lundi 3 juin 2013

Fin de régne pour Bouteflika et son clan

 Voici un préavis de fin de fonction paru dans Le Soir d'Algérie du 3 juin 2013, gardez le bien au chaud, il fera date...

ENTRETIEN AVEC MOHAMED CHAFIK MESBAH :
«Le “cercle présidentiel” s’est substitué à l’ordre institutionnel légal»



Entretien réalisé par Mourad Hamdane
Ancien officier supérieur de l’ANP et politologue, Mohamed Chafik Mesbah est Docteur d’Etat en sciences politiques de l’Université d’Alger et diplômé du Royal College of Defence Studies de Londres. Politologue, il se consacre à la recherche académique.
Le Soir d’Algérie : L’Algérie semble s’engager dans un tournant de son histoire avec l’aggravation de l’état de santé du Président Abdelaziz Bouteflika. Cette évolution vous semble déterminante pour l’avenir ?
Mohamed Chafik Mesbah :
Ne nous attardons pas sur l’état de santé du président de la République. Cela relève de son intimité. Comment, au demeurant, aborder un sujet autour duquel règne l’opacité la plus totale. Mais rien n’interdit, par contre, d’envisager les conséquences politiques de cette maladie. D’autant que l’Algérie connaît une situation des plus cauchemardesques.
Que voulez-vous dire par «cauchemardesque»?
Une situation dramatique. Jugez-en. Un champ politique frappé de léthargie, des institutions représentatives délégitimées et des instances exécutives sans impact. Des partis sans ancrage social et des leaders sans charisme. Enfin, un mouvement syndical et associatif si peu représentatif. Une situation économique des plus fragiles aussi. Les immenses ressources financières tirées des hydrocarbures sont dilapidées dans une gestion anarchique aucunement adossée à la logique économique.
Le Président Abdelaziz Bouteflika n’en a pas moins lancé des programmes d’investissement qui ont généré de la croissance positive…
Plutôt de la «croissance extensive» comme disent les économistes ; sans effet d’entraînement réel sur la sphère productive. Vous n’ignorez pas que de véritables goulots d’étranglement ont entravé l’application de ces plans dits de «relance de l’économie». Des dysfonctionnements liés à la mauvaise gouvernance et à la grande corruption ont fait de ces plans des prétextes pour dissiper les deniers publics. Lorsque les infrastructures réalisées sous le règne du Président Abdelaziz Bouteflika – autoroutes, ouvrages d’art et logements — seront soumises, dans des conditions transparentes, à audit financier et diagnostic technique, le monde sera stupéfait par les surprises mises en évidence.
La situation sociale est à la même enseigne ?
Malgré la profusion de subventions directes supposées protéger ou améliorer le niveau de vie de la population, c’est la précarité qui prédomine. Le chômage — en termes réels — pénalise, lourdement, les couches sociales les plus vives du pays. En particulier les jeunes diplômés. Les besoins essentiels — santé, école et logement — sont de qualité médiocre.
Examinons la réconciliation nationale. C’est un bilan que certains jugent positif…
Faisons un bref retour à la période du Président Liamine Zeroual. Il s’agissait, à l’époque, de parvenir à la neutralisation physique du terrorisme à travers un combat méthodique et résolu tout en favorisant une reconfiguration du courant islamiste —donnée co-substantielle à la société algérienne — sur la base du respect absolu de l’ordre constitutionnel. Cette démarche a permis des résultats substantiels. Avec l’arrivée du Président Abdelaziz Bouteflika, la démarche a changé, sensiblement, de contenance et d’orientation. La violence terroriste maîtrisée étant un résultat déjà acquis, l’accent a été mis sur la consolidation d’un islamisme de «bazar» avec une tolérance excessive vis-à-vis des salafistes et de la bienveillance pour les anciens dirigeants de la branche armée du FIS et autres anciens chefs de groupuscules terroristes. La réconciliation nationale ne saurait être une simple construction juridique virtuelle !
Quel état des lieux lugubre ! Vous ne voyez aucun résultat positif dans le bilan du président de la République actuel ?
Des nuances, peut-être. Premièrement, la stabilisation de la situation sécuritaire semble avoir complètement éloigné le spectre d’un terrorisme triomphant. Deuxièmement, l’armée a subi une certaine cure de rajeunissement avec une professionnalisation plus ou moins prononcée. Mais le coût des dépenses militaires reste excessif et la doctrine de défense attend d’être actualisée.
Quelles pourraient être les conséquences de ce diagnostic ?
Un spectre de menaces dangereuses se profile à l’horizon. Risque de dislocation de la cohésion sociale. Risque d’amputation du territoire national. Risque même d’effritement de l’unité de l’armée dans le cas où elle serait entraînée vers des tâches qu’elle réprouve. Certains des responsables actuels pourraient être poursuivis, demain, pour «non-assistance à patrie en danger».
Quels sont ces détenteurs de «vrais leviers de pouvoir» ?
Cela nous renvoie au mode de fonctionnement du système. Soulignons, d’emblée, que le Président Abdelaziz Bouteflika a hérité du système actuel. Il n’en a pas été le concepteur. C’est le système, dans sa globalité, qui, par conséquent, est en cause. Sans doute, le Président Abdelaziz Bouteflika a forcé le trait en recourant, inconsidérément, à l’autoritarisme et au népotisme avec un mépris affiché pour le peuple et les élites nationales.
Quelle est la nature du système politique algérien ?
Un Etat autoritariste paralysé avec une certaine dose d’anarchie. Une sorte de «dictature molle» où l’exercice du pouvoir est des plus diffus. Ce n’est pas, loin s’en faut, un système démocratique.
Vous considérez qu’il existerait un partage de l’exercice du pouvoir en Algérie ?
Le Président Abdelaziz Bouteflika était venu avec la volonté d’instaurer un régime hyper-présidentiel. Il voulait concentrer tous les pouvoirs entre ses mains sans «pôles de pouvoir» concurrents. Au niveau de la Constitution, l’objectif a été atteint. Sur le plan pratique, toutes les institutions et appareils de l’Etat, y compris l’institution militaire et les services de renseignement, semblent sous contrôle. La présidence de la République n’en est pas devenue, pour autant, un véritable centre d’impulsion stratégique. En raison de l’indisponibilité, chronique, de M. Abdelaziz Bouteflika, le fonctionnement de la présidence de la République a été ralenti. MM. Saïd Bouteflika — frère et conseiller du chef de l’Etat — et Mohamed Rougab, secrétaire particulier, sont devenus les deux seuls personnages importants. Incapable d’agir pour les questions d’intérêt stratégique, le premier cité intervient systématiquement sur les questions organiques, en particulier les nominations. Le second, qui se contente de répercuter les instructions du président de la République auprès des responsables de l’Etat, est devenu un passage obligé.
En quoi consiste ce «cercle présidentiel» évoqué avec insistance ?
C’est un entourage informel qui s’est substitué, arbitrairement, à l’ordre institutionnel légal. Un véritable processus d’accaparement des instruments de puissance publique à des fins privatives. Ce cercle repose, essentiellement, sur un «noyau dur» qui en constitue la pierre angulaire. Il a pour pivot M. Saïd Bouteflika qui s’appuie sur une faune de «baltaguias», véritables prédateurs de l’économie. M. Saïd Bouteflika dispose de relais au niveau des principales institutions et grandes entreprises publiques, en plus de tous les responsables d’organes d’information publics, qui relèvent, directement, de lui.
Existe-t-il d’autres «centres de pouvoir» concurrents au «cercle présidentiel» ?
L’exécutif gouvernemental ne constitue guère plus un «centre de pouvoir». La plupart des ministres échappent à son autorité. La coordination de l’action gouvernementale, sa cohérence et son efficacité s’en ressentent grandement. Le Parlement — Assemblée populaire nationale et Conseil de la nation, un «centre de pouvoir» ? Le phénomène récurrent de l’abstention électorale — le taux de participation électorale tourne autour de 20% — a, totalement, délégitimé les deux institutions qui se complaisent dans le rôle de chambres d’enregistrement.
Nul doute, alors, que l’armée et les services de renseignement constituent un «centre de pouvoir» autonome ?
Arrivé au pouvoir avec l’ambition affichée de renvoyer l’armée aux casernes et de contenir les services de renseignement pour qu’ils ne puissent plus interférer dans le champ politique. Mais le Président Abdelaziz Bouteflika ayant étouffé, à un point inattendu, la vie politique et syndicale, il en est résulté un vide sidéral qui a prévalu. La nature ayant horreur du vide, l’armée et les services de renseignement sont au-devant de la scène. Ils seront incontournables dans le processus de succession qui s’ouvre.
Evoquons, à présent, les scandales de grande corruption. Comment expliquer cette généralisation excessive de la grande corruption qui touche tous les secteurs d’activité économique ?
Premièrement, c’est la gouvernance publique qui est en cause. C’est la nature autoritariste de l’Etat qui a ouvert un «grand boulevard» à la grande corruption. Deuxièmement, lorsque l’argent coule à profusion, la tentation est grande de le détourner à des fins personnelles. Les plans de relance lancés par le Président Abdelaziz Bouteflika ont été propices aux pratiques de grande corruption. La société algérienne est affectée, elle aussi, par cette distribution inconsidérée de la rente. Sous forme de subventions ou de revalorisation de salaires. Le régime semble disposer d’une technique rodée pour gérer contestation sociale et politique. Un sentiment de profonde exaspération a gagné, pourtant, les esprits de tous les Algériens, commis de l’Etat, de l’administration publique et officiers de l’Armée nationale populaire et des services de renseignement.
Pourquoi le Président Abdelaziz Bouteflika a-t-il échoué dans la lutte contre la corruption alors qu’il en avait fait un cheval de bataille ?
Voulant donner l’illusion qu’il faisait de la lutte contre la corruption son credo, le Président Abdelaziz Bouteflika n’a pas manqué de créer une pléiade d’organismes censés prévenir ou réprimer la corruption. Dans la réalité, il a laissé faire les prédateurs qui foisonnent à l’intérieur comme à l’extérieur du système.
Comment expliquer ce phénomène de division interne qui traverse les principaux partis politiques en Algérie ?
D’une manière générale, les divisions apparues au sein des partis politiques témoignent de leur fragilité. Une fragilité qui concerne, d’abord, l’ancrage social de ces partis et l’absence de cohésion parmi les militants. Une fragilité qui renvoie à la faiblesse – sinon l’inconsistance – des référents de doctrine politique. L’absence de fonctionnement démocratique en leur sein est, évidemment, un facteur aggravant. Les partis actuels n’ont pas effectué la mue qui leur aurait permis de s’adapter au nouveau contexte national et international. Le moindre souffle peut avoir raison de leur unité, si ce n’est de leur existence.
S’agissant du FLN, tout particulièrement, comment expliquer la crise où il se débat ?
A l’exception de la période où le défunt Abdelhamid Mehri, aux commandes de ce parti, lui avait imposé une «cure de jouvence» dans l’opposition, le FLN s’est toujours résigné au rôle d’auxiliaire du pouvoir. Avec la normalisation que M. Abdelaziz Belkhadem a imposé, au pas de charge, au FLN, un mal chronique s’est emparé de ce parti. La paralysie qui le frappe peut mener à sa disparition. M. Abdelaziz Belkhadem a introduit un pouvoir personnel qui est aux antipodes de la tradition du FLN où l’exercice du pouvoir a toujours été collectif. Le FLN s’est, considérablement, éloigné des mots d’ordre de justice sociale et son attachement aux valeurs nationales s’est estompé. La pratique de la corruption par l’achat, contre monnaie sonnante et trébuchante, des premières places dans des listes électorales a étouffé l’esprit d’émulation.
Le FLN vous paraît condamné à disparaître ?
Ce n’est pas une fatalité. La communauté occidentale – les Etats-Unis, principalement — œuvre à la disparition des partis nationalistes dans le monde arabe et musulman. C’est l’avènement des partis islamistes qui est souhaité. Si, cependant, le FLN effectuait sa mue pour devenir un grand parti de type «social démocrate» avec ancrage nationaliste, il pourrait résister à cette tendance lourde de l’histoire. Il ne peut le faire que s’il s’ouvre aux forces vives du pays, la jeunesse, les femmes, les travailleurs et, tout naturellement, aux élites. Il ne faut pas s’attendre, néanmoins, que le Comité central de ce parti, dans sa configuration actuelle, puisse conduire ce projet audacieux !
Le poids du courant islamiste en Algérie vous paraît-il être en régression ?
En termes de potentiel électoral ou de présence physique dans la société ? C’est une évidence, le courant islamiste en Algérie est émietté. La distribution d’honneurs officiels et de bienfaits matériels ont permis d’en domestiquer une partie. C’est le cas du MSP et des partis qui évoluent dans la même orbite. Une autre partie, regroupant les salafistes, est en situation de «force dormante». Le courant salafiste présente deux facettes. Le «salafisme prédicateur» qui vise à transformer la société par le seul travail de persuasion. Le «salafisme djihadiste» qui vise à transformer la société en recourant à la violence. Il est difficile d’évaluer l’importance de courant qui boude, continuellement, les élections. Cultivant la proximité avec la société réelle, ce courant parie sur l’avenir avec la certitude que le pouvoir tombera comme un fruit mûr. Cette «force dormante» ne paraît pas disposer d’encadrement politique expérimenté mais son potentiel électoral semble élevé.
M. Abderezzak Mokri, nouveau président du MSP, semble s’atteler à réunifier le courant islamiste. Cette réunification serait une menace pour la stabilité institutionnelle du pays ?
Faut-il encourager, encore plus, l’émiettement du courant islamiste, ou au contraire, favoriser sa réunification ? Il faut établir un distinguo entre la démarche d’éradication du terrorisme et celle de l’éradication de l’islamisme. La première démarche est compréhensible. La seconde, pas du tout. Il s’agit juste de prévenir l’instauration intempestive d’un Etat théocratique où l’avènement hégémonique d’une idéologie qui pousserait à la disparition de la diversité politique en Algérie. Par des mécanismes constitutionnels appropriés et le respect de l’alternance au pouvoir. L’ouverture raisonnée du champ politique est souhaitable et elle n’est pas une menace pour la stabilité de l’Etat. Pour peu que le courant islamiste accepte le caractère civil intangible de l’Etat et les règles de l’alternance au pouvoir. M. Abderezzak Mokri a un projet en tête, c’est évident. Il semble disposer des capacités requises pour rassembler un courant islamiste divisé. Il est clair que l’air du temps souffle dans cette direction, sous parapluie occidental. M. Abderezzak Mokri paraît avoir tiré les enseignements des expériences passées. Selon ses déclarations publiques, la forte proximité avec le pouvoir a failli emporter le MSP. Désormais, affirme-t-il, ce sont l’intégrité des dirigeants politiques avec le rejet déterminé de la corruption dans la gestion des affaires de la cité qui pourront mobiliser l’opinion publique nationale.
Considérez-vous que le Front des forces socialistes reste, toujours, le pivot du pôle démocratique ?
Sous le leadership de M. Hocine Aït Ahmed — particulièrement lorsqu’il était en possession de tous ses moyens —, le FFS avait toujours préservé sa vocation de pivot du courant démocratique. Nonobstant le rapprochement tactique avec le Front islamique du salut qui lui aurait été reproché, le FFS s’est toujours tenu à ses revendications qui étaient au cœur du combat pour la démocratie. Il restait, seulement, au FFS de sortir du «ghetto» de la Kabylie pour se hisser au rang de parti de dimension nationale. Il aurait pu constituer une alternative au régime en place, tout au moins une partie importante de l’alternative. La normalisation en cours risque de banaliser ce parti. Le FFS deviendrait un simple alibi dans une devanture présentable devant l’opinion publique internationale. Sans préjuger de ce que la base de ce parti, en majorité fidèle à l’ancienne ligne politique, pourra décider, il est à craindre que, comme parti de l’opposition, le FFS ne soit mort. La disqualification du FFS, néanmoins, laisse, dangereusement, le champ libre aux partisans de l’autonomie en Kabylie.
L’appui de l’armée, sur lequel vous insistez, est à ce point indispensable pour la réussite d’un processus de transition démocratique ?
Focalisons notre attention sur le corps de bataille avec son dispositif de soutien logistique et technique. Il est constitué d’officiers issus des fameuse écoles des cadets de la Révolution et, parfois, des universités. Ces officiers sont, en règle générale, de bons professionnels se tenant à distance de la sphère politique. Attachés à la pérennité des institutions nationales dans un cadre républicain, ils sont attentifs aux aspirations de la population dont ils sont proches de par leurs origines sociales — plutôt modestes —. Ils sont, parfaitement, avisés de l’impact impétueux de la mondialisation sans rien ignorer du principe de compétence universelle pour les crimes contre l’humanité. Ils savent que, désormais, une épée de Damoclès pèse sur la tête des chefs militaires tentés de réprimer par la violence les aspirations démocratiques exprimées par la population. Ils devraient garantir — plutôt que contrarier – le processus de transition démocratique.
Cette analyse s’applique-t-elle aux services de renseignement ?
Le Président Abdelaziz Bouteflika s’est attelé, dès son deuxième mandat, à découpler Etat-major et services de renseignement. L’objectif était d’éviter la constitution d’un pôle de pouvoir susceptible de contrebalancer le sien propre. L’Etat-major de l’ANP s’est recentré sur ses missions techniques et le DRS a cessé de jouer le rôle d’interface avec la société politique. Le DRS a conservé de l’influence sur la société virtuelle — institutions, appareils et responsables évoluant dans la sphère officielle. La société réelle — réseaux de l’économie informelle et cellules salafistes évoluant au cœur de la société – échappe à son contrôle. La disparition du terrorisme comme menace pressante a conduit le DRS à se réorienter vers d’autres missions, comme la contre-intelligence économique. Nonobstant la diversité des évolutions respectives du corps de bataille dans l’ANP et des services de renseignement, il est probable que l’Etat-major et le DRS vont resserrer les rangs pour faire front commun contre les incertitudes de la conjoncture en cours.
Vous évoquez, en permanence, une crise de la diplomatie algérienne. Quelle est la nature de cette crise ?
Cette crise porte sur les fondements doctrinaux de la diplomatie algérienne et le mode de fonctionnement de l’appareil diplomatique. Contentons-nous, pour l’heure, de consigner trois aspects majeurs de cette crise. Absence d’anticipation stratégique, absence de consensus national autour de la politique étrangère et absence de réactivité de l’appareil diplomatique. Avec pour résultante, une ambiguïté doctrinale persistante, un manque crucial de visibilité stratégique et un déploiement peu efficient de l’appareil diplomatique algérien.
Quel pourrait être le cours des évènements désormais que la course à la présidence semble ouverte ?
En l’absence d’un capitaine au gouvernail, quels scénarios d’évolution pour la situation à venir en Algérie ? Le statu quo, tout d’abord. Le commandement militaire et les services de renseignement pourraient procéder à un «coup de force» pour destituer l’actuel chef de l’Etat et introniser un nouveau à sa place en vue de perpétuer le statu quo. L’ère des coups d’Etat militaires étant révolue, il est improbable que les chefs militaires, aux commandes du corps de bataille et de l’appareil de renseignement, se rebellent contre le pouvoir légal. Ces détenteurs des «vrais leviers de pouvoir» pourraient-ils maintenir, virtuellement, M. Abdelaziz Bouteflika à son poste jusqu’à 2014 ? Le climat social délétère qui règne dans le pays avec l’état d’exaspération qui agite l’opinion publique nationale ne sont pas d’augure pour procurer l’état de grâce sans lequel ce scénario serait impraticable. La succession violente, ensuite. L’Etat étant, potentiellement, défaillant, de profondes divisions politiques, jusque-là étouffées, risquent d’apparaître. De puissantes manifestations pourraient éclater et servir de catalyseur à un soulèvement populaire impromptu. La police ne pouvant y faire face, l’armée sera, forcément, requise. Improbable que les chefs militaires acceptent de tirer sur la foule. Le sort du pays dépendra des rapports qui se noueront entre l’armée et la population. La succession pacifique, enfin. Une élection ouverte et pluraliste où les candidats déclarés se livreraient à une compétition loyale est-elle possible ? Il est difficile d’imaginer que l’administration publique puisse organiser, dans un délai de soixante jours, un scrutin présidentiel incontestable. L’administration publique algérienne est mieux préparée à organiser des élections truquées que des scrutins transparents.
En prévision de la future élection présidentielle, quels noms peuvent venir à l’esprit ?
Ceux de MM. Mouloud Hamrouche et Ali Benflis suivis de M. Ahmed Benbitour. Trois autres noms sont à prendre en considération. Ceux de MM. Abdelaziz Belkhadem, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal. M. Abdelaziz Belkhadem pourrait voir s’agréger, autour de lui, une partie de l’électorat islamiste, les deux autres postulants pourront compter, le cas échéant, sur la sympathie d’un électorat minoritaire, et le soutien de certains appareils administratifs publics. Il ne faut pas, néanmoins, sous-estimer la posture de M. Abderezzak Mokri, le président du MSP, fraîchement élu, qui pourrait ratisser large parmi les électeurs islamistes.
Hormis ces scénarios, il n’existerait pas de solution consensuelle permettant de faire l’économie d’un scrutin contesté ?
Cette solution existe. C’est le Président Liamine Zeroual qui la symbolise. Il continue de bénéficier d’une large adhésion populaire ainsi que de la sympathie de toutes les institutions nationales — partis, services de renseignement et armée inclus —. Il est l’homme idoine pour conduire une véritable et courte transition avant de passer le relais dans un délai maximal de deux ans. Le temps que les partis politiques se reconstituent, que le mouvement syndical et associatif reprenne souffle et que des leaders de dimension nationale s’imposent. Mais le Président Liamine Zeroual est, farouchement, hostile à toute idée de retour sur la scène publique.
Pourquoi, alors, évoquer cette hypothèse ?
Le Président Liamine Zeroual est une conscience troublée mais vigilante. C’est un homme moral, pas un homme politique. Encore moins un «homme providentiel». Il faudrait réveiller le soldat qui sommeille en lui afin qu’il aille au sacrifice au profit de la patrie. Les autres candidats potentiels cités devraient se donner la main et se rassembler autour de M. Liamine Zeroual. C’est l’avenir de l’Algérie qui est en jeu.
Quels sont les défis majeurs qui attendent le futur Président algérien ?
Le futur Président sera tenu d’engager, sans délai, un processus de transition démocratique comportant, en particulier, l’élection d’une Assemblée constituante. Le futur chef de l’Etat devra s’atteler à réconcilier morale et politique dans un pays où la gouvernance publique a pris ses aises avec les valeurs éthiques. C’est une exigence qui est au cœur des attentes populaires.
M. H.

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