jeudi 9 février 2012

Les Ksours sauveront l'Algérie...du FMI

Note guide Med Hennine
Ain Ouarka où le sel de la terre
Pour la première fois que je passe le nouvel An dans le Sud, avec ma fille et en compagnie d'un groupe multicolore et multiconfessionnel, j'ai eut bcp de peine à retrouver mon rythme une fois revenu dans le Tell...depuis, j'essaie de retrouver mes repères mais j'ai bien acquis la conviction qu'on ne guérit jamais du grand Sud....alors je ne cesse d'en parler autour de moi et j'essaie déjà d'organiser une autre visite avec des artistes, des poètes, des chercheurs et surtout des étudiants en agro mais également en architecture et en géologie...je connaissais un peu la région des Ksours pour y avoir effectué quelques séjours auprès des éleveurs de moutons, ces nomades sédentaires qui savaient accueillir et qui savaient surtout être généreux de leur temps mais aussi de leur passion pour ces espaces semi désertiques. Mais ces séjours s’étaient toujours déroulés au printemps...mais là, en plein hiver avec de surcroit de la neige sur les montagnes qui enlacent Ain Sefra – le Djebel Mekhter au sud et le Djebel Aissa tout juste au nord, avec un pic de 2236 mètres et un parc national de plus de 24.000 hectares-...il y faisait un froid polaire avec des nuits claires, des millions d'étoiles et durant le jour un ciel si bleu que même les yeux de Denis Martinez s'y seraient noyés...j'ai trouvé d'anciennes cités presque entièrement conservées, des gens besogneux et surtout très heureux de retirer du sel de la montagne non loin du lac d’Ain Ouarka...
une station thermale à l'écart de tout. Mais qui apporte les
Marché D'Aîn Sefra
sels minéraux si indispensables à l’homme mais surtout à ses animaux. Car le sel d’Ain Ouarka, que de rudes sédentaires soutirent au prix de mille efforts de la montagne, est sans doute le produit le plus prisé des éleveurs du Grand Sud. Des camions entiers sont livrés aux marchés de la région, là où les nomades vendent leurs troupeaux et s’approvisionnent en fourrages mais surtout en ces précieux cailloux de sels que des touristes déboussolés prélèvent sans égards pour ceux qui vont l’extraire du fond de la terre…comme s’il s’agissait d’un vulgaire caillou juste susceptible d’orner le coin d’une cheminée…il suffit de voir les nombreux puits creusés à ciel ouvert par des mains calleuses pour comprendre que les filons ne sont pas à la portée de n’importe quel quidam. Avant de rencontrer la précieuse roche, combien de tonnes d’argile et de pierres sont déplacées à coup de pioche et de pelle, combien de journée de dur labeur, avec la hantise d’un éboulement qui ensevelirait hommes et animaux. Car sur le flan de la montagne de sel, ce sont les paisibles ânes qui forme
le sel d'Aïn Ouarka
nt une chaine de solidarité avec l’homme pour que des tonnes de sels partent tous les jours combler les besoins des chèvres, des moutons et des dromadaires. Les plus anciens et les plus fidèles alliés de l’homme du désert et d’ailleurs…
Un lac souterrain, poissonneux et étrange
En contournant le djebel Mekhter  pour rejoindre Moghrar, on est fortement impressionné par le changement du couvert végétal, mais pas seulement. A quelques encablures d’Ain Sefra, la route longe un oued que les montagnes abruptes enlacent au point de l’étouffer. Mais dès qu’il en a l’opportunité le court d’eau n’hésite pas à s’étaler au point de devenir une large rivière avec un lit qui fera pâlir de jalousie le Cheliff et La Mina réunis. Si bien qu’à la première occasion, les deux berges s’éloignent pour laisser libre court à la furie des eaux. Meme si lors de notre passage, seul un filet d’eau persistant continue de maintenir l’espoir, il est aisé de remarquer que la largeur de la rivière dépasse par endroit la centaine de mètres….absolument ahurissant pour un algérien du nord, habitués aux parcours sinueux de nos oueds. Déjà au niveau de la ville d’Ain Sefra, l’oued éponyme, au demeurant fort célèbre puisque ce lors d’une de ses crues que la sémillante Isabelle Eberhardt se laissera emporter par ses flots sauvages…et une rivière souterraine où vivent des poissons millénaires.. là c’est déjà Moghrar Tahtani avec ses palmiers majestueux, son village en toub et son musée dédié à Cheikh Bouamama, le dernier résistant...après Fadhma N'soumer....nous avons marché sur les traces du dinosaure de Sfissifa...une cité millénaire qui ferait pâlir de jalousie à la fois Venise et Grenade...avec son système d'égouts vieux de plus de 9 siècles et toujours fonctionnel, et des galeries à ne plus en finir...une vieille vigne d'au moins 150 ans...qui est en train de vivre ses derniers printemps...seul un cultivateur avisé pourrait la tirer d'affaire et en tous cas au moins lui donner une descendance...rien que pour elle je reviendrais à Sfissifa...ma curiosité ampélologique finira par m'y contraindre...pour ce qui s'apparente dans notre langage à un désert...franchement il ne faut pas se laisser abuser...jamais je n'ai eut autant l'impression que le désert est dans nos tetes et dans nos comportements....enclavée entre deux chaines de montagnes, l'immense plaine qui relie Sfissifa -à la frontière avec le Maroc- à l'ancienne cité médiévale de Asla ou à la vallée de Ouarka où prend naissance un oued, il y a suffisamment de terres fertiles pour éviter à l'Algérie une pénurie alimentaire...il y a  de l'eau à profusion. Ce sont les chaines de montagnes qui servent de réservoir. Les cimes situées parfois à plus de 2200 m d'altitude –taquinant avec condescendance le Djurdjura, le mont Chélia et le majestueux Assekrem- ne sont jamais à court de neige durant l'hiver. Alors que les versants Sud, entièrement balayés par les rayons d'un soleil plutôt bienveillant, éprouvent de la peine à entretenir la moindre végétation, les versants Nord, complètement à l’abri durant cette saison, ne se privent jamais du burnous blanc qui donna leurs nom aux Pyrénnées....Normal que dans la vallée, des multitudes de ruisseaux fédèrent leurs efforts pour donner naissance à de larges oueds. Pas aussi éphémères que çà, d’ailleurs, puisque Hammou, notre guide me signalait que la source qui entretient les thermes de Ouarka aurait un débit de 90 l/seconde….La morphologie des sols aidant, une grande partie de ces eaux finit par rejoindre des nappes phréatiques que le génie de l'homme saharien aura sut faire fructifier en érigeant de somptueuses oasis que l'Algérie algérienne ne sait pas encore exploiter dans le durable. Dromadaires et moutons, par troupeaux entiers, s'échinant à longueurs d'années à y brouter les moindres végétaux. Le comble est là devant nous: de belles vaches pie noire ou normandes font leur apparition...de vraies colonies de bovidés sont en train de terminer le travail de massacre que l'homme moderne ne veut plus assumer. Comme s’il s’agissait d’une autre planète…Un matin, nous avons été conviés à violer l’intimité des dunes qui surplombent Ain Sefra. Arrivés face à l’hôtel public, nous nous engageons, comme de braves citadins à franchir les dizaines – centaines ?- de mètres accumulées par les dunes.
Dune d'Aïn Sefra

Au delà les dunes d'Aïn Sefra
Très vite, mes souvenirs de montagnard de Béni Mélek viennent à mon secours. Un jeune Djidjélien qui s’attaquait frontalement et dans une juvénile insouciance à la pente raide que la dune dressait devant lui, finira par me persuader que seule une avancée en lacets pouvait faciliter l’accès à la cime des dunes. En effet, au bout de quelques pas, le jeune homme bien intentionné se mettra  quatre pattes, comme un vulgaire animal. Avec ma fille qui déjà redoutait l’obstacle, nous nous engageons à prendre la dune par son flanc. Ce qui flatta la dune qui y trouva apparemment un certain plaisir. Elle se prêtera avec délicatesse à nos pas mesurés qui lui écorchaient la peau sans jamais la saigner. Ayant suggéré à ma fille de mettre ses pas sur mes traces, je l’assurais d’une assise certaine. Lentement, nous finissons au faîte de la dune. Un léger vent glacial balayait nos visages et la rareté de l’oxygène commençait à se faire sentir. Mais l’effort en valait bien la chandelle car à nos pieds, l’oasis d’Ain Sefra s’étendait à perte de vue. Le temps couvert menaçait de s’assombrir, sur les montagnes, les gros nuages avaient de la peine à se déplacer. Puis soudain, un rayon de soleil parvient à se frayer un mince passage entre les gros nuages. Une partie de la ville en fut illuminée, juste le temps d’ajuster quelques clichés, puis la lumière s’estompa. La ville éternelle retrouvera cette lumière blafarde qui annonce toujours l’orage. Pendant un cours instant, je me suis retrouvé dans ma région natale, là où la forêt est si dense et la pluie si généreuse que même le napalm de l’armée coloniale n’était pas parvenu à en décimer définitivement le tapis végétal…incontestablement, la région des Ksours mérite toute notre attention et toutes nos forces…
Les légendaires COINGS de Tiout











Les intempéries sont dans nos têtes
Moi je continue de croire fermement que la neige est un atout majeur pour comprendre les défis agronomiques de la région des Ksours...je suis comme toujours mis en minorité....sans avoir été écouté...que nous réserve l'avenir...quelle date retenir pour une prochaine virée?   c'est le plat pays...jusqu'à quand allons nous continuer à tergiverser??? tout le monde ne semble pas apprécier l'état de déliquescence de l'université algérienne...

il ne faut pas croire qu'il suffit de claquer des doigts pour que tous les chercheurs s'engagent...ce qui est pathétique chez nous c'est que peu de gens ont conscience des besoins du pays....lors de la réunion d'une dizaine d'enseignants d'agro...j'avais justement insisté sur le fait que nous allions d'abord aller à Naama pour apprendre et que moi qui ne suis pas un adepte du LMD, je trouvais que cette affaire de Naama serait une excellente opportunité pour asseoir enfin une ligne directrice pour que le LMD ait quelques chances de s'incruster dans les sciences agronomiques...et de se trouver une voie vers quelque chose qui se tienne...et qui devra nécessairement déboucher sur une action de développement qui dépasserait la chambre agro de Naama, l'université et l’économie algérienne...car jusqu'à présent, ce système a été très mal apprécié par nos universitaires....il ne suffit pas de faire du copier-coller, comme c'est malheureusement le cas pour la grande majorité des parcours...ce déplacement est une grande opportunité pour entrainer les jeunes agronomes vers des horizons qui leur ouvriront des perspectives sur la sécurité alimentaire du pays...et des clés pour nous éloigner de la dépendance alimentaire…il me souvient qu’en 1973, je débarquais à Annaba sur le périmètre du Bou Namoussa....il y avait 8000 vaches laitières qui n'avaient pas de quoi se nourrir, les experts n'avaient pas tenu compte du froid qui allait ralentir la croissance des fourrages d'hiver (Bersim et orge)   il a fallu ramener du fourrages sec depuis El Khémis et Ain Defla par trains entiers...du jamais vu en Algérie...déplacer des bottes de foin sur 700 km...juste pour donner à manger aux vaches que l'on venait d'importer...j'espère que nous n'aurons pas perdu du temps...et refroidi les tièdes ardeurs de nos amis...Ksouriens…mais pas seulement…

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