Avec la dernière sortie de Mouloud Hamrouche, le micro zeste
d’espoir qui restait pour sortir du tunnel, s’est effondré comme un château de cartes.
Une belle et froide douche qui n’enlèvera rien à nos stupeurs et à notre désespoir.
D’ailleurs, les rares voix qui se sont exprimées, notamment celle de Med Benchicou
– sur le site du matin juste après la conférence de Si Mouloud Hamrouche à l’hôtel Essafir-
ou celle prémonitoire de Abed Charef – le quotidien d’Oran de jeudi matin-, il apparaît
clairement que le peu d’intelligentsia encore audible dans ce pays est totalement
perdue entre circonspection et abattement…Alors que faire en absence de repères,
sinon lire la longue et essoufflante plaidoirie de Mourad Benhachenhou en
soutien à la prorogation du règne. J’avoue que des trois chroniques, c’est
incontestablement celle du Tlemcenéen Benhachenhou qui m’a le plus contrarié. Non
pas par sa longueur excessive (1 page entière dans le QO de jeudi 27-02-2014),
mais par les curieux raccourcis qu’emprunte l’ex tonitruant ministre de Zéroual,
connu jadis pour son pragmatisme Tlemcenéen pur jus. Comme je n’ai lu son
papier insipide, voire écœurant, qu’après avoir pris connaissance du contenu de
la conférence de Si Mouloud Hamrouche, je me suis senti trahi par la
démonstration à l’eau de rose de Mourad Benhachenhou. Voilà quelqu’un avec qui
je n’avais aucune raison de me fâcher tant le technocrate nous avait habitué à
une rigueur toute anglaise. Je me demande par quel miracle, cet économiste
iconoclaste au discours si tranché de par le passé, s’est soudain découvert ce
talent de laudateur, d’autant que le système avait déjà affiché sa stratégie de
l’immobilisme sclérosant que dénonce avec le souffle de la dernière chance Mouloud
Hamrouche. J’ai l’ultime conviction que l’impétueux économiste s’y prend bien
tardivement et si maladroitement qu’il aurait mieux fait de persister dans son
silence. Car avouons-le tout net, même si tout est remis aux calendes grecques,
que jamais ce pays ne sortira du marécage dans lequel il se débat depuis 1958,
que ni l’ANP, ni aucun de ses embranchements ne sont aptes à initier le moindre
virage, il est tout de meme désespérant de voir un brillant économiste
rejoindre la légion de Saadani, de Bouguetaya, de Ghoul, d’Amara ( je ne dis
pas Benyounès par respect à son martyr de père), de Belkhadem, de Ouyhia, de
Bensalah et de Sellal. N’aurait-il pas valu pour lui de se cloitrer dans son
confortable silence ? Surtout que l’universitaire nous avait habitués à
plus de clairvoyance et à plus de lucidité. J’ai lu son très long papier et j’ai
de la peine à lui en attribuer la paternité, parce que s’il y avait quelqu’un
que je ne soupçonnais pas de larbinisme accentué, c’était bien Mourad Benhachenhou,
l’enfant de Tlemcen. Son ralliement à la cohorte est fortement interpelatif.
Car il fallait que la pression soit si forte ou l’appel du ventre si incisif au
point de faire tourner la tête à un universitaire d’une rare acuité
intellectuelle. Visionnaire, percutant, incisif, Mourad Benachenhou s’est transformé, l’espace d’une chronique, en
un grand flagorneur de service. Passé le choc des premiers instants, je me
tourne vers Mouloud Hamrouche et je m’aperçois que lui aussi semble désemparé
au point de parler des « impasses qui recèlent de graves menaces, exacerbent
les facteurs de division, paralysent les institutions et soumettent les hommes
à des pressions impossibles ». Afin de se dédouaner de ceux qui l’ont mal
compris lors de sa lettre du 17 février, Mouloud Hamrouche se fait le défenseur
des « forces de défense, de sécurité, les cadres et acteurs économiques
(qui) restent soumis, à chaque échéance présidentielle et à chaque changement de
responsables, à d’intolérables pressions, interrogations et examens de
conscience ». Se voulant plus convaincant, l’ancien chef du gouvernement
réformateur déplore que les hauts responsables soient contraints d’affirmer
leur « allégeance » aux dirigeants du moment, au lieu « d’appliquer
des programmes élaborés et défendus par des courants politiques organisés en
partis ». Il fallait bien ça pour justifier son retrait de la course. Mais
ce n’est pas pour autant qu’il y sera arrivé, puisque la rue continue de
gronder. Et les réseaux sociaux s’emballent à un point de non retour que même
le républicanisme de Mouloud Hamrouche aura de la peine à contenir. Du coup, la
candidature de Bouteflika apparaît plus comme une défaite du système qui l’a
ramené, caressant le fol l’espoir de le voir renvoyer l’ascenseur. Mais c’est
prouver encore une fois que jamais le système y compris lorsqu’il était aiguillonné
par le Cardinal, n’est parvenu à élucider l’équation Bouteflika. Car voilà un
homme trahis par la santé, dont le sort devait se jouer entre 2 vols vers le Val
de Grace, qui refait un fulgurant feed-back dont il détient le profond secret !
Finalement, des deux protagonistes, qui est réellement malade ? Abdelaziz
Bouteflika ou le système ? La question mérite d’être méditée car c’est en
elle que se trouve la solution. Au lieu d’en appeler à l’ANP pour barrer la
route du 4ème mandat, pourquoi ne pas chercher un autre acteur ?
C’est ce que semble suggérer Mouloud Hamrouche. Mais comme lui-même attend un
geste de ses « compagnons d’armes », n’est-il pas normal que cela
débouche sur l’impasse qui se dessine et dont Abdelaziz Bouteflika ne serait
que le quart de l’équation. N’oublions pas qu’il est bien plus jeune et surtout
beaucoup plus rusé que son chef d’état major.
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