Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
Portrait du président d’un pays en ruine
Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
On le décrivait, à l’époque du coup d’Etat de 1965, comme un dandy plein de fatuité qui plastronnait dans un conseil de la révolution austère.
L’on disait même de lui qu’il était dénué du socle idéologique susceptible de le classer comme le ferait un marqueur des itinéraires personnels. Porté par la vague de la notoriété que connut l’Algérie dans ces années-là, il devint un VIP indispensable qui rassurait les chancelleries des capitales occidentales. Une sorte d’icône et de gage de fréquentabilité de ces «tiers- Etats» nouvellement décolonisés. Sa notoriété internationale qui lui a valu une longévité exceptionnelle dans le poste de chef de la diplomatie allait, plus tard, lui servir pour s’imposer comme la dernière alternative du système. Alors que la séquence de la décennie 90 n’en finissait pas de dévorer les hommes qui s’y sont succédé à la tête de l’Etat, l’armée se rallia à l’évidence qu’il pourrait bien sortir le pays de l’ornière. De l’origine de son ascension nous nous limiterons à ces brèves annotations qui attestent, sans l’ombre d’un doute, que sa cooptation en 1999 était essentiellement l’œuvre de la caserne. En effet, dans les laboratoires de profilage des hommes utiles à la perpétuation du régime, il présentait les atouts qu’il fallait à la succession impromptue de Zeroual. Civil, de connivence ancienne avec la hiérarchie kaki, n’avait-il pas de surcroît la réputation d’être inclassable doctrinalement et par conséquent de posséder l’entregent politique nécessaire au déverrouillage de la terrible situation que connaissait l’Algérie. Crédité du capital de rassembleur ne l’a-t-on pas, en effet, présenté comme une personnalité au-dessus de la mêlée et un affranchi vacciné des apriori qui avaient fait du pays un champ d’affrontements mortels. Ni démocrate de vieille extraction ni islamiste sectaire et de récente conversion, on lui attribuait la capacité de ramener la paix. Durant ses deux premiers mandats, la propagande officielle n’a eu de cesse, justement, d’encenser les retombées de sa politique «réconciliatrice » et «amnistiante» tout en s’interdisant le devoir d’inventaire, si nécessaire à la morale de l’Etat. Sur le volet d’une paix douteuse tout comme sur celui de la relance économique, ses quatorze années de présidence ne sont-elles pas d’ores et déjà qualifiées par la plupart des observateurs comme une suite d’échecs, voire de gâchis sans pareil. Même la plus conciliante des publications étrangères souligne désormais ce désastre typiquement algérien. Et c’est ainsi que dans sa dernière livraison Jeune Afrique consacre un dossier dont le titre est tout à fait parlant : «L’Algérie, un géant qui a peur de son ombre.» Ramenée à notre président, cette «peur de l’ombre» pourrait illustrer son silence gêné dont il ne sait plus comment s’en expliquer publiquement. Car au mépris des exigences de sa charge, Bouteflika semble étalonner le temps politique sur une grille qui déroute même les prétoriens qui le soutiennent. L’on est dorénavant bien loin de la fiction à l’origine de son ascension. Celle d’un président éminemment consensuel dans tous ses arbitrages. En somme un dirigeant attentif aux pulsations de la société et réactif en toutes circonstances. Or le voilà aujourd’hui inidentifiable jusqu’à l’incohérence. Dire de lui qu’il est en train de dilapider les dernières actions de son capital-confiance au sein de la société est tout juste un euphémisme. En clair, un chef de l’Etat introuvable comme l’est d’ailleurs globalement sa gouvernance, peut-il encore avoir des projets pour un pays en voie de déshérence ? Car dès l’instant où un pouvoir est plombé par la multiplication des turpitudes en son sein, il devient de fait illégitime. C’est par conséquent maintenant que ce pays vacillant dans ses institutions et ruiné par la gabegie de sa classe dirigeante doit chercher son salut dans le changement afin de ne pas désespérer un peu plus une société appauvrie économiquement, clochardisée culturellement et surtout méfiante à l’encontre de la politique. L’urgence serait d’imposer par tous les moyens une alternance à la direction de la nation avec en perspective la naissance d’une nouvelle république. 2014 est précisément l’année-clé pour rompre avec des mœurs politiques ravageuses. Car, à moins de renoncer à ce songe ancestral qui avait permis à cette presqu’île poétique (El Djazaïr) de devenir la nation algérienne, il est venu le temps de solder un Etat avorté. C’est le devoir d’inventaire, dont seuls les sujets peuvent l’exercer, qui est à l’ordre du jour ; et à partir duquel doit s’organiser une résistance au fait accompli qui se dessine un peu plus chaque jour.
B. H.
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
On le décrivait, à l’époque du coup d’Etat de 1965, comme un dandy plein de fatuité qui plastronnait dans un conseil de la révolution austère.
L’on disait même de lui qu’il était dénué du socle idéologique susceptible de le classer comme le ferait un marqueur des itinéraires personnels. Porté par la vague de la notoriété que connut l’Algérie dans ces années-là, il devint un VIP indispensable qui rassurait les chancelleries des capitales occidentales. Une sorte d’icône et de gage de fréquentabilité de ces «tiers- Etats» nouvellement décolonisés. Sa notoriété internationale qui lui a valu une longévité exceptionnelle dans le poste de chef de la diplomatie allait, plus tard, lui servir pour s’imposer comme la dernière alternative du système. Alors que la séquence de la décennie 90 n’en finissait pas de dévorer les hommes qui s’y sont succédé à la tête de l’Etat, l’armée se rallia à l’évidence qu’il pourrait bien sortir le pays de l’ornière. De l’origine de son ascension nous nous limiterons à ces brèves annotations qui attestent, sans l’ombre d’un doute, que sa cooptation en 1999 était essentiellement l’œuvre de la caserne. En effet, dans les laboratoires de profilage des hommes utiles à la perpétuation du régime, il présentait les atouts qu’il fallait à la succession impromptue de Zeroual. Civil, de connivence ancienne avec la hiérarchie kaki, n’avait-il pas de surcroît la réputation d’être inclassable doctrinalement et par conséquent de posséder l’entregent politique nécessaire au déverrouillage de la terrible situation que connaissait l’Algérie. Crédité du capital de rassembleur ne l’a-t-on pas, en effet, présenté comme une personnalité au-dessus de la mêlée et un affranchi vacciné des apriori qui avaient fait du pays un champ d’affrontements mortels. Ni démocrate de vieille extraction ni islamiste sectaire et de récente conversion, on lui attribuait la capacité de ramener la paix. Durant ses deux premiers mandats, la propagande officielle n’a eu de cesse, justement, d’encenser les retombées de sa politique «réconciliatrice » et «amnistiante» tout en s’interdisant le devoir d’inventaire, si nécessaire à la morale de l’Etat. Sur le volet d’une paix douteuse tout comme sur celui de la relance économique, ses quatorze années de présidence ne sont-elles pas d’ores et déjà qualifiées par la plupart des observateurs comme une suite d’échecs, voire de gâchis sans pareil. Même la plus conciliante des publications étrangères souligne désormais ce désastre typiquement algérien. Et c’est ainsi que dans sa dernière livraison Jeune Afrique consacre un dossier dont le titre est tout à fait parlant : «L’Algérie, un géant qui a peur de son ombre.» Ramenée à notre président, cette «peur de l’ombre» pourrait illustrer son silence gêné dont il ne sait plus comment s’en expliquer publiquement. Car au mépris des exigences de sa charge, Bouteflika semble étalonner le temps politique sur une grille qui déroute même les prétoriens qui le soutiennent. L’on est dorénavant bien loin de la fiction à l’origine de son ascension. Celle d’un président éminemment consensuel dans tous ses arbitrages. En somme un dirigeant attentif aux pulsations de la société et réactif en toutes circonstances. Or le voilà aujourd’hui inidentifiable jusqu’à l’incohérence. Dire de lui qu’il est en train de dilapider les dernières actions de son capital-confiance au sein de la société est tout juste un euphémisme. En clair, un chef de l’Etat introuvable comme l’est d’ailleurs globalement sa gouvernance, peut-il encore avoir des projets pour un pays en voie de déshérence ? Car dès l’instant où un pouvoir est plombé par la multiplication des turpitudes en son sein, il devient de fait illégitime. C’est par conséquent maintenant que ce pays vacillant dans ses institutions et ruiné par la gabegie de sa classe dirigeante doit chercher son salut dans le changement afin de ne pas désespérer un peu plus une société appauvrie économiquement, clochardisée culturellement et surtout méfiante à l’encontre de la politique. L’urgence serait d’imposer par tous les moyens une alternance à la direction de la nation avec en perspective la naissance d’une nouvelle république. 2014 est précisément l’année-clé pour rompre avec des mœurs politiques ravageuses. Car, à moins de renoncer à ce songe ancestral qui avait permis à cette presqu’île poétique (El Djazaïr) de devenir la nation algérienne, il est venu le temps de solder un Etat avorté. C’est le devoir d’inventaire, dont seuls les sujets peuvent l’exercer, qui est à l’ordre du jour ; et à partir duquel doit s’organiser une résistance au fait accompli qui se dessine un peu plus chaque jour.
B. H.
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