Idéologie de la Nation Algérienne.-"nous avons débordé en barbarie les barbares"
« Personne ne connaissait et bien peu s’inquiétaient de mieux connaître la nature du pays qui était au centre du débat. Tous savaient que l’Algérie était un pays de pirates, où les Turcs barbares gouvernaient des Arabes dégénérés. Mais ce qu’étaient l’état de l’intérieur du pays, ses mœurs, ses coutumes et les caractéristiques sociales de sa population, quelle sorte de gouvernement il était souhaitable de mettre à la place de celui qui venait d’être renversé, quel système d’administration il fallait adopter, personne n’essaya sérieusement de le considérer. Sur tous ces points, l’ignorance et l’indifférence étaient complètes. » (Churchill C .H, La vie d’Abdelkader, cf. Gouvernement Général de l’Algérie. L’œuvre civilisatrice de la France en Algérie).Ce mépris qui découle de l’ethnocentrisme et du sentiment de supériorité des Européens, explique aussi le mal qu’auront les Français à confronter la réalité de la Guerre d’Algérie : « … entretenus dans une sorte de manichéisme – avant 1830, après 1830 – élevés dans une manière de légende dorée de l’Algérie française idéale succédant à une Algérie informe et misérable, sans culture ni tradition, n’ayant guère les loisirs de se reporter aux lettres, souvenirs ou mémoires de l’époque, les métropolitains manquaient de bases et des connaissances nécessaires pour comprendre l’épanouissement brutal du nationalisme avec lequel depuis sept ans, nous sommes aux prises. » (Robert Gauthier, « Le schématisme des manuels scolaires ne permettait pas aux métropolitains de comprendre le sursaut du nationalisme algérien, Le Monde, 24 fev. 1962). » Chapitre II : La nation algérienne, réaction à l’eurocentrisme colonialiste ?
L’Algérie avait atteint sa symbiose sociologique dans le courant des XVIème, XVIIème, une fois résolues les barrières ethniques entre les Berbères, les Arabes et les Turcs. Son identité politique se manifesta dans son apport uniquement nominal avec Constantinople, c'est-à-dire dans une large autonomie politique, dont témoignent les traités internationaux conçus par l’Algérie entre le XVIème et XIXème siècles. » (Mohamed Bedjaoui, La révolution algérienne et le droit).
De même, la thèse soutenue par les historiens coloniaux et qui affirme que l’Algérie au XIXème siècle était une colonie turque est démentie par le fait que le peuple algérien invoqua contre les agresseurs espagnoles au XVIème siècle l’aide des Turcs considérés comme frères partageant la même foi, et par le fait que l’intégration de ces alliés était déjà accomplie au XVIIème siècle : « L’Algérie n’est pas une colonie, car les Turcs ne sont pas les seuls à accaparer le surplus produit et ne renvoient pas sur les côtes du Bosphore la part qu’ils prélèvent. Quant au tribut adressé au sultan de Constantinople, il est devenu avec le temps bien symbolique et tend à marquer l’avènement d’un nouveau dey ou à inciter le sultan à adresser armes, janissaires et denrées plus qu’à toute autre chose. Enfin, aucune puissance étrangère n’intervient plus dans la nomination d’aucun fonctionnaire de quelque niveau que ce soit. Le pouvoir dit turc n’a gardé que de bien faibles relations avec l’Etat dont il est issu. L’Etat algérien est sans conteste une entité indépendante et souveraine, répondant aux définitions courantes du droit international. » (J.C Vatin, l’Algérie politique, Histoire et Société).
Chapitre III : Mobilisation des forces profondes contre l’envahisseur
« … L’esprit de lutte et de résistance s’affirma sous une forme précise. Les Marabouts, guidant, dirigeant le sentiment national, proclamèrent le Djihad, la Guerre Sainte ». Les confréries religieuses des marabouts, qui enveloppaient toutes les tribus algériennes, constituaient l’infrastructure socio-politique du peuple algérien. (Ahmed Nadir, Les ordres religieux et la conquête française, 1830-1851).
La religion islamique devint la clef de voûte de la résistance algérienne symbolisée par l’emir Abdelkader, marabout issu de la confrérie des Qâdirîya. Il convient d’insister sur le caractère islamique du combat mené par Abdelkader, caractère qui ne ressort pas toujours clairement dans les références à l’Emir auxquelles font si souvent appel ceux qui il incarne le héros national et nationaliste par excellence.
« Quant à moi, je ne connaîtrai d’autre loi que le Coran. Je ne me laisserai guider que par les préceptes du Coran, par le Coran et rien que le Coran. Si mon propre frère forfait au Coran, même pour sauver sa vie, il mourra. » (La vie d’Abdelkader, Churchill, p. 67).
L’Emir rassembla les forces patriotiques algériennes et créa une organisation étatique, qui entreprit de coordonner le Djihad contre l’armée coloniale française (laquelle était pourtant une armée napoléonienne !). C’est en ces termes qu’Abdelkader s’adresse aux tribus : « Gloire à Dieu seul, et que sa bénédiction soit sur celui après lequel il n’est plus de prophète.
A… (telle ou telle tribu)… et en particulier à ses nobles, cheikhs, notables et oulamas. Puisse Dieu vous éclairer, guider et diriger vos assemblées, favoriser vos entreprises et vos actions. Les citoyens des districts de Mascara, des Gheris Est et Gheris Ouest, leurs voisins et alliés, les Beni Sokran, les Borjia, les Beni Abbès, les Yacoubia, les Beni Amer, les Beni Majaher, et autres non dénommés, sont unanimement convenus de me nommer, et, en conséquence, m’ont nommé au gouvernement de notre pays, en s’engageant à me suivre dans la victoire comme dans la défaite, dans l’adversité comme dans la prospérité, et à consacrer leurs personnes, leurs fils et leurs biens à la grande sainte cause.
"le général Berthezène écrivit en 1831 à Soult : « … Combien de fois ne dois-je pas rougir de voir le caractère français se dégrader ainsi en présence du monde civilisé qui nous observe par ses consuls et même en face de ces Africains qu’on méprise, mais dont l’esprit est très délié ? Ici, plusieurs fois je vous en ai rendu compte, on n’est venu que pour piller les fortunes publiques et particulièrement, on a osé me proposer de faire ou de laisser faire, d’avoir deux poids et deux mesures, de laisser voler les habitants parce que c’est autant d’argent importé en France, enfin d’obliger les habitants à déserter le pays pour s’approprier leurs maisons et leurs biens. Assurément, ce système est fort simple et il ne faut pas un grand effort de génie pour le suivre, mais je ne crains pas d’avancer, qu’abstraction faite de son infamie et de son iniquité, il serait le plus dangereux. » (Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine).
Et une commission d’enquête parlementaire (1833) établit ce rapport accablant sur les résultats de cette dévastation : « Nous avons profané les temples, les tombeaux, l’intérieur des maisons, asile sacré chez les musulmans… Nous avons envoyé au supplice sur un simple soupçon et sans reproche des gens dont la culpabilité est toujours restée plus que douteuses depuis … Nous avons massacré des gens porteurs de sauf-conduit, égorgé sur un soupçon des populations entières qui se sont ensuite trouvées innocentes ; nous avons mis en jugement des hommes réputés saints du pays, des hommes vénérés parce qu’ils avaient assez de courage pour venir s’exposer à nos fureurs afin d’intercéder en faveur de nos malheureux compatriotes…Nous avons plongé dans les cachots des chefs de tribus parce que ces tribus avaient donné asile à nos déserteurs, nous avons décoré la trahison du nom de négociation, qualifié d’actes diplomatiques de honteux guet-apens, en un mot, nous avons débordé en barbarie les barbares que nous venions civiliser et nous nous plaignions de n’avoir pas réussi auprès d’eux. » (Cité par Egretaud, Réalité de la nation algérienne, p. 62)."
Après étude quelques-uns des messages sur ce site maintenant, et je voudrais vraiment votre façon de bloguer. Je signet elle et sera vérifier bientôt de retour.
RépondreSupprimerComment garder les caprins sains