Reçue sans fastes particuliers, mais dans une
profonde et sincère émotion, sans doute la première femme médecin étrangère
venue de sa lointaine Bulgarie, et ce, juste au moment où le pays se relevait
d’un insoutenable joug colonial.
50
ans après, Vera Kitova tombe dans les bras de son infirmière, celle qui l'a
accompagné durant les premières années de l'indépendance, lorsque la jeune
médecin Bulgare était venue soulager les Algériens au premières lueurs de
l'indépendance retrouvée...arrivée en novembre 62, elle fera partie de la
délégation médicale Bulgare...elle est allé ensuite travailler en Tunisie, à
l’hôpital Charles Nicolle de Tunis...ensuite séjour studieux dans le service
gastro du Pr Debré à Bichat...là elle fait un pélerinage à travers l'Algérie,
ceci entrant dans le cadre du 50ème anniversaire de l'indépendance de
l'Algérie...je l'ai accompagné pendant 3 jours, j'ai lu ses poèmes, j'ai vu
perler son émotion et sa joie lors des retrouvailles avec les rares survivants
de cette période...ensemble, nous avons célébré l'amitié entre
les peuples...ce n'est pas un vain mot dans ma bouche car je sais plus que tous
combien les soutiens à notre combat libérateur a été formidable et
spontané...je penses également à mes amis du Maroc de la Tunisie, de la Libye,
du Mali...qui ont apporté leurs petites et parfois grandes
contributions...lorsque j'entends le mot de "révolutions arabe"
...j'esquisse un sourire...moqueur mais aussi condescendant...puis nous avons
parlé d'Assia Djebbar...et de sa fantasia à travers les montagnes crayeuses du
Dahra...sur les traces de sang de nos tortionnaires....si vous avez le temps
tapez sur google Vera Tikova puis nous en parlerons..j’étais là lors de la
rencontre avec sa toute première infirmière à l’hôpital de Mostaganem...c'était
lors d'une petite soirée musicale avec du Chaabi et du Hawzi...et des chansons
du répertoire Maghrébin...Youm el Djemaa de M'barek Soussi (bahjette Fès El
Bali) et Youm Lekhmis de Bensehla...c'était mon éclipse à moi...et aussi
l'anniversaire de ma fille qui était à mes cotés...elle sait que ça n'a pas été
facile...ça aide à rester humble...
En effet, 50 ans après son passage, la sublime Vera
Kitova, médecin, femme de lettres et artiste-peintre, revient à Mostaganem.
Reçue comme une diva, cette femme médecin au long cours, qui assume avec
panache ses 74 ans, est arrivée à l’aube de l’indépendance de l’Algérie, alors
que, dans leur grande majorité, les hôpitaux algériens étaient totalement
démunis de ressources humaines. La visite au niveau de l’hôpital Ernesto Che
Guevara a été un grand moment d’émotion, surtout lorsque cette hôte de marque
de l’Algérie s’est remémoré avec exactitude de l’emplacement des services. Elle
parle alors avec spontanéité de l’accueil qu’elle avait reçu par le corps
paramédical en activité à l’époque, car elle souligne qu’en cet automne 62,
l’hôpital de Mostaganem était totalement démuni de médecins. Elle se souvient
de ce jour du 10 novembre 1962, lorsque le président Ben Bella en personne
reçoit la délégation bulgare à Alger et lui tient un discours dont elle se
rappelle les moindres détails.
Notamment, lorsque leur hôte leur parle de l’état de
délabrement du système sanitaire et surtout des besoins colossaux en médecins.
Agée à l’époque d’à peine 24 ans, affectée à l’hôpital civil de Mostaganem, la
fringante gastro-interniste s’était mise à l’ouvrage avec fougue et engouement
afin d’assurer, dans les terribles conditions de l’après-guerre, un véritable
service hospitalier à l’ensemble des malades qui affluaient de toutes parts, d’autant
qu’à l’indépendance, la wilaya de Mostaganem s’étendait jusqu’à l’actuelle
wilaya de Mascara et aussi à celle de Relizane.
Il fallait, dira-t-elle, tout organiser. Elle se
souvient alors de l’engouement autour d’elle des jeunes infirmiers et infirmières
qui s’attelaient à leur tâche avec un sens de l’engagement qui frisait le
stakhanovisme. Elle n’a pas oublié l’accueil de «Monsieur Berbère, le directeur
de l’époque, qui nous a demandé de nous répartir en fonctions des services et
c’est ainsi que moi-même, je me suis occupée de la médecine «femme» avant de me
consacrer à l’ouverture du service pédiatrie». Un service qu’elle a retrouvé
complètement transformé et bien doté en personnels, ce qui me fait grandement
plaisir, souligne-t-elle avec force.
Parlant du rythme de travail, elle se rappelle qu’elle
et ses collègues de la délégation médicale bulgare travaillaient sans
interruption. Nous étions obligés d’œuvrer jour et nuit et nous n’avions aucun
répit face à l’afflux de malades qui venaient souvent de très loin et qui
étaient totalement démunis. Personne ne nous forçait à travailler à ce rythme,
mais c’était notre devoir que de donner le meilleur de nous-mêmes afin de
soulager les patients. Dans un français impeccable, elle souligne combien la
pratique médicale en Algérie lui a été utile à sa formation, insistant sur «le
sens de la responsabilité que j’ai apprise ici, en Algérie».
Pour moi, dira-t-elle, «c’est en Algérie que j’ai pris
conscience du rôle du médecin dans la société, surtout à travers les liens
entre le praticien et son patient». Elle en a été tellement marquée que
lorsque, une dizaine d’années plus tard, elle se retrouve à l’hôpital Bichat,
dans les services du professeur Debré, ce dernier n’a pas manqué de remarquer
son dynamisme et sa grande maîtrise des rapports médecin-malades. «Depuis, j’ai
conscience que mon passage en Algérie a été très bénéfique pour ma propre
formation».
En sus des ses compétences médicales avérées, l’hôte
de Mostaganem a plusieurs cordes à son arc. C’est presque par omission qu’elle
décline ses passions pour l’écriture et pour la peinture. Sous la conduite du
Dr Hajije, elle est allée à la rencontre de l’Ecole régionale des beaux-arts,
où le miniaturiste et peintre Hachemi Ameur aura sans doute ouvert de nouvelles
perspectives de collaboration dont Mostaganem sera encore une fois le
réceptacle.
En effet, Vera Kitova, quand bien s’en défend-elle,
est une artiste de grand talent. Lors de ce bref séjour, elle n’a pas manqué de
croquer quelques esquisses de ce qui deviendra sans doute une belle et
généreuse exposition de peintures. L’occasion est trop belle pour qu’au
prochain salon de l’art contemporain, dont on vient à peine de boucler la
seconde édition, elle fasse partie des artistes-peintres invités, d’autant qu’elle
n’a pas caché son profond désir de renouer les liens avec Mostaganem et ses
frémissements très particuliers. Frémissements qui serviront certainement de
trame à un livre que cette dame projette d’écrire afin d’immortaliser son
passage à Mostaganem.
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