Répondant à l'invitation à un diner officiel offert par le wali (préfet) de Mostaganem en l'honneur du Ministre des Moudjahidines, ceci, dans le cadre de la commémoration des festivités des massacres du 8 mai 1945, que Mostaganem abrite pour la première fois, j'étais invité en ma qualité de professeur, de journaliste et de fils de Chahid. J’arrive, en compagnie d’un ami, dans l’immense tante dressée dans le centre d’accueil des moudjahidines et ayants-droits situé à Ouréah-Plage. Pendant plusieurs minutes, nous cherchons une table « convenable » et c’est ainsi que je jette mon dévolu sur un trio d’anciens moudjahidines originaires de Mascara et Saïda. A peine avions nous entamé les présentations qu’un énergumène s’approche de nous, m’interpelle par mon prénom, comme si nous avions gardé les bourricots ensemble et nous intime l’ordre de quitter cette table « réservée aux VIP », selon sa bonne formule. Un journaliste Tunisien, accompagné du chef du département communication de l’université de Mostaganem s’exécute sur le champ. Mon compagnon, lui-même digne fils d’un ancien Moudjahid, ancien ambassadeur et ancien ministre, ainsi qu’un de ses amis quittent également la table. J’ai vainement tenté d’expliquer à l’énergumène, pur produit de l’université de Mostaganem et pas peu fier de servir au cabinet du wali, persiste dans sa salle besogne dont il s’acquittait avec délectation. Je reste seul aux cotés des ces trois compagnons d’infortune. Qui auront tout fait pour me convaincre de rester à ma place. Une sollicitude qui m’a fait très chaud au cœur, d’autant que c’est moi qui avais délibérément fait le choix de venir à leur table que je considérais comme étant la plus digne d’un orphelin de guerre. En dépit de leur insistance, j’ai fait le seul choix qui s’imposait à moi, quitter cette maudite soirée où je n’étais pas le bienvenu. Ayant été invité à ce diner par le wali de Mostaganem, j’ai rédigé à son intention la lettre que voici :
Monsieur le Wali,
Dans le cadre du diner offert en l’honneur de Monsieur le Ministre des Moudjahidines, en cette glorieuse commémoration des massacres du 8mai 1945, je suis arrivé en compagnie de deux amis, dont l’un est fils d’ancien moudjahid, d’ancien ambassadeur et d’ancien ministre de la République Algérienne. N’étant pas un affidé des banquets républicains, moi et mon compagnon avons pris place à une table ou étaient installés trois anciens moudjahidines de la glorieuse guerre de libération. Mais à peine avions nous entamé les présentations qu’un préposé au protocole, rattaché à vos services au niveau du cabinet, est venu m’interpeller par mon prénom, pour nous demander de quitter la table, arguant qu’elle était « réservée aux VIP ». Malgré mes tentatives de le dissuader dans sa funeste entreprise, ce dernier, arrogant comme peut l’être un égaré, se fera encore plus insultant. Très vite, d’autres convives, dont un journaliste Tunisien qu’accompagnait le chef du département de la communication à l’université de Mostaganem, s’exécutèrent prestement. Pour ma part, j’ai du prendre congé des trois anciens Moudjahidines, non sans avoir procédé à de sommaires présentations. Puis, malgré l’insistance de ceux qui furent les compagnons de lutte de mon père et de mes oncles durant la guerre de libération, je me suis retiré sur la pointe des pieds, puisque j’étais « persona non grata ». Cette mésaventure n’aurait eut aucune suite si je n’étais pas moi-même pupille de la nation, et ancien cadre de la République Algérienne. De plus, Monsieur le wali, j’étais dans une institution, le centre de repos des anciens moudjahidines et des ayants-droits, selon l’appellation officielle, et je croyais naïvement que c’était sans doute la seule portion du territoire national où un fils d’un Chahid et d’une Moudjahida, dont la famille compte 23 martyrs, pouvait se sentir « chez lui ». Certes pas au titre de « VIP » tel que pratiqué par l’Algérie de 2013, mais de par le droit du sol, il me paraissait naturel que dans un centre de repos des anciens combattants et des ayants-droits, une pupille de la nation pouvait prétendre à certains égards. Du moins l’espace d’un diner en commémoration des massacres dont furent victimes nos aïeux. Je me suis trompé lourdement, ce qui ne m’arrive pas souvent, car j’ai toujours eut une posture digne et tout en retrait. C’est que voyez-vous, je croyais courtois et républicain de répondre à votre invitation et je m’attendais à être traité selon mon modeste statut de journaliste et de professeur de l’enseignement supérieur. De cette funeste soirée, je garderais pour le restant de mes jours, le regard plein de haine et de suffisance de votre subordonné et celui plein de tendresse de ceux qui furent les compagnons chanceux de mon défunt père et de mes 22 oncles, tous tombés au champ d’honneur. Car malgré l’insistance des ces valeureux Moudjahidines venus de Mascara et de Saïda, je me suis retiré comme l’exigeait le sens de l’honneur et la valeur du serment fait à mes parents de ne jamais plier, surtout pas devant l’imposture, l’arrogance et la suffisance.
Monsieur le Wali, ma présente ne tire sa légitimité que du profond respect que vous avez toujours manifesté à l’égard du simple citoyen que je suis. Sans cette grande générosité qui a caractérisée votre arrivée à la tête de l’exécutif de Mostaganem, jamais je ne me serais laissé entrainer dans ce qui s’apparente à un traquenard. C’est pourquoi, j’ai tenu à vous faire part de la grande déception et de la profonde blessure que je fais miennes. Je croyais qu’à plusieurs titres, je me devais de répondre à votre invitation, oubliant que les travées de la république pouvaient abriter quelques énergumènes que l’impunité aura rendus exécrables. Sachez cependant que cette dérive ne saurait atteindre la sincère considération que je vous dois.
Bien respectueusement
Aziz MOUATS, Professeur à l’Université de Mostaganem, rescapé des massacres du 20 aout 1955.
Fait à Mostaganem le 07 mai 2013.
Bonjour Prof AZIZ, Vous devez savoir que l'Algérie a toujours souffert de ce type personne. Il reste que l'éducation d'un peuple est une tache beaucoup plus difficile que la guerre de libération. je vais vous raconter une histoire véridique: Un jour Mon père un des serviteur de la glorieuse guerre d’Algérie a été un jour convoqué par Ahmed Mokrani, Grand Djihadiste et président de l'APC de Taher, pour lui témoigné et remettre la carte de moudjahide, Il lui a répondu, Si Ahmed << Ajazair rahi bin yadikoum , dirou biha ouach habitou>> et il a déchiré sa carte devant lui.CETTE HISTOIRE JE L'AI ENTEDU DE LA BOUCHE DE SA FEMME QUI S'APPELLE EL DJAIIDAA. APRÈS LA MORT DE SI AHMED. il a rajouté que tout ce que j'ai fait pour mon Dieu. Nous n'avons ,et on ne regrette pas, jamais profiter ni demander ce que demande les autres.
RépondreSupprimerOui AZIZ l'Algérie est tombée dans les mains de ces personnes mais pas dans leur bras, elle ne sera certainement jamais aimée.
je suis totalement d'accord avec vous...cette mésaventure je la vis depuis la mort de mes parents et ça remonte à très loin...les moudjahidines et le FLN ont trahis le serment fait aux martyrs et à leurs familles...c'est pourquoi le pays a été livré à la maffia... bien cordialement Aziz
SupprimerCher Aziz,
SupprimerC'est un écrit qui fait honneur au corps des Professeurs de l'enseignement supérieur et qui est digne d'un fils de chahid. Si chaque algérien faisait cela ou à défaut si chaque enseignant prenait sa plume pour dénoncer des situations inacceptables je suis certain que l'Algérie n'en serait pas là où elle se trouve dans le concert des nations humiliée, ignorée et piétinée par les uns et les autres.
Par ailleurs, ton écrit m'inspire une réflexion concernant le produit de nos formations. N'avons nous pas une part de responsabilité dans l'émergence de diplômés monstrueux, affamés par les postes et les avantages sans lendemain ? J'ai eu pour ma part à adresser en 2012 plusieurs courriers à Monsieur le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique concernant le manquement à l'éthique et la déontologie de nos responsables administratifs. Ces comportements se généralisent malheureusement dans notre société et n'épargnent personnes. Alors encore une fois bravo pour cet écrit en espérant une réaction appropriée du wali.
Amitiés,
Tarik
Mon cher ami,
SupprimerJe suis pantois devant cette horrible mésaventure qui vient de t'arriver.
Je suis convaincu que Mr le Wali prendra une sanction contre ce zélé valet .
Le sacrifice de tes parents , te vaut certainement plus qu'un strapontin .
Au plaisir de te revoir .
H.L.Ziane
Bonsoir Aziz, mon grand frère!
SupprimerA la lecture de ce que tu nous rapportes, grande a été ma révolte. Tu as bien fait d'envoyer cette missive au wali et j'espère que l'énergumène indélicat auquel tu as eu affaire, va se faire sonner les cloches! Mais là où je ne suis pas d'accord avec toi, c'est que ce centre de repos n'est pas la seule portion où tu peux réellement te sentir chez toi, car en digne fils d'un chahid et d'une moudjahida, tu ES PARTOUT CHEZ TOI!!!!!!!!C'est le sacrifice consenti par tous les tiens qui fait que tu es Algérien Libre à part entière et que nul ne peut t'enlever ce DROIT!
La réalité est certes autre! Mais clamer son droit, reste un devoir, et tu l'as fait! Je comprends toutefois ton amertume.
Je t'embrasse grand frère!
Dalila
c'est bien triste et combien affligeant de voir de tels spectacles où l'on ne respecte plus les valeurs profondes de notre pays, et particulièrement celles de ceux qui lui ont sacrifié leurs vies.
SupprimerAli G.
Bonjour Aziz,
SupprimerEncore une leçon sur les hommes, bien de chez nous! Je trouve aberrant qu'un invité du Wali soit mis dans l'embarras... a t-on vraiment des VIPs?. Ta lettre est forte, j'espère qu'elle trouvera l'écho pertinent.
Bien à toi,
Nasr-Eddine T.
Salam,
Supprimermerci pour votre message et suis désolée pour cet inoubliable évènement dont vous étiez victime. Le plus curieux est que je n'étais pas choquée sinon le sort de notre cher pays aurait était autre que ce qu'il ne l'est déjà. Une nation se reconnaît par ses hommes et nous sommes en crise de valeurs et morales.
Au fait! comment avez-vous mes coordonnées?
Quel que soit l'amertume de cet évènement, sachez que ce n'est qu'un obstacle de la vie qui vous permettra de devenir davantage plus fort.
Khadidja
Salut Aziz!
SupprimerSi tu m"avais informé , je t'aurais dissuadé d'y aller
Les vrais Moujahidines, nos pères son sont sous terre . Des fois je me dis qu'heuresement qu'ils n'ont pas vu ce qu'ils fait du pays pour qui ils sont morts
Même s'il y a eu des fellagas honnetes et survivants , ils ont été contaminés ou morts de détresse
Préservons nos valeureux Chouhada et bess!!!
DJAMAL B.
Oran le mercredi 08 mai 2013-12:47
SupprimerBonjour Cher Aziz,
J'espère que tu vas bien et que ta petite famille et tes proches vont bien aussi.
En objet de ce message, je reprends un extrait de la lettre que tu as envoyé au Wali,pour te dire que ce que tu as "subi"/"vécu" de la part du pseudo-protocole, n'est rien par rapport à "l'imposture-arrogance-suffisance" devenus le quotidien des citoyens partout de la part de ceux qui se croient investis d'un pouvoir sans limites....Plus grave, ce qui se passe dans les administrations est inimaginable....
Dans cette histoire,tu as fait un devoir citoyen de répondre à une invitation et de quitter la salle par respect d'abord à soi, ensuite à la mémoire de ceux grace auxquels certains (.....) sont entrain de nous conduire vers des horizons incertains...MED GH.
Bonjour mon cher Aziz
Supprimerj'ai suivi d'un bout à l'autre cet incident rapporté ,digne de l'époque de "l'Algérie française" où les algériens musulmans quel que fût leur rang faisaient toujours partie du second collège !
Plus grave ,un fils d'une grande famille de martyrs ,journaliste et professeur d'université de surcroît invité par M le Wali ne pouvait être traité de la sorte par un subordonné au passé douteux ,conduite ignoble digne de l'ère coloniale .
Tu as très bien fait d'écrire cette lettre par principe pour montrer au Wali qu'il a de bien mauvais représentants et que tu as retenu du djihad de tes parents et oncles le sens élevé et ancré de l'honneur qui t'a conduit à quitter les lieux ,la meilleure des choses que tu devais faire .
Hélas cher Aziz ,notre pays ,à tous les niveaux est entre les mains des fils d'anciens harkis .Les vrais moudjahidines sont tombés en martyrs ou se comptent sur les "doigts de la main". Combien de députés et de sénateurs ont la double nationalité ,combien de ministres dont les épouses sont françaises ou étrangères .Au plus haut niveau ,un candidat à la présidentielle (je crois le second mandat de Bouteflika) s'est présenté le plus normalement du monde agréé à tous les niveaux alors qu'il était français .je le connais personnellement et je m'étais dit que les gens avaient vraiment du culot .
Tu as cher Aziz mon soutien moral car j'ai eu au siège de la wilaya où j'avais reçu une invitation
(autour de 1997) affaire avec le chef du protocole .Avec calme je l'avais remis à sa place publiquement et en présence de son wali et des autorités invitées quand il s'était présenté devant moi afin de se rattraper pour m'inviter à remettre un prix à un étudiant .J'avais répondu "pourquoi me choisir ,cette salle n'est-elle pas remplie de seigneurs ? C'est à eux qu'il faut vous adresser ! Il me chuchotait à voix basse" je vous en supplie le wali attend ".Humilié par mon silence qui a suivi ses supplications ,il s'est retiré pour choisir un autre !
Les Braves sont partis morts pour l'Algérie ,cette terre qui leur était si chère .Il ne reste plus que la vermine qui n'a d'autre ambition que de se servir au détriment de ce pays qui a vu tant de massacres de ses enfants femmes et hommes parmi les plus valeureux et fiers simplement parce qu'ils ne voulaient de la servitude !
Avec mes salutations les plus amicales
sadek
La goujaterie et l'arrogance sont toujours le fait des médiocres et des nuls. Pendant combien de temps les Algériens pourront ils encore l'accepter ?Mais à leur place ,qui et quoi? Où se trouvent la démocratie et les démocrates en Algérie ? Tu en fais partie,certes mais les autres ? Be slama bik ,André N.
SupprimerUne très belle plume pour rapporter un fait regrettable j’ai eu plaisir à lire comme toujours votre style et la justesse des mots quand à l’histoire hélas elle aurait pu se passer dans n’import quel pays
RépondreSupprimerAvec toute mon amitié Marlène