jeudi 26 novembre 2015

De Peshawar à Nekmaria




 Après une semaine bien chargée et très mal récompensée…mais c’est le métier qui le veux…pourtant, je n’ai pas l’impression d’avoir démérité…mais c’est aussi ça la nature humaine, frasque et déconcertante…donc j’allais vers un longue matinée…à ne rien faire…puis j’appelle Senouci Ouddan qui ne s’y attendait pas le moins du monde…c’est la moindre des choses que de faire de belles surprises aux amis, surtout les plus rares et les plus chers parce que les plus fidèles…j’avais réellement besoin de ressourcement après quelques anicroches…auxquelles je me croyais bien naïvement indignes…que faire contre la nature humaine, contre les inimitiés, les arguties, les jalousies et la légèreté…comme je ne suis pas habitués aux louanges, je m’étais fais à l’idée que je pouvais prétendre non pas à une immunité mais au moins à un peu d’indulgence…en attendant un bon procès…rien de tout ça, en guise de cerise on a fait mon procès et prononcé un injuste verdict…le tout par contumace…vous pouvez me croire, même sous ma carapace de capricorne qui en a avalé des couleuvres, ça fait très mal d’être mal jugé et d’être condamné sans aucune forme de recours…
C’est dans cet état d’esprit très chancelant que j’appelle Senouci qui n’attendait que ça ! Lui aussi avais hésité à m’appeler, de peur que mon agenda ne lui offre aucune chance…Il m’apprends que notre ami commun Hadj Mohamed Tahar voulait visiter la grotte de Nekmaria avec Ikbal, venu du lointain Pakistan…en passant par l’Andalousie…je retrouve le sourire et la joie qui l’anime…nous voilà sur la route du Dahra…le ciel qui a eut la très bonne idée de s’habiller en turquoise est resplendissant. Un léger vent d’Ouest, à peine perceptible pousse une houle d’un blanc écarlate vers les rivages ocres et vert pistache de Chaïbia…Après la foret de Chouachi que des blessures noires défigurent de temps à autre, nous abordons la descente vers Sidi Ali que nous contournons par le sud en direction de Naïmia…une bourgade bien fertile où coulent plusieurs sources, ce qui lui donne une fertilité étonnante à plus de 300 mètres d’altitude. Puis les ravines se font plus abruptes et plus profondes. Ici l’érosion est maitresse des lieux. Avec une pluviométrie généreuse et des sols marneux à l’extrême, seuls les rares affleurements rocheux résistent à la nature.
Ça donne ces sillons de dinosaures que seul le ruissellement de l’eau de pluie cisèle sans compter. A ma droite, assis sur la banquette arrière – et oui il m’arrive aussi de ne pas conduire- Ikbal avale ces paysages qui lui rappelle Peshawar, son pays natal. Ce qui me donne l’occasion, en lui montrant les écoles et les fermes éventrées durant la décennie rouge, de lui dire cette autre similitude du salafisme destructeur qui a endeuillé tant de familles. A quelques encablures de la grotte de Ghar El Frachih, je lui fais un bref rappel de la résistance des populations et tribus du Dahra durant l’invasion coloniale française. Je parle du traité de Tanger, qui fit suite à la débâcle marocaine de l’oued Isly et qui obligea l’Emir Abdelkader à mettre en sourdine le Djihad ; ce qui incité alors le jeune Bou Maza à soulever le Dahra…L’armée d’occupation qui croyait avoir définitivement maté la résistance populaire fera le choix des massacres généralisées, commettant pas moins de 4 enfumades sur les tribus du Dahra.
Grande émotion à l’intérieur de la grotte où dorment de leur profond sommeil éternel, plus de 1500 Ouled Riah – en réalité, sur les 1500 enfumés, 600 ont été retirés de la grotte puis ensevelis dans une fosse commune, par des soldats du Makhzen. Hadj Tahar est le dernier à sortir, il a tenu à réciter la « Fatiha » en toute discrétion. Face à la caméra, il dira que « ce sont les morts qui nous enseignent notre histoire et nous continuons à apprendre d’eux »…retour à travers le sentier de Dadès qui rejoint la RN11 en haut de Oued Romane, non loin du cimetière de Ouled Baroudi. Après nous être arrêté pour une pause déjeuner à Sidi Lakhdar en compagnie de Hamoudi Mohamed et de Miloud Kadi, nous reprenons le chemin de Mostaganem…presque réconciliés avec nous même et avec notre Histoire…

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