ne changeront rien à l’affaire. La normalisation sans le moindre début d’une reconnaissance est engagée depuis fort longtemps.

Les parapluies de la honte
Elle est dans l’air du temps depuis le jour où l’Algérie combattante et la France battue se sont juré de tout faire pour cultiver l’amnésie et surtout pour protéger les criminels de leurs forfaits. Comme je sais que pas plus les militaires algériens que les Tunisiens ou les Croates ne cultivent le sens de l’humour, je ne vais tout de même pas les taquiner ici et maintenant. Une fois à Paris, ils auraient torts de ne pas profiter pour une fois des largesses de l’ex puissance coloniale. Depuis quelques jours, je scrute attentivement la météo sur Paris, de peur que le 14 juillet, c’est souvent arrivé, il se mette à pleuvoir. Là ça sera la pire des catastrophes, car la France qui sait être généreuse ne pourra ne pas offrir à ses hôtes des parapluies. Si cette histoire de parapluie ne vous dit rien c’est que vous êtes un très bon élève. Donc vous pouvez légitimement postuler au voyage parisien et vous goinfrer de sucreries et autres biscuits dont l’intendance militaire regorge…avouons-le pas seulement en France…c’est ça aussi l’amitié entre les peuples : partager la même passion pour les parapluies et pour la pâtisserie, ça rapproche énormément. Cultiver l’amnésie ça soude. C’est pourquoi, même s’il ne fait peur qu’aux mnésiques, le défilé du 14 juillet est porteur d’un message codé. Ceux qui savent s’abriter de la pluie ne sont pas obligés de le déchiffrer, il ne leur sera d’aucune utilité…pour les autres, l’histoire n’a pas d’états d’âmes...elle n’est faite que de convictions…cependant, je reste persuadé que par delà les récriminations et les faux alibis, ce voyage devrait être mis à profit pour que les 4 jeunes garçons et filles reviennent au pays avec des souvenirs si possibles qui vont marquer leur vie. Rien ne vaut des cadeaux originaux, une statuette de la tour Eiffel ! Non c’est tellement banal ! Alors une réplique au 1/100ème des canons bien de chez nous qui ornent la cour des Invalides ! Non, les Invalides rappellent de récents souvenirs…alors quel est le cadeau qui sans trop saigner le térsor français ferait plaisir aux Algériens, y compris à Saïd Abadou, le dernier des Mohicans de la guerre de libération, qui en gardien sourcilleux du temple en péril a dit niet à la participation…

Le cadeau le plus original et le plus précieux
« Bou-Zian, son fils et le chériff Si Moussa, retrouvés parmi les défenseurs, furent décapités et leurs têtes exposées au camp afin que tous les Arabes sussent bien que les fauteurs de l’insurrection avaient payé de leur vie leur incroyable présomption.
« Après avoir été exposées pendant deux jours au camp sous Zaatcha, ces têtes furent également exposées au marché de Biskra, où tous les Arabes des Zibans et de l’Aurès s’étaient donné rendez-vous. 
Source: http://ldh-toulon.net/les-restes-mortuaires-de.html

Oui ça serait pas mal mais il ne faut pas que ça saigne la France qui peine à sortir la SNCF du pétrin, ça on est bien d’accord. Un cadeau ? Oui, mais pas saignant ! Moi je vous dis le cadeau le moins saignant devrait être un cadeau qui ne coutera pas un dinar branlant au trésor Français. Très franchement, je pense à cette pétition qui peine à se faire entendre, appelant le président de la France à restituer les têtes de nos vaillants ancêtres qui ornent les galeries du muséum d’histoire naturelle. Comme nos 4 chérubins ne connaissent rien à cette histoire, on pourrait leur dire qu’il s’agit de masques anciens dont la France veut se séparer sans aucun regret. Depuis le temps qu’ils encombrent ostensiblement les rayonnages du muséum d’histoire naturelle, ils ont dû lasser non ? Et puis, ces  enfants nés sous une bonne étoile auront ramené sans doute le cadeau le plus inattendu, le plus original, puisqu’en exemplaire unique et incontestablement le plus précieux. Franchement, si ce défilé si décrié et si controversé pouvait se conclure par le retour des têtes de Cheikh Bouziane des Zaatcha, du Cheikh Boubaghla et ses compagnons de lutte, ce voyage n’aura pas été vain…ça serait le plus cadeau que la France officielle fera à l’Algérie éternelle…celle qui n’a aucune prédisposition à l’oubli…avec quelques amis, nous serions disposés à racheter à l’Etat Français ces dépouilles. Il suffit qu’elle en fixe le prix, comme ses généraux sanguinaires l’ont toujours fait en Algérie…mais garder le silence sur nos souffrances et continuer à exposer à la face du monde ces visages héroïques, c’est soit de l’entêtement, soit tout simplement du mépris…et ça c’est insupportable. Même contraints et forcés – ce qui reste à prouver-, la délégation algérienne au défilé du 14 juillet ne peut négocier ce minimum patriotique. Elle a le choix entre revenir avec les parapluies de la honte qui ont déjà servis en 1936 et les têtes momifiées de nos héros…et dans ce cas, nous serions des milliers – et pas que des Algériens- à nous saigner pour payer le supplément bagage !
Aziz Mouats




La prise de l’oasis de Zaâtcha en 1849
« [...] la grande affaire africaine de l’année : le siège et la prise de l’oasis de Zaatcha par plusieurs puissantes colonnes sous le commandement du général Herbillon. La résistance a duré deux mois, les Français ont eu 1500 tués et blessés “sans compter les victimes du choléra”. Zaatcha restera dans les annales de la conquête comme l’un des combats les plus meurtriers. Canrobert, qui y a pris une part glorieuse, évoque la prise de Constantine. L’assaut s’est terminé par un massacre général, qui a donné lieu à des “scènes déplorables”, racontées par un témoin, Baudricour : “Les zouaves, dans l’enivrement de leur victoire, se précipitaient avec fureur sur les malheureuses victimes qui n’avaient pu fuir. [...] Il est très fâcheux que les officiers ne soient pas plus maîtres en expédition de leurs troupes d’élite qu’un chasseur ne l’est d’une meute de chiens courants quand elle arrive avant lui sur sa proie. Sans doute l’ennemi vaincu tremble davantage en présence de pareils actes, mais aussi sa haine devient implacable contre le vainqueur.” Heureusement, le colonel Dumontet, du 43e de ligne, a une vision plus optimiste de l’événement : “L’élan de nos soldats a été admirable... Le sévère châtiment infligé à cette oasis a produit un salutaire effet.”
François Maspéro, L’honneur de Saint-Arnaud
Source: http://ldh-toulon.net/les-restes-mortuaires-de.html

dimanche 6 juillet 2014

Où est la fête de l'indépendance?


Qui a arrêté la fête de l’Algérie ?
Il y a 52 ans et des poussières que l'Algérie a gagné son droit à l'indépendance...le 5 juillet 62, j'avais tout juste 12 ans et je suis descendu en ville. Nous, les Mouats, nous étions restés au Béni Mélek, dans la ferme de Roger Balestrieri. C'est lui qui nous avait hébergés dans une vieille mansarde lorsque l'armée française était venue détruire notre mechta à Sidi Ahmed...A la ferme, depuis le 19 mars 62, jour du « Cessez-le-feu », nous avions dressé le drapeau Algérien que j'avais ramené depuis la ville. C'est ma tante Zaghda qui l'a fait confectionner dans le vieux quartier en tôles du faubourg...puis, avec le temps et les embruns, le drapeau avait pris des couleurs plus ternes...c'est pourquoi, arrivé au niveau du quartier Arabe " Z'kak Arabe" j'ai été déçu de voir que les drapeaux qui ornaient toutes les fenêtres avaient des couleurs bien plus éclatantes que le notre à la ferme...aujourd’hui, à minuit passée de quelques minutes, là, dans ce jeune quartier de Mostaganem, mis à part l'immense drapeaux barrant la rue en l'honneur de l'équipe de football, toutes les fenêtres sont restées fermées...pourquoi la joie de 1962 n'a pas fait des petits? Et pourquoi il a fallu un bosniaque pour que notre président sorte de sa tanière? Il n’en a pas mare d’être au pouvoir? Il n'a pas honte de supplier un Bosniaque de rester afin que notre emblème national sorte dans la rue, comme en 62?

Des collabos aux premières loges
Je jure que le 5 juillet 62, du haut de mes douze ans, je croyais que la fête ne s’arrêtera jamais, je croyais que la générosité et l'amitié ne quitteront jamais ce pays...je pensais sincèrement que jamais plus nous nous chamaillerons comme de vulgaire petits délinquants....je croyais que réellement nous allions enfin former un seul peuple et que nous allions avoir les mêmes droits...mais c'était un rêve insensé....et le comble c'est que j'ai mis du temps, beaucoup de temps pour m'en rendre compte...car il y avait des indices qui ne trompent pas. J'ai vu des collaborateurs des l'administration coloniale acheter des tenues militaires flambants neuf auprès des tirailleurs Sénégalais de la caserne Mangin, à la porte de Constantine...ensuite ils passaient parader à travers les artères de la ville et les quartiers arabes...je me souviens des noms....elle est très précise et bien redoutable la mémoire de l'enfant que j'étais...j'ai aussi vu un certains Moulay, qui roulait dans une 2CV, qui était armé et qui a passé toute la guerre à nous insulter et à faire le Byya3 auprès de la police...entre temps, il avait servi dans le corps de la Force Locale...je le connais très bien parce que son vieux voisin était berger chez lui et c'est à Sidi Ahmed qu'il emmenait son troupeau tous les matins...comment faisait-il pour avoir un troupeau aussi important? puis une fois passée l'euphorie des premiers jours, les drapeaux prenaient inexorablement, comme s'ils s'étaient donné le mot, la même couleur que mon drapeau du 19 mars...les couleurs vives des premiers jours cédaient de leurs splendeurs sous les effets conjugués du soleil et du temps...ainsi c'était donc ça l'indépendance?

La dernière Zerda
A l'automne, nous avions renoué avec le rituel de la Zerda de Sidi Ahmed. Un rituel dont nous avons été privé durant les sept années de guerre. La dernière Zerda remonte à l'automne 1954, quelques semaines à peine avant le 1er Novembre. Avec mon père, nous avions visité tous les stands. je me souviens des boites de "Gagnant", ces gâteaux succulent de l'Alsacienne que l'on achetait en paires. Les deux gâteaux étaient retenus par une bande de papier et lorsque nous les séparions, on pouvait parfois gagner une boite plus grosse...je crois que c'était une double rangée de 4 gâteaux...plus tard j'ai appris que la paire gagnante était glissé dans le carton par le vendeur...et qu'il arrivait que personne ne gagnait, ce qui permettait au vendeur de revendre les cadeaux...mais j'avoue que les gâteaux de l'Alsacienne étaient succulents, c'étaient mes premiers biscuits...ma mémoire garde encore cette saveur particulière...avec le temps, la Zerda a commencé par perdre de sa splendeur. En effet, après l'indépendance, plus personne n'avait réellement le cœur à faire la fête. ce n'était ni faute de gâteaux, ni faute de drapeaux...
Mes oncles Rabah et Salah qui se relayaient pour m'emmener à la fête n'étaient plus là...mon père et surtout mon grand père Moha, le plus sage d'entre nous tous, celui qui m'avait initié à l'action caritative dès mon plus jeune age...n'étaient plus. C'était lui patriarche et l’âme de la famille. C'est lui qui organisait la fête, qui distribuait les bougies et l'encens à tous les visiteurs du marabout Sidi Ahmed, notre ancêtre...c'était lui qui allait acheter les boucs ou les veaux pour le sacrifice...depuis le marché d'El Arrouch...leur absence qui durait depuis le 23 aout 1955 se prolongeait à l'infini.

Le grand mensonge
Sept années durant, tous le monde nous faisait croire que nos 23 prisonniers étaient encore en vie. Mais une fois les drapeaux déteints, une fois que le vert se noyait dans le rouge et que le croissant et l'étoile n'étaient plus qu'une tache improbable, il fallait se rendre à l'évidence...les prisonniers ne reviendront pas. Pendant 7 longue années, moi, ma sœur, mon frère, mes cousins et cousines, une quarantaine d'enfants de tous âges, nous avions cru que nos oncles, pères et grand pères allaient revenir. Mais ils ne sont jamais revenus. c'est peut être pour ça que les couleurs des drapeaux de l'indépendance n'ont pas tenus la route....plus de 52 ans plus tard, en cette chaude nuit de juillet, me reviennent ces images d'une grande joie que le temps a transformé en une longue tristesse. Rien ne s'est arrangé depuis. 52 ans plus tard, mon pays ne sait pas fêter son indépendance. Parfois je me demande si c'est une malédiction. Parfois je me résous à penser que nous n'en sommes pas encore dignes...pourtant, malgré toutes les assurances,  ceux qui sont morts ne sont pas revenus...et s'ils revenaient? Ils sauront très vite que nous ne sommes même plus capables de faire une fête où tous le peuple algérien serait partie prenante...c'est loin d’être gagné...ah si pour une fois je pouvais ne pas avoir raison…
Aziz MOUATS

vendredi 4 juillet 2014

La variabilité de la structure secondaire de l'ARN : une deuxième couche d'information génétique



 Un article d'une grande actualité et qui a le mérite de faire de précieux rappels de génétique. Destiné naturellement à mes étudiants de master pour meubler judicieusement leurs longues et parfois imméritées vacances, il fera le bonheur de celles et ceux qui voudraient se remettre à jour.

Génétique

La variabilité de la structure secondaire de l'ARN : une deuxième couche d'information génétique



Vous avez tous déjà entendu parler de l'ADN, ces molécules d'acide désoxyribonucléique qui codent l'information génétique contenue dans nos cellules. Les régions dites codantes de l'ADN sont d'abord transcrites en acide ribonucléique (ou ARN) avant d'enclencher la synthèse des protéines. Cette synthèse dépendra d'ailleurs non seulement de la séquence de l'ARN, mais aussi de sa structure. A tel point que celle-ci est considérée comme une deuxième couche d'information pour la synthèse protéique, venant s'ajouter au code génétique présent dans l'ADN. Toutefois, à ce jour, le rapport entre séquence et structure de l'ARN demeure méconnu. Les travaux menés par le laboratoire du professeur Eran Segal de l'Institut Weizmann des sciences, en collaboration avec l'équipe du professeur Howard Chang de l'Université de Stanford (Etats-Unis), s'attaquent à cette lacune. Leur dernière étude, probablement la plus complète réalisée sur la structure de l'ARN humain, a été publiée dans la très prestigieuse revue scientifique Nature.

La structure secondaire de l'ARN

Tout comme l'ADN, l'ARN présente un alphabet à quatre lettres. Mais, si pour l'ADN cet alphabet est constitué par les bases A (adénine), C (cytosine), G (guanine) et T (thymine), cette dernière a été remplacée par l'uracile (U) dans l'alphabet de l'ARN. Ces quatre bases sont complémentaires deux à deux. En effet, la guanine et la cytosine ainsi que l'uracile et l'adénine peuvent s'apparier (se lier entre elles). C'est cette capacité d'appariement qui est à l'origine de la formation de structures secondaires au sein de l'ARN. Par exemple, des séquences répétées inversées peuvent s'apparier pour former localement une structure en double hélice. La région se trouvant entre ces deux séquences formera alors une boucle. L'ensemble "double hélice + boucle" est communément qualifié de structure en "épingle à cheveux" et est l'un des composants essentiels de la structure secondaire (structure résultant d'appariements internes) de l'ARN. Notons qu'il existe également une structure tertiaire de l'ARN, imposée par des interactions longue distance, notamment entre boucles.

 





Exemple d'une structure secondaire d'ARN
Crédits : Fdardel

 





Contrairement à nos accessoires de coiffure, la structure secondaire de l'ARN avec ses belles épingles à cheveux n'a pas qu'un intérêt esthétique. En effet, cette structure secondaire influe sur la protéine qui va être traduite à partir de l'ARN. Par exemple, pour les cellules eucaryotes (chez qui l'ADN se trouve à l'intérieur d'un noyau cellulaire), des bouts d'ARN, appelés exons, sont coupés avant la synthèse protéique : on parle d'épissage. Et la structure secondaire de l'ARN n'est pas sans influence sur ce phénomène. De même, les zones de début et de fin de traduction de l'ARN en protéine ne sont pas seulement déterminés par la présence de codons (ensemble de trois bases) spécifiques sur la molécule d'ARN, mais également par la structure secondaire de ce dernier.

Au vu de cet important rôle de la structure secondaire de l'ARN dans la synthèse protéique, il apparaît essentiel de comprendre précisément comment elle se constitue. C'est pourquoi de nombreux algorithmes et outils informatiques ont été développés, permettant notamment de proposer une structure secondaire pour une molécule d'ARN à partir de sa séquence. Bien que les résultats obtenus soient prometteurs, de nombreux points restent à élucider. Parmi eux, l'effet du polymorphisme nucléotidique (variation au niveau d'un seul nucléotide/base de la molécule d'ADN/ARN) sur la structure secondaire. Ce polymorphisme nucléotidique peut-il présenter une influence notable sur la structure secondaire de l'ARN ? Si oui, est-il possible de prédire si un polymorphisme nucléotidique portera ou non à conséquence ? C'est à ces problèmes que se sont attelées les équipes des professeurs Eran Segal et Howard Chang.

Etude extensive de la structure secondaire de l'ARN chez trois individus

Pour répondre à ces interrogations, les chercheurs ont déterminé toutes les structures secondaires d'ARN existantes dans un type de cellules donné chez trois individus. Pour cela, ils ont utilisé une technique récente, développée et brevetée par le laboratoire du professeur Eran Segal en 2010. Cette méthode a été utilisée sur plus de 160 millions de fragments d'ARN pour chaque individu. Un travail faramineux !

Les trois individus de l'étude n'ont pas été choisis au hasard mais il s'agissait d'un trio familial (père, mère et leur enfant). Une telle configuration est idéale pour l'étude du polymorphisme nucléotidique. En effet, le polymorphisme nucléotidique ne se produit pas n'importe où dans la séquence mais plus particulièrement au niveau de certains nucléotides présentant une très grande variabilité dans la population. Avec un si fort taux de variabilité, il est probable que l'enfant hérite de deux versions différentes de la séquence, chacune se retrouvant chez l'un de ses parents.

Un lien fort entre séquence et structure

Cette extensive étude de la structure secondaire de l'ARN a confirmé la forte dépendance de cette dernière avec la séquence, la majorité de l'information structurale étant codée par la séquence de l'ARN. Une bonne nouvelle pour tous les bioinformaticiens essayant de proposer une structure à partir de la séquence de l'ARN ! Ces travaux ont également montré qu'approximativement 15% de tous les polymorphismes nucléotidiques observés altéraient la structure secondaire de l'ARN. Ces polymorphismes nucléotiques ayant des conséquences structurales portent le doux nom de RiboSNitches. Outre l'estimation de la prévalence de ces RiboSNitches, cette étude a également permis de mettre en évidence un ensemble de règles simples permettant de déterminer, en fonction de sa localisation sur la séquence, si un polymorphisme nucléotidique rentrera ou non dans la catégorie des RiboSNitches.

Cette étude présente donc un impact scientifique majeur. Elle a permis de mieux comprendre l'influence du polymorphisme nucléotidique sur la structure secondaire de l'ARN en mettant en évidence et en prédisant la présence de RiboSNitches. Pour les chercheurs, ces RiboSNitches pourraient éventuellement être impliqués dans différentes pathologies telles que la sclérose en plaques, l'asthme ou encore la maladie de Parkinson.
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source : http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/76321.htm
 
Pour en savoir plus, contacts :                                
- Le laboratoire du professeur Eran Segal : http://www.wisdom.weizmann.ac.il/~/eran/
- Le laboratoire du professeur Howard Chang : http://changlab.stanford.edu/
- L'ARN : http://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_ribonucl%C3%A9ique
- Le polymorphisme nucléotidique : http://fr.wikipedia.org/wiki/Polymorphisme_nucl%C3%A9otidique         Code brève ADIT : 76321                                      
                                                              Sources :                                                                    - Wan Y., Qu K., Cliff Zhang Q., Flynn R.A., Manor O., Ouyang Z., Zhang J., Spitale R.C., Snyder M.P., Segal E., Chang H.Y. (2014), Landscape and variation of RNA secondary structure across the human transcriptome. Nature Letters, 505, 706-709. http://www.nature.com/nature/journal/v505/n7485/pdf/nature12946.pdf
- "This Bump Means "Start"", Weizmann Wonder Wander, 15 mai 2014 -
http://redirectix.bulletins-electroniques.com/9e1TL                                                                                                        
Rédacteurs : Coralie Ebert, Volontaire internationale chercheuse à l'Institut Weizmann              

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