dimanche 19 juin 2011

Os humain et reliques retrouvés dans la grotte de Nekmaria


Dialogue entre les Ouled Ryah et Juppé

Chers Amis, voici le scoop le plus douloureux de ma carrière, je viens de rentrer de Nekmaria et j'ai été entrainé par des descendants des Ouled Ryah à rentrer dans la grotte...un peu hésitant, vu l'insistance de mes nouveaux amis, je me décide à les suivre, je descend très difficilement à travers un conduit étroit de plus de 3 m et me retrouve à l'intérieur d'un grotte...sous la poussière et les pierres mes compagnons d'outre tombes sortent un long os humain, une omoplate et plusieurs vertèbres cervicales...un bâton en thuya servant à maintenir les tentes – reconnaissable grâce à une entaille servant à maintenir les cordes- et des reliques...166 ans jour pour jour après les enfumades...j'en suis secoué pour le restant de ma vie....l'épreuve est très lourde à porter. Pourquoi, l'orphelin de Skikda, rescapé des massacres du 20 aout 55 j'en suis arrivé à venir déterrer les Ouled Ryah...morts asphyxiés par Pélissier. Car il est indéniable que c’est bien la première fois depuis 166 ans, qu’au niveau de la grotte de Nekmaria, connue sous le nom de Ghar El Frachih , 80 km à l’est de Mostaganem en plein massif du Dahra occidental, quelqu’un fait pareille découverte. Aidé par des habitants  de Nekmaria et de douar El Frachih, j’étais venu servir de guide à une équipe de l’ENTV venue couvrir la commémoration des enfumades du Dahra qu’organise l’université de Mostaganem. Ce sont mes amis des Frachih et de Nekmaria qui m’invitent à aller voir au fond de la grotte. Je suis un peu hésitant à la vue du mince passage que Mohamed m’indique tout juste à la droite. Surpris parce que dans ma naïveté je pensais que seule la grotte d’en haut était concernée, puis je me souviens du document de EF Gauthier publié en 1914 et me revient de suite en mémoire le passage où il parlait de 2 grottes ; celle du bas et celle du haut. C’était celle du bas que mes compagnons m’invitaient à visiter…donc Gauthier avait raison…dire que je ne l’avais jamais cru, puisque pour moi la grotte du bas correspond à celle qu’emprunte l’oued Frachih pour rejoindre l’oued Zerrifa…donc un simple lit d’oued creusé à même la montagne. Voyant le mince passage, j’ai franchement hésité, puis vu la sincérité du regard de mon interlocuteur, je ne pouvais résister et je m’engage dans létroit passage en pente. Mon appareil photo prend un coup contre la paroi et mes pieds qui glissent sur la roche qu’une épaisse couche de poussière recouvre allègrement. Soudain je me retrouve sur mes pieds, dans une immense grotte où sévit une agréable fraicheur. Les torches aux lueurs blafardes s’allument autour de moi. Je parviens enfin à mesurer la hauteur (1,5 m, voire 2 m par endroits). Puis dans un coin, les jeunes de Frachih se mettent à soulever les pierres, une main farfouilleuse parvient à dégager la poussière qui recouvre le sol, puis soudain, apparaît un os que j’identifie comme étant un cubitus humain, mince et très effilé, en fait il s’agit d’un péroné, - c’est Ali qui en a fait l’identification grâce à une photo-, juste après on retire une omoplate…puis des vertèbres cervicales sortent de la poussière. Un jeune homme parle d’un crane qu’il ne parvient pas à libérer de dessous les pierres. Un autre jeune remonte un bâton de thuya dont je reconnais rapidement l’usage grâce à l’entaille qu’il porte sur un bout. Il peut servir à entraver une chèvre ou une brebis ou etre utilisé pour tendre la corde d’un tente. Dans un autre coin, on retire des reliques, du simple linge blanc, certainement du linge de corps féminin. 


Fiers montagnards du Dahra
Cette grotte est connue pour avoir été le théâtre d’une terrible enfumade fomentée par le colonel Pélissier les 18 et 19 juin 1845. Connu pour être l’un des pires massacres commis par l’armée française d’occupation, cette enfumade avait entrainé la mort, après de terribles et interminables souffrances de plus de 1200 personnes, dont des vieillards, des femmes et des enfants appartenant tous à la tribu des Ouled Ryah, de fiers montagnards du Dahra qui ont été pourchassé jusque dans ce refuge par une colonne de 2500 hommes sous les ordres du colonel Pélissier. Ce dernier avait fait amasser des fascines avant d’y mettre le feu que la troupe entretiendra deux nuits  durant, asphyxiants hommes et bêtes. Cette mise à jour d’ossements humains intervient quelques jours à peine après la visite d’Alain Juppé, le ministre des affaires étrangères Français qui n’a pas hésité à balayer d’un revers de la main toute forme de reconnaissance des crimes et massacres coloniaux commis à l’encontre du peuple Algérien par l’armée française d’occupation , et ce durant 132 ans. Ce cubitus et ces vertèbres remontées par les descendants des Ouled Ryah en ce jour anniversaire des enfumades, sont la preuve irréfutable des horreurs commises sur des innocents. Cette découverte intervient 166 ans, jour pour jour, de ces massacres, preuve que l’histoire des méfaits coloniaux reste à écrire. En ce jour anniversaire, le hasard aura voulu que je parvienne à retrouver les restes humains des Ouled Ryah.



Une sépulture pour tous les disparus
C’est pour moi la fin d’une longue et insoutenable obsession. Depuis le premier jour où accompagné de mon fils Ali, je suis arrivé à cette « médina souterraine », selon la bonne formule d’Assia Djebar, je n’ai jamais cessé de lutter afin de donner un linceul à ces ancêtres que l’amnésie générale avait complètement évacués de la conscience nationale. Alors que la plupart des témoignages parlent de plus de 700 victimes que Pélissier a fait évacué afin d’établir une macabre comptabilité, j’ai toujours eut la certitude qu’il ya avait encore des corps ensevelis dans les grottes. Voilà que 166 ans après ce massacre, par un simple hasard de l’histoire, c’est à moi que les descendants des Ouled Ryah et des Frachih osent montrer les restes de leurs aïeux. C’est la preuve que contrairement aux idées reçues et acceptées non sans une certaine légèreté, qu’il ya encore des sépultures sous les amas de pierres et de poussières. Que les Ouled Ryah me pardonnent cette incursion dans leur médina souterraine…je ne suis ni un croque-mort ni un sorcier. C’est mon destin que de chercher inlassablement à donner une sépulture digne à tout disparu… sur cette terre d’Algérie meurtrie par les traitres et les criminels, il ya encore fort à faire…Alain Juppé peut continuer à nier les évidences, de dessous les ténèbres, ce sont les Ouled Ryah qui viennent l’interpeller…la France a tout à se faire pardonner…elle ne perd rien pour attendre…
Aziz Mouats

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...