L'arrivée des amerloques ne présage rien de bon. Surtout lorsqu'il s'agit de l'agriculture indigène qui peine à trouver ses marques. Déjà lors de la mise en application des accords de rééchelonnements de la dette, en pleine guerre contre l'intégrisme à connotations islamiste, le FMI et la BM avaient imposé à l'Algérie le démantèlement de son système de formation agricole et agronomique...plus de 80 structures de formation, y compris supérieure comme l'ITA de Mostaganem, seront passées à la trappe avec l'assentiment des responsables...alors que le statut des terres surtout celles héritées de la colonisation, est maintenu dans un anachronisme fâcheux et que l’investissement tant privé que public se réduit du fait de ce non-statut, voilà que les fellah américains pointent le bout du chenillard...ici une chronique très sérieuse publiée dans Mondafrique par le talentueux Chawki Amari....c'est très sérieux et ça devrait interpeller tous les braves patriotes encore vigiles dans ce pays...moi j'ai déjà froid sous 40 degrés Celsius...
Aziz MOUATS
Les Etats-Unis à l’assaut des terres algériennes
International
- Par Chawki Amari - Publié le 08 Juin 2015 sur Mondafrique
Début juin, l'Algérie signait un accord agricole avec
les Etat-Unis faisant craindre l'implantation de laboratoires de semences dans
le pays. Un partenariat qui résulte en partie de la politique néo-libérale
prônée par le frère du président, Saïd Bouteflika.
C’est par
l’agriculture que les USA entament une nouvelle offensive terrestre sur
l’Afrique, Algérie comprise, avec la bénédiction de Saïd Bouteflika,
le frère du président. Une histoire de famille recomposée dans une longue
tradition de relations en dents de scie entre les Etats-Unis et l’Algérie.
Laboratoire
agricole
Fin juin.
Chaleur ou ramadan, ou les deux, le ministre algérien de l’agriculture,
fraichement nommé, s’emporte en visitant une exploitation à l’occasion du
lancement de la campagne labour-semailles. Fatigué d’entendre les plaintes des
agriculteurs sur le manque d’aides de l’état, il lance : «vous ne
faites que demander des subventions, dans ce cas, restez chez vous.» En
effet, l’état algérien dépense chaque année près de 2.5 milliards d’euros pour
l’agriculture, 5ème budget d’état depuis l’ouverture au privé en 1987 (oui,
l’Algérie était très Soviet à l’époque).
Mais pour un
secteur qui contribue à hauteur de 10 % dans le PIB et occupe 25 % de la
population active (contre respectivement 1.6 % et 5.2 % pour l’Union
Européenne), ce n’est pas assez. A titre d’exemple l’Islande et la Norvège
redistribuent 66% des revenus agricoles en soutien aux producteurs, l’Union
Européenne 33%, la Turquie 24, le Mexique 14 et l’Algérie à peine 5%. Mais la
colère de Abdelkader Kadi n’est peut-être qu’une coïncidence, pendant que le
ministre parlait de « fainéantise » aux agriculteurs algériens, des
accords se nouaient avec les Etats-Unis, implantation de laboratoires de
semences et expérimentations diverses sur des terres sahariennes, sur la base d'une
introduction beaucoup plus large en Afrique.
La menace a
fait réagir des spécialistes panafricains à Alger, d’autant que deux mois plus
tôt, la commission de l’Union Africaine où l’Algérie est très influente,
envisageait d’Addis Abeba en Ethiopie, de donner plus de liberté sur les OGM
aux États membres. Si le Kenya est déjà embourbé dans les OGM US, de même
que le Sénégal, le 23 mai dernier, pour la journée internationale contre les
OGM, une manifestation a eu lieu au Burkina Faso, rassemblant des militants
venus de tous les pays d’Afrique hostiles aux projets américains. Contrairement
aux Algériens, ils sont inquiets de l’arrivée de la Fondation Bill Gates, qui
sous couvert de 3 milliards de dollars « donnés » à l’agriculture
africaine (95% de cette somme va en réalité aux organisations internationales
présentes sur place), a amené avec lui des géants de l’OGM comme Monsanto (dont
il détient des actions) mais aussi implanté des partenariats avec la fondation
Rockefeller et les multinationales Cargill, Unilever, Nestlé, Coca cola et
Olam. Au centre du projet africain, la recherche génétique, comme pour les
accords signés avec l’Algérie, un euphémisme anglo-saxon pour diffuser des
semences OGM et toute la panoplie de produits chimiques qui vont avec.
Obama,
l’Afrique aux Américains
On attribue
généralement à Massinissa, Aguellid (roi) berbère qui a unifié le pays (la
Numidie, soit l’Algérie du Nord, au IIème siècle avant JC) cette maxime,
adressée à l’empire romain conquérant de l’époque : » l’Afrique aux Africains. »
Sur le continent, les petites fermes familiales produisent plus de 90 % de
toutes les récoltes et pour les Etats-Unis, le problème est plus large, en
absence de débouchés, ils attaquent en Afrique, qualifié de « continent à
la croissance la plus rapide » par la Maison-Blanche lors du sommet
Etats-Unis-Afrique de l’année dernière. Pour contrer l’offensive
chinoise ? Un rapport de l’ONG Action Air International daté de fin mai
2014 est à ce sujet édifiant : « le continent africain, qui possède à
lui seul un quart des terres fertiles mondiales, concentre 41% des transactions
foncières, sur un nombre total de 1.515 transactions à travers le monde. »
Premier
acheteur de terres en Afrique, les USA possèderaient déjà 7 millions d’hectares
pendant que la Chine stagne à 1,34 millions, résultat probable d’une campagne
lancée en Grande Bretagne en 2013 à travers des affiches, géantes dans les
aéroports, stations de métro et tous les centres des grandes villes, payée par
le journal The Economist : BOOMING CHINESE INVESTMENT IN AFRICA IS BAD FOR
AFRICANS (le boom des investissements chinois en Afrique est très
mauvais pour les africains). Résultat de la campagne ? On ne sait pas
trop. Mais depuis l’an 2000, poursuit le rapporteur d’Action Air International,
plus de 1.600 transactions de grande échelle ont été répertoriées, soit une
superficie totale de 60 millions d’hectares », sans compter les terres non
cadastrées par les états africains, qui représenteraient 70% des terres.
L’Algérie résiste encore, qui interdit le droit à la propriété du sol par des
étrangers, mais elle possède d’immenses terres dans son Sud, plus d’un million
de kilomètres carrés, assis sur une nappe d’eau fossile géante. Pour un
Américain affamé et assoiffé, c’est la Californie.
Bouteflika,
saison 4
Mais comment
les USA ont-ils réussi à s’attaquer à la sacro-sainte valeur des Algériens, la
terre ? Dans un câble daté de décembre 2009 et révélé par Wikileaks, il
est fait mention que le département d’Etat est à la recherche d’informations
sur le frère du président Abdelaziz Bouteflika, Saïd. Ce câble émanant du
secrétariat d’Etat et signé Clinton souligne que les analystes de Washington
manquent de «rapports sur ses activités et ses soutiens.» Un autre câble
américain s’inquiète « du virage à gauche pris par l’Algérie » et à
la fin de son 3ème mandat (2004-2009), le président Bouteflika tombe malade, le
frère reprend discrètement la gestion et les soutiens sont identifiés, Il
Camerlingo est approché.
L'Amérique,
déjà bien présente dans les hydrocarbures conventionnels et depuis peu dans le
gaz de schiste, s’attaque à l’agriculture avec le nouveau ministre Abdelkader
Kadi nommé en mai dernier, qui entérine les accords assez opaques avec les
Etats-Unis. Il ne s’agit officiellement pas encore d’OGM mais la voie est
ouverte, après le sous-sol, les Américains entrent en sol. Accrochée à ses
principes dans l’axe historique Tunis Damas Téhéran Pékin New Delhi Moscou,
Alger tente de se diversifier avec la chute de ses recettes pétrolières. Mais
l’opposition est tenace, à l’image de Louisa Hanoune, la trotskyste de choc du
Parti des Travailleurs (24 sièges sur 462 à l’Assemblée), qui ne cesse de
fustiger ce néo-libéralisme conduit par Saïd Bouteflika, lui-même ancien
syndicaliste trotskyste, détenteur par ailleurs d’un doctorat à Paris en
intelligence artificielle.
En cause,
l’impulsion qu’il donne à son entourage, dont Ali Haddad, partisan d’une
ouverture totale et qui vient de signer un partenariat avec l’Américain Varian,
leader dans les dispositifs de radiothérapie pour récupérer une partie des 1,8
milliards d’euros que l’état algérien va mettre, un peu tard, dans un plan
national anti-cancer. Oui, le frère travaille alors que le président est malade,
mais lui se soigne en France, pendant que le grand amour, Etats-Unis/Algérie,
renait de ses cendres. Le président Bouteflika, quand il était encore debout au
début de son premier mandat, avait déjà donné la mesure : « nous ne
sommes pas de taille à affronter l'Amérique » avait-il humblement avoué.
Rodriguez au
pays des merguez
Une semaine
après la nomination d'Abdelkader Kadi à l’agriculture, le chef d’état-major
Ahmed Gaïd Salah ainsi que le premier ministre Abdelamalek Sellal recevaient à
Alger le général David Rodriguez, chef du commandement de l’Africom, le United
States Africa Command, créé en 2007 par W. Bush pour coordonner toutes les
activités militaires et sécuritaires des États-Unis sur le continent, mais
qui n’y trouve toujours pas de siège pour son bureau.
Il n’y a
sûrement aucun rapport avec l’agriculture mais le signe d’une coopération
régulière entre les deux pays, notamment sur le terrain sécuritaire. Les
relations algéro-américaines qui «remontent à plusieurs années» sont empreintes
de «confiance», déclare le général Rodriguez. Il a bien dit « quelques
années », car il y a 200 ans, 15 ans avant l’invasion coloniale française
de l’Algérie, les USA et l’Algérie entraient en guerre, pour des produits
agricoles. Entre 1785 et 1793, les redoutables corsaires de la Régence
capturent des dizaines de navires américains chargés de denrées alimentaires
pour un arriéré de 27000 dollars sur les sommes à payer depuis le traité de
1795.
L’opinion
publique américaine, poussée par les exportateurs des produits agricoles,
réclame des mesures, ce qui tombe bien puisque terminant la guerre avec
l’Angleterre en 1814, l’Amérique peut déployer des navires en Méditerranée et
foudroie la marine algéroise en 1815. Un traité est signé, avec des indemnités
à verser aux Américains et cette première défaite d’Alger, alors sous
protectorat turc, ouvre la voie au bombardement de la ville par une flotte
anglo-hollandaise l’année suivante, ce qui achève le mythe de l’invincibilité
d’Alger El Mahroussa (la bien gardée).
Le blé, nerf
de la guerre
La suite est
connue, le duc de Bourmont, déserteur à la bataille de Waterloo en 1815 est
nommé pour débarquer à Alger à la tête de 37 000 hommes en 1830 et annonce aux
Algériens : « la France vient vous libérer de vos tyrans turcs et vous redonner
votre indépendance », sous les moqueries de son armée qui n’a pas oublié et
murmure à voix basse « Alger est loin de Waterloo, on ne déserte pas sur
l’eau ».
Encore une
histoire de blé d’ailleurs, si le fameux coup d’éventail du Dey d’Alger infligé
au Consul de France fut le prétexte de l’invasion, la colère du régent
résultait d’un contentieux, deux intermédiaires, Bacri et Busnach, vendent à
crédit du blé algérien à la France, qui tergiverse sur ses créances, poussant
le Dey, manquant d’argent, à s’en mêler directement. Ironie du sort, 50 ans
avant la colonisation française, l’Algérie est le premier pays à reconnaitre
l’indépendance des Etats-Unis en 1783. Depuis, les relations ont évolué en
dents de scie, l’Algérie condamnant les invasions américaines et l’Amérique
reprochant à l’Algérie son soutien (prudent) au Yémen, à la Syrie, l’Iran et
tous les maltraités de la Terre.
Ingrat,
toujours en juin dernier, alors que les accords agricoles viennent d’être
paraphés, le responsable de la Section commerciale de l’ambassade américaine à
Alger, Christopher Wilken, exprime publiquement sa déception vis-à-vis de
l’Algérie, qui « occupe la 147e place sur 189 pays pour ce qui a trait à
la facilité de faire des affaires.» Quelques jours plus tard, le département
d’état américain remet une couche, pondant un méchant rapport sur la situation
des droits de l’homme en Algérie. L’oncle Sam et le frère du président ne se
fâchent pas pour autant mais tout n’est pas réglé, les Affaires étrangères,
conduites par le tatillon Ramtane Lamamra de la vieille école, répond en
fustigeant l’Amérique avec un langage qui contraste avec la légendaire
neutralité algérienne, jugeant «partial» voire «outrancier» ce
rapport, soulignant « qu’il n’engage que ledit partenaire » (sans le
nommer) et précisant que la communauté internationale « est, en
l’occurrence, loin de reconnaître une quelconque mission de juge universel des
droits de l’Homme à ce pays » (toujours sans le nommer).
Que de
l’amour.
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