Mon cher Gilbert Meynier
C'est avec une immense tristesse
que j'apprends le décès de Pierrette ,votre compagne, paix à son ame. En
ces instants de profonde douleur, je me souviens des ces instants
passés ensemble dans le Dahra, chez les descendants de la tribu des
Ouled Riah. Me reviennent ses mots prononcés avec douceur sur les
migrations, face un parterre de la société civile mostaganémoise et
devant un parterre d'étudiants venus de toutes parts s'abreuver à son
immense savoir de la terrible condition humaine. Je me souviens
également de cette escapade réparatrice dans une ancienne cave du
Dahra, là où des crus du terroir nous furent proposés par un de mes
anciens et brillants élèves en agronomie. Me reviennent aussi à l'esprit
ses interminables discussions avec les jeunes candidats à la migration
clandestine...Ce furent des instants de complicité feutrée dont on garde
à jamais les vivifiants souvenirs. Mon Très Cher Gilbert, mes
singulières prières, empruntées à une religion en devenir, vous
accompagnent ainsi que votre honorable et éplorée famille. Avec ma plus
profonde compassion et mon incommensurable tristesse, Aziz Mouats.Depuis le passage du géographe Felix Gautier, à la fin du 19ème siècle, c’est la première fois depuis les enfumades ordonnées par Bugeaud et exécutées par Pelissier – entre le 19 et le 21 juin 1845, que la grotte de Ghar El Frachih - lieu du terrible drame -, reçoit un citoyen français.
C’est également la première fois qu’un historien ose s’engouffrer dans l’étroite ouverture de la grotte où reposent, dans un indécent désordre, les restes d’hommes, de femmes et d’enfants, enchevêtrés les uns dans les autres pour l’éternité.
Après avoir parcouru le sentier à chèvres qui mène au fond de l’oued El Frachih, le groupe parmi lesquels il y avait le vieux Hammoudi, ancien travailleur émigré revenu au pays, son fils Mohammed, Ahmed le gardien du patrimoine immatériel de la région, ainsi que l’agronome Farid Ouali qui a tenu à faire ce pèlerinage sur ce lieu symbolique et douloureux de la résistance d’un peuple et de l’acharnement d’un autre. La descente à travers les bosquets de chênes Kermès rabougris par la nature du sol, n’aura pas été aisée, en raison des fortes pluies qui avaient rendu le sol glissant. Nous sommes parvenus au niveau du lit de l’oued sans aucun dégât, ce qui est une gageure. Sur les berges, accrochées aux branches de Pistachia lentiscus, les débris végétaux ramenés par le flot sont la preuve d’une crue importante.
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