samedi 28 octobre 2017

La Fetwa à l'étouffé d'Aboukir



Dans sa logique première, le chroniqueur d'Aboukir/ Mesra poursuit son escalade destructrice contre son peuple, sa mémoire et ses luttes. Monsieur se complait dans sa mission de destruction de l'identité indigène à travers un discours existentialiste qui fait la part belle à la civilisation occidentale - judéo chrétienne- et qui victimise sans détours les peuples ex-colonisés d'hier. Victimes à qui il fait porter la responsabilité de leur colonisabilité. ce qui suffit au chroniqueur d'Aboukir pour exiger de tous les peuples opprimés d'hier et d'aujourd'hui de cesser leurs lamentations. S'ils en sont arrivés là, c'est de leur faute. Les siècles d'esclavage et de colonialisme, les massacres, le dénis de personnalité, les rapines qui ont fait les fortunes de l'Occident, ne comptent plus dans la situation actuelle des anciennes peuplades indigènes. L'enfant terrible d'Aboukir ne met plus de gants, il est sur de son fait; il invite chacun de nous à "décloisonner sa conscience". Oui Monsieur, et  il prévient, ça sera douleureux d'affronter ce monde complexe sans la digue de l'explication coloniale. Mais le néo psychanalyste de Mesra ne dit pas comment? Enfin il le susurre, "si vous ne faites pas repentance, n'en voulez qu'à vous memes! L'occident n'y est pour rein. Voici une lecture apaisée de ce discours pas si nouveau que ça du héros d'Aboukir. Sous la plume de Charles Tsimi, un témoin attentif du monde contemporain. Diplômé en Sciences Politiques, option Relations internationales, spécialisation Francophonie et Mondialisation.

Contre-coup à Kamel Daoud, monsieur qui fait mine d'étouffer
Cette tribune fait suite à un article intitulé "Le postcolonial m'étouffe" de Kamel Daoud, publié dans le site du magazine Le point, le 24 octobre 2017. "Le discours de repentance de l'Occident est sclérosant. Il faut se libérer des explications postcoloniales et penser au-delà de la victimisation." Voilà comment l'écrivain du Point chapeaute son texte.
L'étrange saturation
Kamel Daoud s'agace. Il est vrai, en France, en Allemagne, en Angleterre, au Pays-Bas, en Espagne, au Portugal, aux USA, en Israel....bref, en Occident, le "discours de repentance" sature l'espace public. Partout en Occident, on n'entend plus que des intellectuels qui demandent, des penseurs qui déclarent que la colonisation, mais avant l'esclavage furent des grands crimes, et que par souci d'égalité voilà le chemin qu'il faudrait prendre. C'est vrai que les Présidents Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, , et maintenant Macron, ont passé leur temps à s'agenouiller devant les présidents africains. Oui, on étouffe ...on étouffe, de cette attitude à l'UNESCO qu'ont les ex-colonisés du Sud de se déclarer sans cesse victime. On étouffe que dans les instances internationales, les accords vont essentiellement à l'avantage des pays du Sud, car ceux du Nord ont la conscience peinée de leurs actes passés.Oui, on comprend Kamel Daoud. Qui a dû remarquer, qu'en France, pendant la campagne présidentielle, la repentance était le sujet principal, primordial.  Il ose écrire "Le postcolonial m'étouffe"...tant mieux! RIP.
Hélas! Kamel Daoud étouffe d'un vieil air. Ou d'un faux air. Ou d'un faux et vieil air.
                           
  Kamel Daoud, Pascal Bruckner, Alain Mabanckou:la petite musique des chiens de garde

En 1983 (soit 23 ans après les Indépendances), le philosophe Pascal Bruckner signait son risible Le sanglot de l'homme blanc. Lui aussi s'agaçait  déjà de la repentance des sociétés occidentales, qui d'après lui, se consument par leur sentimentalisme (que ça!)  tiers-mondiste et la haine de soi (la grosse blague!). Le romancier, Alain Mabanckou, n'avait quant à lui, rien trouvé de plus stimulant, que de publier en 2012, son dérisoire  Sanglot de l'homme noir. A son tour, le plumitif africain trouve que le « noir » se plaint trop, qu’il tend à tout mettre sur le dos du pauvre « homme blanc » dont on (Pascal Bruckner) nous avait déjà déclaré qu’il ne cessait de culpabiliser. Pour ce plumitif débonnaire, la colonisation est finie, le « Noir » doit prendre son destin en main. Il doit cesser d’accuser ces valeureux européens qui travaillent dans l’intérêt de leur peuple alors que les dirigeants africains ne pensent qu’à leur ventre. En gros, on a des corrompus, territorialement et racialement bien définis (Afrique noire), d'une part; et les honnêtes, eux aussi territorialement et racialement bien connus (l'Occident blanc).
Les migrants érythréens, soudanais, nigériens ont-ils l'air de sangloter? Les femmes violées en RDC par les milices locales, peut-on dire qu'elle sanglote? Les enfants centrafricains abusés  par des éléments de l'armée française, a t-on eu l'impression qu'ils sanglotaient vraiment? La masse des jeune chômeurs dans les capitales africaines, se transforme t-elle en groupuscule xénophobe et raciste envers les ressortissants occidentaux?  J’ignore dans quel pays africain ont a eu affaire à des expéditions punitives anti-blanc, j’ignore dans quel pays africains les ex colonisés ne sont pas les bienvenus. Quel nigérien a déjà, prétextant du bon usage de leur uranium par la belle France, refusé de saluer un français? Y a t-il dans ce pays des politiciens dont le succès établi peut être mis en lien avec un discours anti-occidental? Non. Même dans l'Algérie natale de Kamel Daoud! 
Alors, qu'il s'agisse de cet étrange philosophe, de ce plumitif africain, et de cet écrivain-publicitaire du Point, on est devant un discours qui se donne des allures décomplexées, libérées, détendues, affirmatives. Or, il n’y a rien de plus recomplexé, prisonnier, superficiel, et stérile.
La vérité, il ne faut pas la chercher dans les petites phrases d'un Macron en campagne, ou d'une certaine gauche dont on a vu ,depuis Mitterand, que la repentance n'était pas inscrite au programme, et que cette forme de repentance n'est que spectacle.
Il n'y a jamais eu de repentance en Occident. Il n'y a pas, d'un côté, le "Blanc" qui se culpabilise et n'arrive plus à dormir, et le noir qui se victimise sans cesse, et crie partout où il va "c'est de votre faute". Il n'y a que des intellectuels et écrivains paresseux qui décident d'adopter ce genre de postures, soit pour critiquer, soit pour en faire une base idéologique propre.
Et si l’on s’aventure à emprunter la logique étroite de nos trois détendus, nos trois écrivains, nos trois représentants du monde tel qu'il est, je dirais même que  l'Occident n’a pas assez culpabilisé (ah non, non, pas du tout), et que les pays ex colonisés et ex civilisés devraient sangloter bien davantage, qu’ils sont au final d’une bonté incroyablement stupide, en tant qu'Etats. Mais ne nous égarons pas à suivre cette logique qui me semble foncièrement mal articulée, sans issue et qui ne permet pas une compréhension exacte et utile des choses. 
Que les gauches européennes s’illustrent dans un discours sentimentaliste, soit, mais on ne saurait dire que les politiques étrangères des puissances européennes en Afrique portent le moindre signe d’une quelconque repentance. C’est un fait. Quelle repentance faut-il y voir dans l'installation, par l'armée française, de monsieur Ouattara en Côte d'Ivoire? Quelle repentance faut-il y voir dans les accords de partenariats économique entre l'Union européennes et les pays d'Afrique, du Caraïbes et du Pacifique? 
Quelle est donc cette repentance où on ne change rien aux structures politico-économiques ayant conduit aux inégalités, aux guerres, etc? 
La repentance? Quelle imbécile pour croire à cette farce. La seule repentance politique, aujourd'hui admise, est celle qui concerne l'Etat Juif. D'où la création d’Israël, en tant qu'entité territoriale bien définie. D'où les indemnisations des victimes de la Shoah partout en Europe. D'où les nombreuses jalousies. Etc,. Et surtout qu'on ne m'accuse pas d'être antisémite, ou de vouloir lancer la concurrence victimaire. Mon propos est descriptif.
Alors, lorsque Kamel Daoud dit: "le discours de repentance de l'Occident est sclérosant", il n'a pas si tort, pour peu que l'on sache, envers qui (les Juifs), l'Occident tient son seul et vrai discours de repentance. 

Quelques extraits rigolos du texte de Kamel Daoud
"La conscience postcoloniale a fini par développer des cloisonnements de confort, des narcissismes de victime. On ne peut pas tout dire au Sud, à cause de cette orthodoxie du « tout-colon » comme explication définitive. Et notre responsabilité ? ".
Qu'est-ce qu'il appelle conscience postcoloniale ? Cloisonnements de confort? Narcissimes de victime? Tout dire au Sud? Orthodoxie du "tout-colon" ?  Puisque l'auteur essentialise la notion de Sud, je vais parler en tant que sudiste: au Cameroun, petite démocratie de rien du tout, on peut tout dire, y compris en prison. Et, non seulement tout peut se dire là-bas,mais aucun homme politique ne prospère là-bas à cause de qu'il appelle orthodoxie du tout colon. 
Comme cet homme politique camerounais, opposant, un orthodoxe 'tout-colon", pour reprendre l'indigente formule; aux élections, ce dernier n'atteint même pas 1% du suffrage, même pas 0,5%.  il n' y existe aucun opposant, en Afrique, dont la popularité s'explique par la soi disant orthodoxie du "tout-colon". 
J'ai travaillé dans une ONG française; j'étais en lien avec des sociétés civiles africaines,  lesquelles venaient se plaindre bassement à Paris de la corruption de leurs dirigeants, ces sociétés civiles étaient déjà "décloisonnées", à l'image de ce que Kamel Daoud appelle de ses vœux. 
L'orthodoxie "tout-colon" n'existe que dans sa tête et celle d'un petit nombre d'intellectuels africanistes, extrêmement insignifiants. L'opinion africaine, faut le savoir, est par exemple bien plus travaillée "positivement" par  l'élection d'un Macron que par des thèses post-coloniales.  
Au Sud, il y a, avant tout, des gens trempés dans la misère, et qui, en grande partie, n'ont même pas ce plaisir de théoriser et de penser leurs malheurs. Au Sud, il y a, avant tout, des gens qui vivent sans dignité, ni en tant que sédentaires, ni en tant que migrants.
Les cloisonnements de conforts et narcissismes de victime dont parle Kamel Daoud sont de bizarres coquetteries.  C'est même presque indécent. S'il y a des gens qui s'arc-boutent sur des injustices de l'Histoire et qui tendent à vouloir prospérer sur ces injustices, ce n'est pas tant au nom de la vague "conscience postcoloniale" (concept creux!) mais à cause de ce qu'on peut appeler la subjectivité mondiale : partout en Occident, prospèrent les partis d'extrêmes droite, les mouvements nationalistes et ou souverainistes, réactionnaires. La réaction, voilà la subjectivité qui semble dominer notre monde.   
"L'Occident est-il innocent ? Que non ! Mais nous non plus. C'est ce décloisonnement de sa conscience propre qu'il faut travailler. Il sera douloureux : on devra y affronter un monde complexe sans la digue de l'explication postcoloniale. Cela brisera des « autoblanchiments » et des dédouanements verbeux". Quel sacré penseur, ce Daoud. Voyez ça redoutable question  l'Occident est innocent ? (de quoi)....Qui l'oblige à poser une question aussi stupide? Qui a dit que le Sud était à la recherche d'un coupable, qui a dit que l'Humanité était en demande de coupable ou de victime en Afrique? .... nous non plus. Le "Nous" ici c'est qui? De quoi ce "nous" serait-il coupable?  Et puis, remarquons que, ceux qui nous expliquent souvent que ce bas-monde est complexe, eux, ne s’embarrassent jamais des solutions toutes faites.

Innocent ou même coupable, quel est l'intérêt politique, intellectuelle? Monsieur Kaoud, peut, puisque c'est son souhait oublier donc la colonisation, et regarder le monde actuel...et qu'est-ce qu'il verra au Sud? Pillages, destruction de certains Etats, ordre mondial fondamentalement injuste, inégalités absolues avec 200 individus qui possèdent autant que 3 milliards autres individus, guerres, maladies......Et pour lui, la tâche consiste à "décloisonner sa conscience"..Et il prévient, ça sera douleureux: d'affronter ce monde complexe sans la digue (quelle image) de l'explication coloniale...et pendant ce beau temps, dans sa France chérie, les bonhommes continueront de nous parler des racines de la France, et de dire à haute comment ils sont si généreux, si accueillants: la patrie des droits de l'Homme. On ne peut pas prétendre expliquer, ou vouloir comprendre ce monde...l'Histoire, et raisonner en termes d'innocent, de coupable, de victime.  C'est de la petite pensée politique ça! Pour autant, il y a des victimes du monde tel qu'il est, et les victimes, c'est le prolétariat, les pauvres, les exclus.Et pour comprendre l'origine de cette inégalité, de cette injustice ou disons pour s'en défaire...les questions du genre "L'Occident est-il innocent"? sont d'une platitude énervante. 
Le propos de Kamel Daoud est littéralement verbeux. Il parle de sous-choses, il fait diversion, moins par intention, mais surtout par que manque d'ambitions. Que peut-il, lui, espérer encore de plus? C'est lui qui est dans son cloisonnement de conforts, c'est lui qui devrait décloisonner son imperméable bonne conscience, au lieu d'exiger de quelques énervés sans incidence dans le réel,  de garder leurs nerfs, et d'oublier que la colonisation fut une étape historique dans structuration des inégalités et des injustices. 
"Le postcolonial m'agace, me fatigue, m'a trompé sur moi. Il fallait se libérer de la colonisation, il faut se libérer des explications postcoloniales exclusives. Quitte à se faire insulter au bout de chaque manifeste de cosignataires embusqués." dixit l'écrivain franco-algérien. Je rappelle que j'ai prêté une définition du concept de postcolonial, au départ scientifique, à ce Kamel Daoud, qui n'a pas cru devoir nous expliquer ce terme. 
Qui doit se libérer des explications postcoloniales exclusisves? J'ai démontré, tout à l'heure, que l'opinion africaine est très loin de faire du postcolonial une clé explicative. Quant à la petite élite africaine, immigrée, c'est parfois elle qui s'aventure sur ce terrain, par pure opportunisme et par paresse. Elle réagit ainsi, car celle-ci n'a pas eu la chance de trouver une "bonne place" comme ce Kamel Daoud. Elle se réfugie donc dans un "discours postcolonial". Et les intellectuels africains qui "réussissent" en Occident, pour la quasi totalité d'entre eux, ont toujours cette molle tendance à demander "aux africains" d'arrêter la victimisation. Ils pourraient demander aussi à l'Occident d'arrêter l'arrogance...Hélas, non! Il faut toujours exiger du plus faible, le plus plus grand sacrifice. Logique imparable des winners: on baisse les APL, on supprime l'ISF!
Il s'agace de rien notre algérien. Car, le "postcolonial", on a beau tourné la tête dans tous les sens, en France, il est absent. Et puis, Kamel qui veut passer pour l'insoumis, le rebelle, le solitaire, non mais, vaux mieux en rire....Depuis quand, ne pas faire de la colonisation la cause du sous-développement du Sud est une hérésie? Où donc? Dans quel pays? dans quel milieu intellectuel ayant pignon sur rue? Je le redis encore, je ne connais aucun pays en Afrique, où la popularité d'opposant ou un Président de la République s'explique par "le postcolonial". Même l'expert, en postcolonial, Achille Mbembe, parlant de son pays, va vous expliquer que c'est la mal gouvernance le problème de ce pays-là, et non la colonisation ou la postcolonie. Ce qui reste, tout aussi, une plaisanterie. 
Le propos de Kamel Daoud sous estime la colonisation, il fait semblant d'ignorer que la réalité coloniale structure les Etats africains modernes. En disant, "il fallait se libérer de la colonisation", l'auteur ne précise par qui  est ce"il". Tout comme il oublie un événement historique mondiale de premier ordre: la conférence de Berlin de 1884.
Je rappelle cette date, non pas pour rendre "coupable" ou "blanchir" la vielle Occident...mais pour montrer que l'entreprise d'invasion et de pillage a été méthodique et maîtrisée. Il faut avoir une lecture du monde plus générale, une lecture de la colonisation plus profonde. La colonisation est terminée, oui (admettons), le capitalisme se porte toujours très bien, et le Sud en paie le prix fort. Et il faut être un peu naïf, pour vouloir comprendre la colonisation en dehors de cette ambition historique, politico-économique que constitue le capitalisme. La domination continue...elle s'est même diversifiée.
Il faut être naïf comme Kamel Daoud, pour croire, qu'on se libère d'une colonisation tout bonnement, comme on pourrait se libérer d'un CDD ou CDI.  J'ai noté l'inutile adjectif "exclusives"  dans sa phrase il faut se libérer des explications postcoloniales. Kamel Daoud a été gentiment accueilli par la patrie des droits de l'homme, elle lui a donné une bonne place, et voilà le Kamel ne jure plus que par sa place et les valeurs de sa patrie.
Le reste du monde doit se rallier: il y a nous, la Démocratie...et il y a eux les Dictatures; il y a nous les Libertés...et il y a eux les Traditions; il y a nous les Plaisirs dont on voit aujourd'hui toute la splendeur avec Weinsteien, et il y a eux les Refoulés en djellaba; il y a nous les Laïcards, et il y a eux les Voilés islamistes-à-fort-potentiel-terroriste.....Kamel Daoud est désormais connu pour ce beau rôle, témoin fidèle du monde occidentale. Il est dans le camp du Bien.  
Mon humble opinion, sur ce penseur respecté par la France médiatique, est qu'il est à côté de la plaque, et son succès, se comprend plus aisément. Dans un monde où précisément, ce qu'on veut, c'est que les jeunes gens ne pensent plus. Qu'ils rechignent parfois, s'indignent par moment ou même toujours (ça aide!), mais surtout  qu'ils consomment et se "libèrent"...de rien, de tout.
Dans un tel monde, Kamel Daoud peut tranquillement faire mine d'écrire, de penser...et maintenant de s'étouffer. Qu'il s'étouffe donc!

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