mercredi 20 août 2014

Deux rescapés parlent du 20 aout 55



Deux rescapés parlent de l’insurrection du 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda

Oui ! 59 ans après l’insurrection du 20 aout 1955 qui sera suivie d’une série de massacres à grande échelle, ce sont deux rescapés de l’époque qui échangent leur point de vue. L’un est pied noir, c’est Michel Mathiot, l’autre est indigène, moi, Aziz Mouats, un Français musulman, selon la formule de l’époque. Le premier habitait la centre ville et il a vécu l’insurrection de l’intérieur, l’autre habitait la campagne, plus précisément la mechta de Béni Mélek, hameau de la famille Mouats, lieu du déclenchement de l’insurrection. Ils avaient tous les deux 5 ans le jour de l’insurrection. Ils se sont rencontrés virtuellement grâce à un ami commun, Jean Philippe Balestrieri, fils de Germaine et Roger Balestrieri, dont la ferme du Béni Mélek jouxte le hameau des Mouats et qui servira de refuge à toute la tribu lorsque, le 23 aout 55, les maisons seront brulées et les hommes valides enlevés par l’armée française. Ces hommes, dont de jeunes adolescents d’à peine 14 ans n’ont jamais été retrouvés…ici un débat entamé sur le site « judaicalgéria » de Vétillard qui a commis un livre équivoque sur ces « évènements », livre qui sert de trame à ce dialogue…empreint d’une grande sérénité, presque un début d’apaisement… qui tarde à venir, alors que tous les deux, nous venons de dépasser largement l’âge du départ à la retraite…mais pas celui de l’apaisement qui ne viendra peut être jamais…car comment parvenir à l’apaisement lorsque les morts attendent une sépulture et quand les vivants attendent une délivrance qui fermera peut être plus d’un demi siècle de dénis et de mensonge…
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M. Mathiot | Lun 09 Déc 2013
Quelques remarques :
« …La population […] ne s’engage pas dans la révolution ». C’est cette constatation qui conduisit Zighoud Youssef à prendre la décision qu’il a prise. Après le 1er novembre, la population reste attentiste car ne veut pas croire à un succès de l’ALN face à la machine française, comme du reste l’avaient toujours démontré jusqu’alors les répressions aux insurrections précédentes. Les analyses démontrent néanmoins que la population est de cœur avec l’ALN. Le basculement de la population est l’enjeu majeur d’une guerre révolutionnaire. Ce basculement se fait progressivement. Les populations civiles musulmanes qui sont intervenues le 20 août n’étaient pas forcément « manifestement droguées », ni les femmes et les enfants « poussés en avant » par des djounoud poltrons. Zighoud Youssef et ses adjoints n’étaient pas nécessairement des « brutes sanguinaires fanatisées », mais pour certains des hommes politiques. Les analystes de l’époque reconnaissent déjà les premiers succès psychologiques de masse de l’ALN à l’occasion du 20 août, de par une certaine atmosphère insurrectionnelle dans les campagnes. Leurs conclusions sont déjà fort pessimistes, à l’époque. Le soulèvement des masses le 20 août procède de motivations qui ne sont pas qu’anecdotiques (l’usage du « kif », l’usage des femmes et des enfants comme boucliers, l’instinct « sanguinaire » de « hordes fanatisées », etc. Elles sont aussi et avant tout politiques.
Par défaut d’analyse, certains mémorialistes mettent en avant une lutte religieuse, alors qu’il s’agit tout bonnement d’une lutte contre le système colonial pour l’indépendance politique. Dans cette lutte pour l’indépendance, les chefs ALN utilisent le jihad comme levier de soulèvement des masses musulmanes rurales, pour faire de l’engagement de ces dernières une obligation sacrée. Elles n’en font pas une fin en soi.
Tout cela s’arguments bien évidemment.
Il est dommage qu’on nous laisse encore à lire, dans la note N°1 reprise d’un vieux texte de M. Faivre, qu’ « on peut citer 21 enfants dont les têtes sont écrasées contre les murs… ».

Bien à vous

Michel Mathiot
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VETILLARD | Lun 02 Déc 2013
Juste un commentaire sur ce 20 août ; quand je me suis penché sur cet épisode sanglant j’ai été surpris qu’il n’y ait aucune étude historique sérieuse sur le sujet, à tel point que j’ai alerté mes correspondants historiens universitaires spécialistes de la question algérienne (Guy Pervillé, Daniel Lefeuvre, Jacques Frémeaux, Gilbert Meynier...). La recherche d’une thèse, d’un mémoire, d’une communication originale sur ce sujet est restée vaine. Et ceci est également vrai en Algérie J’ai plusieurs explications mais celle qui me va le mieux est celle qui souligne que les universitaires des années 70 ou 80 très imprégnés de marxisme ne pouvaient imaginer que la lutte des classes ait été dépassée par une lutte religieuse ou nationaliste…
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Aziz Mouats à Michel Mathiot
Sam 26 Juil 2014
Très curieux cet ouvrage! Écrit par un médecin, en principe au dessus de tous soupçons- il emprunte au discours éculé des Algérianistes, perpétuant ainsi une version étriquée et fait plus grave déformée de la réalité. et très éloignée des véritables ancrages des insurgés qui ne connaissaient strictement rien ni aux drogues duces, ni aux psychotrope de dernière génération. Leur seule et unique motivation est la mise en déroute du système colonial. Je partages totalement l'analyse de Michel Mathiot sur les véritables motivations et surtout sur les véritables objectifs de l'insurrection. Il ne faut pas passer sous silence l'excellente contribution de l'historienne Claire Mauss-Copeaux, qui a réussi à replacer dans leurs véritables contextes les faits qui se sont déroulés à El Halia et à Aïn Abid. Enfin, comment ne pas être choqué par la préface que l'auteur aura confié sans sourciller au pseudo historien Guy Pervillé dont les écrits sont un viol de la conscience humaine tant ils sont empreins de partis-pris et de dénégations...dommage pour une insurrection qui aura marqué au fer rouge, la présence coloniale française en Algérie...ceci au prix de plus de 12.000 victimes, chiffre publié par le New York Times du 22 aout 1955... Aziz Mouats, rescapé de la répression de la mechta de Sidi Ahmed, Béni Mélek, lieu d'où est sont parties les deux colonnes d'insurgés à l'assaut de Philippeville, l'une conduite par Chekkat et l'autre par Lyazid Mouats...
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M. Mathiot  à Aziz MOUATS
| Jeu 14 Août 2014
En fait, Aziz, ce livre (1ère édition) est un brouillon. Je l’ai démontré. Autrement dit l’éditeur n’est pas très bon non plus. Loin d’être une référence ce livre est un épiphénomène. Mais ce qui me pose davantage problème, c’est la présence de Guy Pervillé dans cette galère. Cette présence aurait pu être plus discrète et pour tout dire, plus élégante. On ne retient de la préface que la descente en règle de Claire Mauss-Copeaux. Et pour cause, cette préface est un modèle de polémique. Et vis-à-vis d’une collègue c’est même grossier car les historiens ont l’habitude de débattre dans d’autres termes et à un autre niveau. D’ailleurs elle n’a même pas jugé bon de répondre. (Heureusement que nous sommes là…). Je ne suis pas aussi sévère que toi – mise à part cette erreur de parcours – en ce qui concerne la qualité d’historien de M. Pervillé. Ses ouvrages et ses textes me paraissent de grande valeur pour la connaissance et la réflexion. Ils sont au moins rigoureux, argumentés, contrairement à ceux des mémorialistes qui mélangent tout. On peut faire des erreurs comme tout le monde.
Attention aux chiffres chez Aziz. Par exemple le chiffre de 12 000 est une source et doit être examiné comme telle. Non pas forcément une vérité vraie. Tous les chiffres sont à prendre en compte et à critiquer en même temps. Ce qui serait grave c’est d’occulter un chiffre, ou de le défendre sans raison valable. En particulier, le livre de R. Vétillard (1ère éd.) et la préface de G. Pervillé ont inventé un chiffre de victimes tuées françaises d’origine européenne à El-Halia (j’évite de dire des « Français » car nous étions tous français, n’est-ce pas…). L’invention des 51 tués à El-Halia a servi pour discréditer honteusement Claire Mauss-Copeaux en l’accusant de vouloir minimiser ces pertes. Le vrai chiffre est de 36 (ou 37), il a été rétabli dans la deuxième édition à la suite des protestations (dont les miennes) mais cela a été fait sans tambours ni trompettes, en particulier on n’a vu aucune excuse publiée.
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Aziz MOUATS à Michel Mathiot
 | Ven 15 Août 2014
Je persiste mon cher Michel Mathiot...les chiffres sont ceux du FLN qui avait fait un recensement tout juste après l'insurrection...quelques familles ont été prises en charge par le versement d'une pension, surtout pour les orphelins à charge. Mon collègue Saci Belgat, dont le père fait partie des 19 victimes tuées au mortier non loin de la prison, ils avaient résistè toute la journée. l'autre source c'est celle publiée le lundi 22 aout 55 par le New York Times...qui avait ses correspondants partout et qui avait surtout de très bonnes sources... il s'agit des victimes de l'ensemble du Nord Constantinois, mais ça concerne essentiellement de la zone située entre Azzaba, Collo, El Arrouch, Condé Smendou, Philippeville...à SKIKDA, jusqu'au 28 aout, il y eut plus de 2.200 tués...pour ce qui est des victimes "Pied-noirs" de Filfila/ El halia, leur nombre exact est de 36, dont un disparu...là aussi les sources sont multiples, mon ami Louis Arti qui est de notre génération, amis aussi Gisèle Halimi qui a été l'avocate, avec Léo Matarasso des accusés algériens et qui a publié un superbe livre " Le Lait de l'oranger" où elle raconte avec menus détails toute cette affaire..un livre que tout algérien et tout Français devrait lire et relire...
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M. Mathiot | Ven 15 Août 2014
Parfaitement Aziz. Ce chiffre de 12 000 fait partie du débat et il ne doit pas être déconsidéré. Entre parenthèses, Matthiew Connelly dans son livre L’arme secrète du FLN, Comment de Gaulle a perdu la guerre d’Algérie, Payot, 2002, éd. Fr. 2011, se basant sur des archives américaines, rapporte même des propos de seconde main issus de conversations entre responsables français et américains (Murphy), selon lesquels « plus de 20 000 Arabes ont été tués au cours du dernier mois [cf août 1955] par les Français »… Je trouve que les historiens n’ont jamais su, ni pu, valider ni réfuter dans les règles le chiffre de 12 000. C’est d’ailleurs ce dernier point qui lui donne une certaine force. Les mémorialistes quant à eux ne se sont jamais privés de le moquer, ne sachant faire autre chose… Les autres chiffres sont tout aussi affichés sur des bases chancelantes, tant qu’il n’y aura pas eu de travail vraiment critique sur ce sujet, qui requiert selon moi l’énergie commune des historiens des deux rives et des archives des deux rives. Pour le moment, seules des études partielles type monographie d’une zone géographique peuvent apporter des éléments que l’on peut ensuite additionner à condition de donner les hypothèses. Ces considérations personnelles que je vous livre n’ôtent évidemment rien aux faits locaux, vécus, personnels, rapportés par des témoins comme celui que vous citez, sans parler de vous-même, et dont j’ai moi-même accumulé pas mal de traces. C’est pourquoi je marche sur des œufs quand je m’exprime sur ce sujet en compagnie d’un Algérien. Car je ne méconnais pas cette souffrance irréparée que la plupart des pieds-noirs persistent à nier, alors qu’eux-mêmes seraient bien placés pour la comprendre… Dans sa thèse, Sylvie Thénault, chef de file de la nouvelle génération d’historiens confirmés, s’est abondamment appuyée sur le livre de Gisèle Halimi, qui est un livre source mais qui est malheureusement voué aux gémonies par les mémorialistes, alors que S. Thénault est historienne.

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Aziz MOUATS  à Michel Mathiot

Mon cher Michel
Je suis heureux que vous et moi soyons sur la même ligne et regardons dans la même direction, celle de la réconciliation des consciences. Dans la lecture que je fais de cette histoire, j'essaie d'éviter toute forme de dogmatisme. Mon seul souci est celui de la vérité et rien d'autre. Ce matin, j'ai regardé un instant les cérémonies sur le mont Faron, commémorant le débarquement de Provence et le journaliste d'I Télé a énuméré les cimetières Américain, Anglais et...Allemand...qui sont là dans un mouchoir de poche...presque dans l'intimité...moi mon soucis est justement celui des morts, surtout des morts inutiles...dans les "deux camps"...avec JP Lledo, je suis allé à El Halia et j'ai interviewé l'un des assaillants...il me décrivait la mort horrible qu'ont subis femmes et enfants...j'en tremble encore...mais à ce moment de son récit, je ne voyais pas du tout le faciès ni la religion des massacrés, non je voyais ces femmes paisibles et ces enfants innocents...et j'étais très triste pour mon pays, le notre aussi, le votre et le mien puisque c'est ici que vous êtes nés et avez grandi...en 62/63 j'ai vu partir mes camarades d'école...j'ai vu les processions interminables, pareilles que celle des chrétiens et des Yazidi d'Irak...et je vois la France qui s'empresse de livrer des armes....comme elle soutenait la partie adverse en Syrie...j'ai la haine des politiques, surtout lorsqu'ils sont atteints d'amnésie...j'aimerais bien qu'un jour, la France de Valls et de Hollande, ou celle de Juppé et de De Villepin, nus dise où sont les charniers de mes oncles et de mon père ainsi que de mon grand père...c'est pourquoi, je ne serais jamais d'accord que l'on renie l'histoire, mais je ne blâme pas que la France, j'en veux davantage aux responsables Algériens qui ont failli, qui ont trahis...alors à quand une seule et unique commémoration de toutes nos tueries et de tous nos massacres? Sans cette épreuve, il ne faut pas imaginer un seul instant que les peuples ont la mémoire fourbe, ce qui est le cas de nos dirigeants...et puis, à travers vous, à travers Jean Philippe Balestrieri, à travers l'engagement humaniste et courageux de son père, de sa tendre maman et aussi de son grand-père Jean Balestrieri...je penses à toutes celles et tous ceux, français de toutes confessions qui ont eut un instant de lucidité...eux aussi ont le droit à une commémoration, eux aussi ont droit à l'honneur...avec votre permission, je mettrais volontiers nos échanges sur mon blog tout juste à la veille de la date fatidique du 20 aout 1955...le jour où tout a basculé...j'étais là, sur un minuscule mamelon et je regardais cette foule déchainée sortit du bois et se diriger au pas de course vers son destin...dans la foule, il y avait de nombreux hommes de ma famille...je me souviens aussi des hululement strident de mes tantes...nous avions cru à la délivrance et nous avons eut la foudre et la lame de l'armée française mais aussi nous avions eut droit à la lâcheté de certains colons...puis à la trahison de nos compatriotes...une trahison qui perdure...et qui me fait tant souffrir au point que mes propres enfants, ainsi que leur mère, ne cessent de me demander d'oublier mon passé...c'est plutôt raté puisque nous y voilà...demain, dans quelques jours, nous serons au rendez-vous de ces journées dont on ne sait si elles furent glorieuses ou sinusites...ou les deux à la fois...sanglantes, oui elles le furent assurément...et c'est pourquoi, nous avons le devoir de dire et de témoigner...merci de me tenir compagnie cher Michel...nous étions si jeunes, si frêles, mais chacun était de l'autre coté de la barrière de la mort et nous avons survécus...pour témoigner...

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Michel MATHIOT
À Moi Vendredi 15 aout 11h55 à 8h58 AM
Chez Aziz,
En fait, je viens de me payer trois chambres entièrement rénovées du sol au plafond. Cela m'a pris quatre mois et m'a obligé de mettre un bémol à l'histoire. Je suis content du résultat mais je préfère l'avoir derrière que devant moi car si j'avais su le travail que cela allait représenter, je ne sais pas si je me serais lancé... Mais c'est le porte-monnaie qui m'y a obligé.
Je me suis aussi baladé dans votre site. J'ai noté votre point de vue concernant le fameux 14 juillet. Je comprends parfaitement ce point de vue, que je n'avais pas car je ne suis pas dans la même posture. Et à la réflexion, si j'avais été un Algérien aujourd'hui, je pense que j'aurais raisonné comme vous puisque je suis à fond pour la démarche qui consiste à reconnaitre pour construire une coexixtence paisible. En fait j'ai pris des positions contraires, plutôt en opposition à la "horde" habituelle, et parce que je me tourne justement vers l'avenir et les relations Algérie-France. J'étais pour l'invitation (contrairement à la horde), mais je n'avais pas analysé la réponse à l'invitation, c'est-à-dire la posture algérienne. Finalement les deux opinions se rejoignent.
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Aziz MOUATS  
À Michel MATHIOT
Le 14 Aout 2014 à 12h25 AM
Bonjour Michel quelle bonne surprise, je désespérais presque de vous revoir...après un si long silence...mais je sais que c'est pour la bonne cause...j'attends votre livre avec une grande impatience, car je suis certains qu'il sera très différent de ce que nous avons lu jusque-là...je vais aller sur le site, probable que je fasse un petit commentaire...moi aussi je suis en train d'écrire et c'est très prenant...mais nous avons cette chance d'aimer à la fois l'histoire et l'écriture, ainsi que la vérité...que du bonheur
 A très bientôt cher ami...
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Michel MATHIOT
À Moi
Le 15 aout 2014 à 5h17 PM

Cher Aziz. Vous avez entièrement raison de parler d’amnésie des politiques, et encore le mot est faible car il s’agit de « politiques », d'élus du peuple, d’hommes d’Etat même, depuis des décennies. Dans ce cas je n’hésiterais même pas à employer le mot de « forfaiture ». En tout cas il y a – aujourd’hui – un manque de courage évident. Ils ne veulent jamais faire ni le premier pas ayant une peur gamine de devoir supporter je ne sais quelle accusation. Ni le dernier comme s’ils avaient devant eux un précipice et comme s’ils n’étaient pas des élus du Peuple. Toutes les situations vécues aujourd’hui dans les péripéties de la vie commune France/Algérie, qui n’a malheureusement pas le niveau qu’elle devrait avoir (et pour cause), si on prend la peine de les analyser, se conforment à cette posture indigne.
Pour revenir aux charniers, aux disparitions, celles de Philippeville en particulier, etc., que vous connaissez bien puisque vous en êtes un survivant, et que je connais également puisque nous avons le même âge et que j’y ai consacré déjà quatre années de recherches de ma vie, cela n’intéresse plus personne que celles ou ceux qui ont besoin de faire le deuil avant de mourir. Le deuil de ses proches ou le deuil de son pays. Les autres, les politiques atteints d’amnésie, sinon de surdité, les militaires étoilés, anciens lieutenants, gardiens des secrets de Polichinelle et néanmoins scélérats, les anciens hommes du rang, devenus muets car atteints par le syndrome de stress post traumatique, les mémorialistes venimeux entrainant toujours derrière eux les derniers vivants de cette horde revancharde et hypocrite dans laquelle je ne me reconnais nullement. Tous ceux-là méritent de finir dans les poubelles de l’histoire. Grâce à vous, Aziz, grâce aux Balestrieri que J’ai la chance d’avoir connus et de toujours fréquenter, grâce aux recoupements multiples que me permettent d’opérer des centaines de papiers d’archives inconnues ou secrètes ainsi que des témoignages écrits et oraux, grâce à tout cela des « Oradours algériens » (pour reprendre une expression que je n’affectionne guère mais qui frappe les esprits et que les mémorialistes pieds-noirs d’El-Halia ont bien comprise depuis longtemps) tels que celui du Béni-Melek, ou tels que celui de Zef-Zef pourront rejoindre celui d’El-Halia et sortir de l’oubli, qui est un euphémisme car ils furent au mieux carrément niés à l’époque : à Zef-Zef s’il n’y avait eu les envoyés spéciaux du Monde et de l’Humanité les faits eussent été inconnus, et au pire complètement occultés comme au Béni-Melek (où ma famille avait pourtant une maison). Cher Aziz vous avez évidemment mon accord pour publier nos échanges, en cette veille du 20 août où nous respectons tous les morts.
 Bien à vous  Michel Mathiot
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Michel MATHIOT
À Moi Le 14 aout 2014 à 1h44 PM
Bonjour chez Aziz,
A l'approche du 20 août, je furète sur internet, et je viens de lire votre commentaire de juillet dans judaicalgéria. J'en ai fait un autre.
D'aucuns peuvent trouver que je mets du temps à accoucher de mon texte. Ils ne savent ce que c'est qu'écrire un livre d'histoire. ça mature, ça mature...
J'espère que vous allez bien. Bonne continuation et bonne fin de ramadhan (un peu tard...).

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Michel MATHIOT
À Moi
17 aout 2014 à 8h36 AM
 Oui Aziz, on m’a accusé d’être un suppôt du FLN, on avait même déploré que « mes amis du FLN ne m’aient pas fait la peau le 20 août »… moi qui avais 5 ans. J’avais ressenti cette attaque comme une menace de mort. Pour ne pas avoir à répondre à des questions on discrédite celui qui les pose. C’est une technique négationniste bien connue. On ne se pose pas la question de savoir pourquoi on en est arrivé là. Pourquoi il y eu cet exode massif et dramatique et ces centaines de milliers de morts qui l’avaient précédé. Le seul sujet dont on se gargarise c’est les quelques centaines de morts du 5 juillet à Oran en plein exode, un événement dramatique en soi mais qui est un épiphénomène dans la séquence de l'Algérie française puisque l'Algérie française était déjà morte. La fin des fins. Alors que tout était joué depuis des décennies et que tout avait commencé au siècle précédent. C'était bien avant qu'il fallait réagir, non pas militairement, mais politiquement. Aujourd'hui, en "livrant des armes", on reproduit sans doute les mêmes erreurs, comme si l'histoire n'avait servi à rien. L’amnésie n’est pas seulement dans la grosse tête des élus locaux, des hommes politiques et des quelques hommes d’Etat qui auraient mieux fait – au lieu de s’occuper de notre avenir – d’aller repeindre leur appartement. La faute n’est pas seulement chez ceux-là qui sont la partie émergée de l’iceberg. Les couvrir de notre réprobation, eux qui détenaient des mandats du peuple et qui étaient à ce titre leurs obligés, c’est insuffisant, car cela masque la marée humaine des « Français d’Algérie » qui, par calcul ou par faiblesse leur firent toujours confiance. O bien sûr, ces gens-là, dont ma famille fit partie aussi, connaissaient tous leurs « bons Arabes » et vivaient avec eux « en bonne intelligence », « en bonne entente » et tutti quanti. La responsabilité elle fut aussi dans la petite tête des innombrables Français du commun, ces petits pieds-noirs crédules et consentants qui ne les ont presque jamais démentis. Soixante ans après le début de l’insurrection fatale et définitive qui eût dû faire écarquiller bien des yeux, il serait temps que ces petits pieds-noirs survivants, ou leurs descendants, regardent en face la réalité de ce que fut le système coercitif politique colonial qui est seul responsable de tous les maux. Il y a belle lurette que la recherche historique a validé cela, non pas les rivières de venin vomies par les mémorialistes, les associations et les stèles à la « mémoire » des tueurs de notre jeunesse à nous, comme de celles de tant de monde. Ce sont eux qui, aujourd’hui continuent à bloquer le système, avec le concours intéressé des prédateurs et des charognards de la politique française. Cela aiderait grandement à reconnaître aussi tous les morts et aiderait les derniers vivants de cette tragédie à vivre. Car comme l’avait écrit Anatole France qui honora de son nom une célèbre « petite école » de la rue des Aurès, « si les morts ont droit à notre compassion, les vivants ont droit à la vérité ».
 Je me calme un peu car aujourd'hui c'est l'anniversaire de ma fille et de mon petit-fils.  
 Bon dimanche chez Aziz.
  Michel

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