mercredi 9 février 2011

Guérir par les langues…étrangères



Rencontre très sobre sur un sujet complexe ce matin (8 février 2001) à la faculté des lettres de Mostaganem. Grace à la douce insolence de Bakhta Abdelhay, la très intime salle de conférence a été le théâtre de débats sérieux, profonds, rigoureux, instructifs et par moment exubérants. Drapée dans un contre jour éclatant, l’organisatrice avait à peine fait les présentations que le public trié sur le volet entra dans une profonde méditation. C’est Fouzia Benderdouche, de l’université de Paris 6 qui entamera tambour battant sa conférence sur l’enseignement-apprentissage des langues et l'évaluation. 

 C’est par elle que nous apprendrons qu’un pays grand comme la France vit sous la terreur du B2 ! Un machin européen, donc transnational, qui permet à tous ceux qui cherchent un emploi de le trouver en voyageant. Mais voilà, pour voyager il faut connaître la langue du pays, comme l’Europe a autant de langues que de peuples, fort intelligemment, elle a adopté une langue universelle. Sans trop s’éterniser en conjectures, le choix sur la langue de Shakespeare fera l’unanimité.
L’unanimité, il en sera beaucoup question lors de la table ronde. Fouzia Benderdouche aura également parlé de mutualisation. L’UE a donc crée, en toute conscience un système de classification pour identifier les niveaux de maitrise de la langue anglaise. Car pour l’Europe, se mettre ensemble c’est bien, parler une même langue c’est vital. Car ça permet la mobilité pour tous mais surtout pour les étudiants. Une sacrée molécule pour dissoudre le chômage. Il suffisait juste d’adapter les doses afin qu’un Lituanien et un Portugais puissent travailler chez le hongrois Skoda sans oublier de faire la fête. Intelligents ces européens! Qui pour contourner la triche, une pratique très bien ancrée chez les nouveaux arrivants de l’Est; mais également chez les peuples de la méditerranée, comme nous, les marocains, les libyens, les tunisiens…,
Non pas les tunisiens ! Ils sont en pleine révolution…et ne veulent plus voyager sinon pour retourner au bled !

La démocratie au bout de la langue
Pour les européens donc, l’unique visa s’appelle B2. Il correspond à une bonne pratique de l’Anglais telle qu’elle se fait à la fin du secondaire. Avant le B2, il y a les stades A1, A2 et B1,  après ça se corse avec C1 et C2, indispensables à la recherche. Ça a le mérite de la clarté et de l’efficacité. Chez nous aussi il y a un B2 qui sévit à l’occasion des élections. Il aide à les rendre insipides, injustes et vulgaires (voir le Boussayar ci-dessous à titre de rappel).
Le professeur Mohamed Miliani, de plus en plus à l’étroit à l’université d’Oran, est venu nous rappeler nos rendez-vous manqués. Se référant à ses propres travaux et à ceux de J. Munby (Munby, J. 1978. Communicative syllabus design. London: Cambridge University Press), il articulera son intervention sur la nécessité d’identifier nos déficits linguistiques afin d’aborder leur résorption en focalisant sur des objectifs de formation qui  soient spécifiques, académiques ou professionnels. Il s’agit dira-t-il de «ne pas dénaturer la fonction de l’université et surtout, veiller à ne pas la transformer en CFPA ». C’est là un propos qui dénote de la persévérance du du chercheur. 
Pour moins que ça, d’autres ont préféré quitter le navire. Tant pis pour eux. Car ceux qui nous ont vraiment manqué, à l’instar de Fouzia Benderdouche, nous nous honorons de les accueillir à cœur ouvert. Ceux-là savent combien nous les aimons et respectons. Et surtout combien ils sont utiles. Une fois n’est pas coutume, ils peuvent revenir sans B2 ! Pas celui qui permet le sésame des voyages transeuropéens, non celui qui ouvre les portes à la médiocrité nationale. Il est toujours en vigueur et pour longtemps, semble-t-il. Sauf si samedi prochain, le peu d’élite qui nous reste décide de se relayer pour dire : « à mort le B2 local et bienvenue au B2 européen ». Car ce dernier ne peut que ramener dans son sillage l’émancipation, la rigueur, la mutualisation, la compétence, la performance et la démocratie. Tous les ingrédients d’une Nation, forte, homogène et lucide.

Vivement l’épreuve du B2
C’est à ce prix que l’université gagnera en maturité et en efficacité. Pour y parvenir, nul besoin de recourir aux bureaux d’études étrangers; puisque ces derniers confient leurs travaux à l’expertise indigène, il va de soit qu’une autre gouvernance moins tribale aurait abolie le B2. Car de l’avis unanime des présents, depuis l’agronome Wahab Mokhbi en passant par Braiek Saâdane, Abbès Bahous, Kamel El Korso ou Med Miliani, il serait grand temps de revenir à une démarche pragmatique dont ne serait exclue aucune compétence nationale, afin de guérir les maux de ce pays…, par la langue…
Oui, les langues sont le meilleur remède contre la médiocrité envahissante. C’est par elles que l’on entre dans les sciences, les mathématiques, la physiologie ou la médecine. L’expérience du Pr Benderdouche telle que rapportée dans cette table ronde en est la preuve éclatante. C’est aussi par elles que l’on voyage à travers le temps et à travers les peuples. Les européens l’ont compris, ils ont codifié les 6 étapes à franchir par tous. Chez eux, le B2 marque le passage à l’âge adulte avec à la clef, la possibilité de se mouvoir partout. Ici, le B2 sert à briser toutes les compétences et les bonnes volontés… Il est temps de l’adapter aux nouvelles exigences, car rien n’est plus redoutable qu’un B2 orphelin confié à une famille d’accueil dépourvu de bon sens et de patriotisme. N’oublions pas que les plus téméraires parmi nous, ces Harraga qui bravent, en conscience, tous les dangers, ne sont que des Algériens « qui ne se positionnent plus dans leur société ». La définition aussi subtile qu’élégante est du professeur Mohamed Miliani. En visionnaire, forcément mal aimé, il suggère dans une première étape, le retour à un ministère unique pour l’éducation nationale. N’en déplaise à Benbouzid et à Harraoubia, l’épreuve du B2 leur sera fatale…, et ce ne sera que justice.

Voici la chronique publiée dans El Watan dans son édition du 18 avril 2007
La tyrannie du « B2 »
Le B2 n’est ni un vaisseau spatial, ni une nouvelle molécule. Il est l’arme absolue contre tous les gêneurs. Invisible, inaudible, incolore, inodore, il est atrocement efficace contre les casse-pieds. N’épargnant personne, il cultive le sens de la générosité et de l’équité.
En ce sens, le B2 peut se targuer d’être démocrate. Mais, à l’opposé de son grand frère, le B3, le B2 ne supporte ni la lumière, ni la contestation. Discret jusqu’à l’étouffement, il ne sévit que lorsque l’équilibre est menacé. Si quelqu’un perd la tête, ce qui arrive souvent en période pré-électorale, le B2 n’a pas son pareil pour le calmer et l’éloigner à jamais de la sphère convoitée. Vous demandez la main de la fille d’un potentat à la retraite, le B2 est là pour vous rappeler que votre circoncision n’a pas été effectuée par Si M’barek. Vous voilà éconduit sans ménagement. Et sans aucun recours possible ! Car personne n’aura idée de vous aider à la mise en conformité de votre circoncision ! En 1927, vous aviez à peine 3 jours, vous étiez au bord de l’Aïn Sefra en crue et vous n’avez pas porté secours aux victimes. Personne ne s’en souvient autour de vous. Tous les témoins sont partis, seul le B2 est là pour vous le rappeler, au moment où vous souhaitiez entamer, à 80 berges, une carrière d’élu municipal, dans l’unique souci de corriger le cours de l’Aïn Sefra. La preuve que les oueds ont une mémoire, le B2 est là pour vous en dissuader. Car le secret du B2 est qu’en plus de sa perspicacité, sa mémoire est non seulement infaillible, mais illimitée. Ne supportant pas la lumière, c’est à l’ombre qu’il devient prolifique. Le B2 c’est comme un bon vin. Dans une cave sombre, il ne peut que s’améliorer. Une fois sorti, il faut de suite le consommer. Avec modération, car une seule goutte et c’est la mort assurée. Ceux qui l’on testé à la faveur de la course aux candidatures l’auront appris à leur dépens. Car le B2 n’a pas encore d’antidote. Un intarissable sujet de recherches pour élites en voie d’extinction.



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