mardi 28 juin 2011

Mohamed Moulesshoul au secours de Yasmina Khadra


Trop longue…bien trop longue la réponse de Yasmina Khadra. A mon avis, s’il s’était limité au dernier paragraphe celui que je surligne en vert, ça aurait donné de la hauteur, de la consistance et de la profondeur, voire du panache, que dis-je ! de l’élégance à la réplique de Yasmina Khadra. Hélas, comme un fauve blessé, il a foncé tête baissée dans le petit cagibi de Kamel, pensant le défoncer une bonne fois pour toute…c’est loin d’être gagné…c’est au moins la preuve que même en étant un grand et richissime romancier, on a toujours besoins d’un agent de communication…Désolé de le rappeler ici, Yasmina Khadra a laissé parlé la canonnière de Mohamed Moulesshoul…du pain béni pour Kamel Daoud, dont la réplique ne pourra ne pas être fulgurante…excellent pour lancer le débat de l’été…2011…celui de la révolution Arabe qui est l’invitée surprise de cet échange épique…Boussayar


Droit de réponse de Yasmina Khadra
Il est des gens qui, si on venait à étaler sous leurs yeux toutes les splendeurs de la terre, n’y verraient que leur propre laideur. La nuit est en eux. Telle la Vallée des ténèbres, le cauchemar officie jusque dans le cadet de leurs soucis.
Un peu comme les vautours attendant la curée, ils fourbissent leur bec nauséabond pareils aux bourreaux leur hache et guettent le moindre remous pour sévir. Ceux-là sont pires que les calamités, pires que tout. C’est par eux que les malheurs arrivent. Ils croient défendre la veuve et l’orphelin en leur faisant de l’ombre. Ils croient incarner une conscience alors qu’ils n’ont même pas une. Ils sont le tort claironnant, la mauvaise foi en marche, et ils charrient dans leur sillage la misère mentale de toute une nation. Et lorsqu’ils s’attaquent aux baobabs, ils se veulent bûcherons tandis qu’ils ne sont que des termites. Ainsi court le monde à sa perte. Votre indignation tonitruante me déçoit, monsieur Daoud. J’ai du chagrin pour vous. Le seul journaliste que je recevais chez moi, le SEUL, c’était vous. Je croyais avoir trouvé dans votre pugnacité de la probité.
Je me rends compte que je me suis trompé. Ainsi, c’est tout ce que vous avez retenu de mon entretien dans Liberté : le prix bahreïni, le prix maculé de sang, et un probable marché à conquérir ? Je ne suis pas un homme d’affaires, je suis romancier. Si je voulais l’argent, jamais je n’aurais accepté de diriger le Centre culturel algérien à Paris pour vous défendre, VOUS, et tous ceux en qui je crois. Je suppose qu’être Algérien, c’est être parfois daltonien. Vous vous octroyez le droit de donner des leçons à vos maîtres et vous ne les retenez pas. Parce que vous disposez d’une tribune, vous vous élevez au rang du despote et vous déversez votre fiel sur ceux que vous n’égalerez jamais. Ni en intégrité ni en labeur. A partir d’un grain de sable, vous déclenchez l’avalanche. Un prix bahreïni, et je redeviens le militaire sanguinaire, le scribouillard du régime, l’opportuniste invétéré, le traître, le complice des assassins… Que connaissez-vous du Bahreïn ? Les amalgames médiatiques qui nous ciblent encore, nous les Algériens ? La manipulation, la désinformation qui a réduit notre pays à un dépotoir interlope, à un coupe-gorge et un vivier de la barbarie ? Je vous croyais aguerri, alerte, et vous réagissez au quart de tour comme une bombe artisanale. Avez-vous été à Bahreïn, savez-vous de quoi il est fait, ce que sont ses torts et ses points forts ou bien vous contentez-vous de réinventer le monde à partir de votre cagibi, entre deux verres de thé et une bouffée de chaleur ? Aucun pays n’est parfait. Surtout lorsqu’il a le malheur d’être riche. Et d’être convoité par des prédateurs de tout poil. Et puis, laissez-moi le temps de rentrer de Manama. J’ai dit dans Liberté que j’allais m’y rendre pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Ne soyez pas impatient de me clouer au pilori. Généralement, ce genre d’inimitiés est un plat qui se mange froid. Mais je parie que vous n’auriez pas tenu une minute de plus pour sortir votre tronçonneuse et me tailler un costume en sapin à la manière des croque-morts. Quelle pitié! Voyez-vous, cher ami, contrairement à vous, je ne prends pas pour argent comptant ce que racontent les médias.
Je réfléchis là où vous réagissez de façon épidermique, voire haineuse. Pour votre gouverne, j’ai reçu le prix bahreïni, il y a des mois déjà. Ce sont les événements dramatiques récents qui ont reporté la date de son attribution. Je connais la région, et je sais au moins de quoi je parle.
Contrairement à vous. En réalité, ce n’est pas le prix bahreïni qui vous chagrine, mais vos propres frustrations. La preuve, ce trop-plein de reproches contenu dans votre chronique digne d’un parano. Sincèrement, je m’attendais à un SMS de félicitations de votre part, comme j’en ai reçus de partout. Mais vous avez choisi de gâcher l’un de mes rares moments de satisfaction.
Il s’agit pourtant de la plus haute distinction littéraire, le seul à être conjointement attribué et par l’Académie française et l’Institut de France ; je suppose que vos oeillères ne sont pas assez larges pour l’entrevoir. C’est bien beau de s’attribuer le beau rôle. Surtout lorsqu’on dispose d’un bout de papier dans un journal. Sauf que ça se passe sur le terrain, cher Daoud. Et je suis un homme de terrain.
C’est précisément cette connaissance, cette lucidité, cette quête de vérité qui a fait de moi le romancier que je suis. Vous faites des vagues dans un verre d’eau, monsieur Daoud. Un proverbe algérien dit : « Si je ne te connaissais, mon rot, je te prendrais pour un coup de canon ». Par ailleurs, j’ai écrit : « En tout peuple, il y a ceux qui relèvent de la race et ceux qui appartiennent à l’espèce. Les races font d’une lueur une torche, et d’une torche un soleil. Les espèces crient au feu dès qu’elles voient un semblant de lumière au bout de leur tunnel. Mais il existe une troisième catégorie d’énergumènes plus ancrée dans la gangue originelle, une gent aussi vénéneuse que les champignons et aussi farouche que les fauves. Cette gent ne relève ni de la race ni de l’espèce, à peine trouverait-elle une case dans « la flore et la faune ». Je vous laisse le soin de vous caser, monsieur Daoud. Et dites-vous que l’abus n’est que le privilège des insignifiants. Je regrette seulement que cette diatribe hautement tendancieuse vienne de quelqu’un que je comptais parmi mes amis et parmi les écrivains que j’ai le plus défendus. Mais ne reste dans la rivière que ses galets. Pour clore ce malentendu, revenons à l’information qui vous a inspiré tant d’aversion à mon encontre.
Je tiens à apporter un démenti catégorique, quant à vos allégations qui ont donné pour morte la jeune poétesse Ayat El Ghermazi. Cette personne n’a été ni violée ni assassinée. Elle est VIVANTE. Condamnée à 1 an de prison, elle a présenté récemment ses excuses à la  télé bahreïnie. Raison pour laquelle j’ai accepté de me rendre à Bahreïn. J’ai déjà plaidé sa cause auprès des plus hautes instances du royaume.
Je vais à Manama pour demander sa libération et, dans la mesure du possible, surseoir à l’exécution de 2 condamnés à mort, auteurs de l’assassinat de policiers. Eh oui, cher Daoud, je ne vais pas à Bahreïn pour établir un cahier de charges, mais pour des causes beaucoup plus nobles. Vous auriez pu m’appeler avant de me fustiger. Ça vous aurait évité d’écrire n’importe quoi.
Yasmina Khadra « Le Quotidien d’Oran » N°5040 du 28 juin 2011

1 commentaire:

  1. Là,le romancier à succès Yasmina Khadra n'a pas pris de gants pour répliquer à des coups d'un ami. Beaucoup d'envieux autour de la notoriété de notre grand romancier. Oh!la la ... il est en colère et ça va riposter énergiquement.
    Toucher pas à mon idole, le courageux Mohamed Moulesshoul qui a lui seul avait démystifié et fait tombé la théorie de "qui tu qui?" et ça il ne faut pas l'oublier.
    MOUATS HAFID, de Skikda / Algérie.

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