lundi 9 septembre 2013

Une Allemande sur les traces de Pélissier

Une photographe allemande sur les traces d’un massacre colonial

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Mettant à profit son passage à Mostaganem, la photographe d’origine allemande, Marion, s’est rendue jusqu’à la grotte de Nekmaria.

Accompagnée de Habib Tengour, romancier, poète et désormais homme de théâtre, ainsi que de Karim Chikh, le patron des éditions APIC, et de sa fille Inès, la dynamique photographe n’a pas hésité à pénétrer à l’intérieur de la grotte où périrent, le 19 juin 1845, plus de 1 500 Ouled Riah. Très émue tout comme la jeune collégienne, Marion Beckhauser, l’artiste allemande qui peine à cacher sa passion de l’Algérie, s’est dit consternée par le massacre commis par le colonel français Pélissier. Les traces de fumée qui continuent de tapisser les parois crayeuses de la grotte ont eu un grand impact sur la jeune fille et sur la dame. De son côté, Karim s’est dit tout simplement bouleversé par ces images que l’on a aucune peine à imaginer. Pour lui, cette enfumade voulue et exécutée par un colonel de l’armée française n’est qu’un autre épisode de la longue souffrance endurée par le peuple algérien durant 132 ans de colonialisme aveugle, assassin et criminel. Inès, à peine 13 ans, ne savait pas quoi dire une fois à l’intérieur de la grotte. Elle affichait un air détaché, se contentant de souligner les atrocités et promettant d’en parler autour d’elle.

Ayant appris quelques bribes sur ces massacres, elle dira que cette visite sur le lieu du drame la marquera à jamais, d’autant que c’est sur son insistance que le groupe a franchi le pas pour pénétrer à l’intérieur de la grotte principale. Leur guide, parfait connaisseur de cette sombre page de notre histoire, leur contera, dans le détail, les préparatifs ayant précédé la sombre affaire. Il rappellera avec moult détails la présence dans la colonne conduite par Pélissier de pas moins de 700 hommes relevant du Makhzen, donc des autochtones ayant fait le choix de servir l’armée d’occupation après avoir servi avec zèle la dictature ottomane. De son côté, le poète Habib Tengour, originaire du Dahra, lui-même descendant des Béni Zéroual, mettra beaucoup de temps avant de reprendre ses esprits. Le visage livide, il ne cessera de tapoter sa jambe droite, en signe de désolation et d’impuissance. De son côté, Karim, parlant du choix radical fait par les Ouled Riah de ne pas se rendre et surtout de ne pas quitter leur refuge malgré les sommations et les criminelles intentions de Pélissier, fera un parallèle avec la mort héroïque, durant la bataille d’Alger, d’Ali La Pointe, du petit Omar Yacef et de Hassiba Ben Bouali. Cernés par les parachutistes du colonel Jean-Pierre, les trois combattants avaient en effet refusé de se rendre, préférant se faire tuer debout et dans l’honneur.

Pour Karim, cette solution ultime – quand bien même assez rare dans l’histoire des peuples opprimés – est une constante du peuple amazigh, ces hommes libres qui n’ont jamais accepté ni les brimades, ni les humiliations, ni les massacres, encore moins le déshonneur. En quittant la grotte à travers les escaliers en lacet qui permettent désormais un accès allégé, les visiteurs se sont arrêtés devant la stèle érigée à la mémoire de cette tribu dont la résistance, comme le soulignera leur guide, aura remis en selle l’Emir Abdelkader qui n’hésitera pas, malgré les défections et les trahisons, à revenir dans le Tell Oranais et à entraîner, dans une mémorable bataille, non loin du mausolée de Sidi Brahim, une colonne de l’armée d’occupation conduite par le sanguinaire Montagnac qui y trouva la mort ainsi que plus de 300 soldats de son armée. Au niveau du plateau de Ch’karnia, à moins d’un km de la grotte, le groupe de visiteurs a eu à voir de près l’immense masure construite pour le Khalifa de Nekmaria, sur les terres de la tribu enfumée. En effet, en guise de récompense pour sa collaboration, le Khalifa aura reçu en offrande une source et pas moins de 50 hectares des plus fertiles terres du Dahra. La somptueuse demeure est accoudée à un fort que gardait une escouade de soldats du Makhzen.             
Karim Chikh et Habib Tengour à Salamandre

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