mercredi 14 mars 2018

Ratages patriotiques


Hier, 28 février 1847, Si Ahmed Bensalem, beau père de l'Emr Abdelkader déposait les armes et cessait la résistance...c'est dans le Bureau Arabe d'Aumale Sour El Ghozlane qu'il signera sa reddition face à Bugeaud, le sanguinaire gouverneur général de l'Algérie...la scène tournée hier 13 mars 2018 au niveau de l’ex école de Beaux Arts de Mostaganem est venue ponctuer 2 semaines d'intenses travaux de tournage du film Documentaire fiction dont la réalisation a été confiée à Larbi Lakehal...la journée avait commencée avec le tournage des dernières séquences au niveau du Marabout de Sidi Mansour...et de la plage éponyme...qui a servi de site pour simuler le débarquement du 14 juin 1830 à Sidi Ferruch...Ce furent 14 jours d'une insoutenable tension...avec le seul soutien des habitants de la région de Amarna...enfants, adultes et vieillards se sont glissés avec conviction dans les costumes d'époque pour incarner des personnages qui ont fait l'histoire de la résistance sous la bannière de la Zaouiya Rahmaniya...
Si durant la période de préparation, nous avions été inondés de promesses publiques et privées, très vite ces belles intentions se sont évaporées les unes à la suite des autres. Tout s’est passé comme si, dans ce pays, il ne restait plus aucune valeur...c’est terrible à dire...et c’est encore plus terrible à supporter...comme je me suis personnellement engagé auprès de la dynamique productrice, j’ai dû en subir dans ma chair les défections successives...mis à part la mairie de Fornaka, dont les élus ont tenus promesse, rien n’est venu de l’administration locale...qui a brillé par son absence et par son dédain. Pourtant, à l’origine, dans les hautes sphères de l’administration, on nous a laissé croire que nous allions trouvé un soutien total...Faut-il rappeler que ce projet était soutenu par le ministère de la culture? et qu’à ce titre, il bénéficiait de l’argent public, donc de celui du contribuable citoyen. Il ne s’agit pas d’un sitcom ou autre documentaire à caractère lucratif destiné à fourvoyer le téléspectateur. Est-il nécessaire de rappeler que la finalité du film est de donner une consistance à ce que furent les souffrances et les résistances des Algériens face à la machine sanguinaire déployée par l’armée coloniale en vue de réduire ce peuple?
Comment expliquer que de toutes les entreprises publiques et privées, indigènes ou à capitaux mixtes, grande ou petite, aucune n’a estimé de son role de soutenir ce projet? Un projet dont le caractère patriotique est incontestable! Faut-il espérer un sursaut? Peut etre que lors du tournage en Kabylie l’honneur sera sauf!
Car dans le mostaganémois, les porteurs du projet ont été livrés à eux mèmes! Nous avons travaillé dans des conditions impossibles. Avec nos véhicules, nous avons empruntés des chemins dignes du salaire de la peur. Tous les jours! C’est à peine si nous avions réussi à colmater les nombreuse crevasses qui rendent le parcours très risqué. C’est un vrai miracle que d’avoir échappé à un accident qui aurait eu de conséquences incalculables. La chaussée rendue glissante à chaque chute de pluie a été une hantise permanente des organisateurs et du sympathique chauffeur de bus qui a bravé avec nous les pires dangers....et la nuit noire...car dès le premier jour, les tournages se sont prolongés parfois jusqu’à 23 heures! En effet, une fois engagés dans le bourbier, Larbi Lakehal et son équipe technique n’avaient qu’une seule alternative, tourner le maximum de séquences afin d’épargner aux acteurs et autres figurants les désagréments du déplacement quotidien. Encore une fois, nous avons appris que de la difficulté nait la détermination. Voir ces deux grands garçons que sont M’hamed Benkerda et Hanafi Daouadji, enfants du coin, emprunter à pied, sous la pluie et le vent violent, le chemin  plus de 4 kilomètres qui sépare Kheireddine du hameau « Ech-Chatt », lieu du tournage, fut pour nous tous un acte de bravoure et de générosité inégalé. Retrouver, tous matins, le regard espiègle du propriétaire du paquet de maisons anciennes, avec toujours ce large sourire illuminant son visage émacié, fut pour moi un moment de grande félicité. Car pour lui, habitant Amarna, sur la rive gauche du Chéliff, le trajet est encore plus laborieux. Il doit remonter une pente raide de plus de 250 mètres de dénivelée et sur une distance de plus de 2 km pour reprendre son poste de gardiens en chef. Sans lui, sans son fils et son jeune frère, nous aurions été dans la nécessité de rentrer les équipements lourds et l’ensemble des accessoires, ainsi que le groupe électrogène prêté par la Protection Civile de Mostaganem.
Le tournage aurait alors nécessité pas moins de 20 jours ! Avec plus de 25 techniciens, 10 machinistes, 4 gardiens et autant de chauffeurs, auxquels il faut rajouter une vingtaine de figurants et au bas mot une demi douzaine d’acteurs, le cout journalier du tournage aidant, il au fallu disposer de plusieurs milliards de budget. C’est pourquoi, sans jamais sacrifier à l’esthétique, le réalisateur et son équipe aux qualités professionnelles incontestables, ont tenu à façonner des images d’une beauté époustouflante.
Cette fresque historique ne méritait-elle pas le soutien, meme symbolique des entreprises locales ? La réponse à cette question centrale du lien à la patrie est indisposante à plus d’un titre. Comment, des opérateurs publics et privés peuvent se détourner à ce point de cette œuvre de réhabilitation et de reconnaissance de la résistance héroïque de tout un peuple ? Comment des noms aussi prestigieux que ceux de l’Emir Abdelkader, le Chérif Boubaghla, Lalla Fadhma N’soumer, Cheikh Mokrani ou Cheikh Ahaddad, pour ne citer que ceux là, ne puissent pas mobiliser un mécénat national ? Alors que dans le forums et en dehors on ne cesse de soutenir que la jeunesse se désintéresse totalement –dramatiquement serait plus juste- de son histoire, pourquoi, ceux qui possèdent les moyens de remédier à cette terrible décrépitude continuent de tourner le dos à cette œuvre culturelle éminemment patriotique ? Il devient indécent de rappeler que dans ce pays, le mécénat puise ses ressources de la fraction fiscale des revenus de l’entreprise…c'est-à-dire que l’argent qui part vers le sponsoring est déjà celui que l’entreprise doit à l’impôt ! Le rappeler est en soi indécent…pourtant…sans le soutien du ministère de la culture, qui oserait engager ses sous pour perpétuer et faire connaitre l’histoire ?

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