samedi 14 avril 2012

Les vérités de Ben Bella


Ben Bella: Ma vérité sur l'assassinat de Khemisti

Les nouvelles révélations de Ben Bella
« J'ai rédigé la Constitution avec un membre des Frères musulmans »
 Ma vérité sur l'assassinat de Khemisti
 Pourquoi Chaâbani a été exécuté
 Comment j'ai emprisonné mes opposants

Ahmed Ben Bella, l'ancien Président de la République, revient dans cette partie, la quatrième que Le Matin publie, sur les assassinats politiques commis par son pouvoir contre ses compagnons de la Révolution et les divergences ayant opposé ces derniers au lendemain de l'indépendance à un homme qui avait pris le pouvoir avec le soutien de l'armée des frontières dirigée par Houari Boumediène, Abdelaziz Bouteflika, Kaïd Ahmed et Medeghri. Les trois premières parties que nous avons commencées à livrer intégralement aux lecteurs à partir du 18 janvier dernier se sont articulées autour des répliques de Ahmed Ben Bella aux réactions de certaines personnalités et de la ministre de la Communication à propos de ses attaques contre Abane Ramdane. Dans ce dernier épisode, Ben Bella est « acculé » par l'animateur de la télévision Al Jazira qui lui a apporté la contradiction sur la nature de son pouvoir, à l'origine des conflits entre compagnons d'armes, et la liquidation d'un certain nombre d'entre eux, dont Khemisti et le colonel Chaâbani. Ben Bella avoue, à cette occasion, qu'il avait rédigé la Constitution, le texte auquel s'est opposé Ferhat Abbas, alors président de l'Assemblée nationale, avec un membre des Frères musulmans. Sur cette lancée, l'ancien Président de la République réitère son soutien à Bouteflika et à sa politique de réconciliation nationale.

>Al Jazira : Concernant l'assassinat de Khemisti, ministre des Affaires étrangères (de 1962 à 1963), quelle est votre version des faits ?
>Ben Bella : Je le connais bien. C'est l'un des hommes les plus intègres. Nous sommes originaires de la même ville. Je vais vous dire, il s'agit d'une affaire privée. Il a été assassiné par un homme qui le considérait comme son rival à propos d'une femme, alors que Khemisti ignorait que sa fiancée était déjà engagée.

>On dit également que son assassin a été poussé à commettre ce crime pour faire passer un assassinat politique pour un crime passionnel
Non, c'est faux.

>Vous confirmez donc qu'il n'y avait pas de motif politique même si Bouteflika lui a succédé ?
Absolument. Lors de son arrestation, son assassin a déclaré qu'il l'avait tué parce qu'il était à la solde de la France. Mais en réalité, ce n'était pas là le motif. Tout le monde sait que cela n'est absolument pas vrai. Aujourd'hui, des rues portent le nom de Khemisti et cela prouve l'admiration que lui portait le peuple, et le peuple ne se trompe pas.

>L'assassinat de Khemisti n'était donc pas le résultat de luttes politiques
Non, on a même essayé d'accuser Khider d'être derrière cet assassinat, mais il en est incapable.

>Le 17 mars 1963, le colonel Boumediène a été désigné premier vice-Président de la République. C'est vous qui l'aviez recruté comme militant, alors qu'il était étudiant à l'université d'El Azhar
Oui, c'est juste.

>Vous avez tissé avec lui des liens très forts. Vous vous êtes soutenus mutuellement au cours des luttes opposant les dirigeants de la Révolution. C'était un chef militaire, et on a dit que vous étiez entré dans la capitale (à l'indépendance) sous la protection de ses chars, même si vous niez cela. Etiez-vous convaincu de votre démarche ou bien avait-il de l'ascendant sur vous, ce qui vous a obligé à le faire ?
En réalité, il y a eu une crise au sein du parti. Je voulais en finir avec cette crise et avec la France coloniale. Je devais trouver des cadres jeunes et révolutionnaires pour porter cette révolution sur les plans économique, culturel et autres. Il fallait opérer des changements au niveau des responsables en puisant dans l'Armée de libération. C'est ce qui explique que mon choix s'est porté sur Boumediène, Bouteflika, Medeghri et d'autres.

>Vous avez commencé à préparer le terrain du pouvoir à l'Armée de libération en choisissant ces personnes
Non. Boumaza et Mahsas n'étaient pas de l'armée. Pas plus que Nekkache, qui était un grand homme, et Zahouane. Le bureau politique n'était pas constitué exclusivement de membres de l'Armée de libération.

>Quand vous faites appel au chef des armées et ministre de la Défense, et le désignez comme premier vice-Président de la République, vous confirmez que vous êtes en train d'introduire l'armée dans le système politique
Ce n'est pas une armée classique. C'est une armée qui était au maquis.

>Au moment où vous vous êtes rapproché de Boumediène, de Bouteflika, de Boumaza, vous avez commencé à vous débarrasser de vos opposants
Non, non.

>En 1963, vous avez arrêté et emprisonné Boudiaf, votre compagnon d'armes.
Non, il n'était pas emprisonné.

>Il était emprisonné dans des conditions dignes de l'enfer, comme il l'a décrit lui-même. Vous avez placé Ferhat Abbas en résidence surveillée à Adrar, alors qu'il avait occupé les fonctions de chef des deux premiers gouvernements provisoires, qu'il avait été le président de la première Assemblée nationale, qu'il était une figure emblématique de la Révolution algérienne. Il appelait au multipartisme, à la démocratie et au respect du choix du peuple. Vous avez refusé ses thèses et l'avez placé en résidence surveillée à Adrar (sud de l'Algérie, ndt)
Non tout cela découle d'une lecture au premier degré.

>Alors, expliquez-nous
Aucun d'eux n'a été emprisonné. Ils étaient en résidence surveillée.

>Mais c'est tout de même une prison
Non. C'est une résidence dans une ville où il a une liberté de mouvement totale.

>Non, il s'agit là de résider emprisonné dans une maison située à l'intérieur d'une caserne. Vous avez placé Khider au fin fond du Sud algérien.
A Adrar. Oui, c'est cela, au Sud.

>Monsieur le Président, pourquoi avoir eu recours à cela ?
Il fallait opérer un tri après la révolution. En toute franchise, il fallait empêcher que les richesses du pays soient mal distribuées ou distribuées à la manière capitaliste, et que le pouvoir soit celui des riches. Ferhat Abbas n'était pas d'accord. Ni Khider d'ailleurs qui ne soutenait pas l'autogestion. Ils avaient voté contre au Parlement.

>Vous qui en avez payé les frais, est-ce que des différends d'ordre politique peuvent expliquer qu'après une longue période de lutte, d'exil, de révolution, de peine, des militants en arrivent à s'entretuer, à s'exiler et à s'emprisonner les uns les autres ?
L'exil oui, c'est possible, mais la prison, non.

>Vous pensiez avoir raison ou avez-vous songé que les autres pouvaient avoir raison ?
Je ne pouvais pas donner des domaines agricoles de 5 000 hectares à un Algérien qui allait devenir, au bout de quelques années, un colon français de par sa mentalité.

>Ce que vous avez réalisé à cette époque, Monsieur le Président, qu'est-ce qui a empêché le peuple algérien d'en profiter ?
Celui qui est responsable, c'est l'ordre mondial. Je puis vous l'assurer. Je ne veux pas rentrer dans les détails du putsch, etc.

>Parce que vos compagnons, tels que Aït Ahmed, Boudiaf, Ferhat Abbas, ont dit qu'avec Ben Bella était venu le temps des enlèvements, des emprisonnements, de la dictature et du refus aux militants d'exprimer leurs points de vue.
Au contraire, j'ai ordonné la fermeture du tiers des prisons. J'ai même fermé la prison de Serkadji. Ce n'est pas pour me vanter, mais le peuple algérien était avec moi. C'était là ma force.

>Vous dites que le peuple était avec vous. Cependant, vous n'avez trouvé personne à vos côtés lorsque vous avez été renversé
C'est parce que le peuple en avait assez de sept années de lutte pour l'indépendance.

>Pourquoi avez-vous mis Boudiaf en prison ?
Je n'ai pas mis Boudiaf en prison.

>Alors, tout ce qu'on a écrit est faux
Oui, c'est faux. Il était en résidence surveillée.

>Quelle différence avec la prison ?
J'étais moi-même en résidence surveillée à ma sortie de prison. Avec des militaires chargés de me surveiller et qui habitaient à l'intérieur de la résidence. Mes visiteurs devaient décliner leur identité.

>Quand Ferhat Abbas a démissionné en 1963, il en a fait savoir la raison, à savoir son désaccord avec le projet de la Constitution rédigé par le FLN
C'est là qu'est apparu le désaccord. Il a présenté un texte qui prônait le capitalisme, et moi j'ai proposé un texte que j'avais rédigé avec l'aide de Chaouli, qui était des Frères musulmans et conseiller à la Présidence. Ferhat Abbas était pour le libéralisme. Moi je ne l'étais pas. Et la suite m'a donné raison. Le libéralisme est une catastrophe.

>C'est le libéralisme ou le socialisme qui est une catastrophe ?
Le libéralisme.

>Le socialisme a conduit à la famine
Il a conduit à la famine, mais il a essayé d'éviter certaines choses.

>Il a fait que des pays ont 50 milliards de dollars de dette. Un pays riche en pétrole et en gaz qui vit dans la misère
Le problème, c'est l'ordre mondial

>Le problème se trouve à l'intérieur des régimes
Le problème existe depuis la découverte de l'Amérique, la chute de Grenade et l'affaiblissement du rôle des Arabes sur le plan politique. C'est en 1492 que cela a commencé. Le capitalisme est apparu suivi du colonialisme. Qui plus est nous ne sommes indépendants que depuis quarante ans.


Par défaut
>Le 9 juillet 1963 à Tizi Ouzou, Hocine Aït Ahmed, avec l'aide de Mohamed Oulhadj, le chef militaire de cette wilaya, a organisé sa rébellion dans la région de Tizi Ouzou. C'est donc là une rébellion militaire à votre pouvoir
(rires) Essayez d'avancer avec des transitions pour que je vous suive.

>J'essaye de m'intéresser à tous les leaders de la révolution et qui partageaient les mêmes idéaux
Aït Ahmed n'a jamais été avec moi. Pas une seule fois. Il était avec nous le 1er novembre.

>Il était avec vous en prison
Oui, il était avec moi. Mais dès cette époque, nous avions des divergences sur la Kabylie. Mais le problème entre lui et moi est apparu en fait lorsque nous sommes rentrés à Alger (à l'indépendance, ndlr). Le problème était un problème de pouvoir. Le problème de l'amazighité n'avait pas été posé à cette époque. Il l'a été bien après. Il y a quelque chose que je dois vous révéler cependant, c'est que ce problème d'amazighité m'a été posé par Mammeri qui est un enseignant connu. Il avait sollicité mon accord pour la création d'une filière amazighe (à l'université). J'ai accepté, cependant il n'a eu que trois étudiants en trois ans. C'est un fait que les gens ignorent. Mais la question de l'amazighité ne se posait pas à cette époque.

>Cette rébellion s'est poursuivie jusqu'au 17 octobre 1964, jusqu'à l'arrestation de Hocine Aït Ahmed
Oui.

>Donc, si l'on ajoute à cela Mohamed Boudiaf en prison, Ferhat Abbas au Sud, votre ami Khider à l'étranger, vous vous êtes débarrassé de tous vos compagnons d'armes. C'est quoi cette révolution ?
(Rires). Vous avez une lecture des faits bien singulière. C'est comme cela dans la vie. Des personnes en bons termes aujourd'hui peuvent ne plus l'être demain. Je sais que mes paroles peuvent choquer. Je suis musulman et je vous fait référence aux compagnons du Prophète Mohammed, Zoubeir et Talha, pourquoi n'ont-ils pas trouvé un terrain d'entente avec Ali ? Bon, Je suis musulman et croyant, en réalité je ne veux pas confondre les uns avec les autres. L'histoire des compagnons du prophète est une autre chose. Mais c'est cela la vie. Quand Aït Ahmed est monté au maquis, il y a eu environ 500 morts. Au bureau politique, j'étais le seul à m'opposer à son exécution.

>Mais beaucoup sont morts
Oui, mais ce n'est pas moi qui les ai tués, dont Chabani que Dieu ait son âme !

>Dans quelles circonstances est-il mort ?
C'était un homme de valeur. Son problème est qu'il a refusé le système et l'armée unique, et il s'est rebellé à deux reprises. La première fois avec l'affaire de Tindouf, mais aussi celle de Tizi Ouzou. On y reviendra. Il avait participé à la rébellion de Tizi Ouzou, j'ai réussi à le convaincre de se rendre et je l'ai libéré quelques instants après son arrestation, conformément à la promesse que je lui avais faite. Seulement, il s'est rebellé une seconde fois. Je l'ai supplié de se rendre pendant deux heures au téléphone en lui disant que cette fois-ci, je ne répondrai pas de son sort. Je lui ai envoyé trois délégations dans ce sens, mais il a refusé d'entendre. Après qu'il eut été arrêté, il a été jugé par un tribunal militaire et exécuté. Après ma sortie de prison, sa propre mère est venue me rendre visite et m'a dit : « J'étais près de mon fils quand vous lui parliez au téléphone. Je sais que ce n'est pas vous qui avez ordonné son exécution. »
C'est tout ce que j'ai à vous dire à ce sujet.

>Monsieur le Président
Je vais vous dire autre chose. J'ai été renversé en tant que Président. Mais s'ils ne l'avaient pas fait, l'Amérique l'aurait fait. Si je me suis trompé, j'en ai payé le prix pendant quinze ans (d'emprisonnement, ndt). Si ce sont eux qui se sont trompés, que Dieu leur pardonne.
Aujourd'hui, je soutiens le Président Bouteflika dans sa politique de réconciliation nationale. Non pas pour lui en tant que personne, mais pour aider le peuple algérien.
http://www.kabyle.com/forum/salon-di...-khemisti.html
Réponse avec citation

  #3
Par défaut

Citation:
Je vais vous dire autre chose. J'ai été renversé en tant que Président. Mais s'ils ne l'avaient pas fait, l'Amérique l'aurait fait. Si je me suis trompé, j'en ai payé le prix pendant quinze ans (d'emprisonnement, ndt). Si ce sont eux qui se sont trompés, que Dieu leur pardonne.
Aujourd'hui, je soutiens le Président Bouteflika dans sa politique de réconciliation nationale. Non pas pour lui en tant que personne, mais pour aider le peuple algérien.


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