Alors que le projet du centre national de préservation des souches avance à pas incertains, il est heureux de constater qu'à travers le monde, l'espoir est permis. Ici la mise en évidence d'une nouvelle bactérie qui deviendra bientôt un redoutable antibiotique. Le doc est aussi une belle illustration de l'évolution des techniques de culture, plus rationnelles et surtout plus efficaces...
Espoir avec la découverte d’un nouvel antibiotique
Un nouvel antibiotique prometteur a été identifié par une équipe de chercheurs américains et allemands dont les résultats sont publiés jeudi 8 janvier dans la revue Nature. Une découverte à marquer d’une pierre blanche tant cela est devenu rare dans cette catégorie de médicaments, contrairement à d’autres domaines. La molécule identifiée a montré, chez la souris, une efficacité contre des bactéries difficiles à traiter. Une dizaine d’années seront encore nécessaires pour qu’elle soit éventuellement utilisable chez l’homme.
L’alarme a été maintes fois donnée. Après l’ère dorée allant des années 1940, où les antibiotiques sont apparus, à la fin des années 1950, où ils se sont multipliés, deux problèmes sont survenus : la découverte de nouveaux antibiotiques s’est progressivement tarie – six classes nouvelles ont vu le jour depuis les années 1960 – et, dans le même temps, les souches bactériennes résistantes aux molécules existantes ont proliféré.Le premier phénomène s’explique par le désintérêt croissant des industriels pour des médicaments utilisés le plus souvent pour de brèves périodes et dont la durée de vie sur le marché est écourtée par le développement des résistances. Le second résulte d’une utilisation abusive et inadaptée des antibiotiques : l’excès de prescription et de consommation, l’interruption trop précoce des traitements, l’administration massive à des fins économiques dans des élevages d’animaux…
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/01/08/espoir-avec-la-decouverte-d-un-nouvel-antibiotique_4551731_3244.html#VtfHITGMfFLosMfI.99
Fabriquée par une moisissure
Au point que les résistances bactériennes ont entraîné
une mobilisation des Etats. En France, Marisol Touraine a
lancé en novembre un « groupe de travail pour la préservation des
antibiotiques », chargé de présenter ses propositions en juin 2015 pour réduire
une consommation supérieure à la moyenne européenne. Depuis septembre, des experts
britanniques travaillent sur de nouveaux modèles économiques. Selon ces
derniers, la résistance aux antibiotiques pourrait causer
10 millions de morts par an d’ici à 2050. Aux Etats-Unis, un décret signé
en septembre par Barack Obama vise à renforcer
les capacités de combattre
la résistance des bactéries.
C’est dans ce contexte que Losee
Ling (NovoBiotic Pharmaceuticals, Cambridge, Massachusetts) et ses confrères de
plusieurs institutions publiques américaines et allemandes se sont mis en
chasse de nouvelles molécules dotées d’une activité antibactérienne.
La mise au point d’antibiotiques a reposé jusqu’ici
sur l’identification de substances produites naturellement par des
micro-organismes présents dans le sol. Ces substances permettent de se défendre
contre des bactéries. La pénicilline est ainsi à l’origine fabriquée par une
moisissure. Les substances naturelles présentent l’avantage d’être le fruit d’une
longue évolution qui leur permet de pénétrer
dans les bactéries ciblées bien mieux que des produits de synthèse.
Mais la contrainte est qu’il était nécessaire de se limiter
aux micro-organismes cultivables en laboratoire. Or « on avait fait le tour des composés obtenus par ce
procédé susceptibles d’avoir une activité antibiotique », constate le
professeur Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses à
l’hôpital Saint-Louis, à Paris. C’est précisément
là que l’équipe américano-allemande a réalisé une percée, grâce à l’utilisation
d’un dispositif miniaturisé très innovant, l’iChip : une puce multicanaux.
Un échantillon d’un gramme d’un sol herbeux prélevé
dans l’Etat du Maine, aux Etats-Unis, a été dilué de telle façon qu’à peu près
une seule cellule bactérienne aille se nicher
dans un minicanal. Puis ce dispositif a été recouvert de deux membranes
semi-perméables et replacé dans le sol. Au bout d’un mois, près de la moitié
des cellules avaient donné naissance à une colonie, alors que 1 %
seulement de cellules poussent avec la méthode de culture classique dans un
milieu de culture, selon les auteurs. Les colonies ont ensuite été mises en culture in vitro.
Dans un second temps, quelque 10 000 cultures
isolées ont été testées sur des plaques recouvertes de staphylocoques dorés
afin de détecter
une éventuelle activité antibiotique. Cela a été le cas avec l’extrait d’une
nouvelle espèce bactérienne, baptisée provisoirement Eleftheria terræ.
Les chercheurs ont identifié la molécule responsable de cette action sur les
bactéries de type Gram positif, comme le staphylocoque doré, et l’ont appelée
« teixobactine ». Elle agit en s’attaquant à la membrane des
bactéries qui, comme celles de type Gram positif, ont une paroi épaisse.
Nouvelle technique de culture in situ
Enfin, la teixobactine a été testée avec succès chez
des souris infectées par le staphylocoque doré, par le pneumocoque, par Clostridium
difficile ou par le bacille de Koch, agent de la tuberculose. Des résultats
encourageants mais qui ne signifient pas que la molécule pourra assurément entrer
dans la pharmacopée. Elle doit en effet passer
par diverses étapes de développement, d’évaluation de sa sécurité d’emploi chez l’homme, de sa bonne tolérance à des doses
efficaces, de sa capacité être produite
en grande quantité… A supposer
que toutes ces étapes soient franchies, le nouvel antibiotique pourrait apparaître
sur le marché d’ici dix ans ou peut-être moins.
« C’est assurément une bonne nouvelle car peu
d’antitiobiques sont apparus récemment », se réjouit le
professeur Mathieu Molimard (université de Bordeaux), président du Collège national de pharmacologie
médicale. « L’activité sur le bacille de Koch est probablement la plus
intéressante, compte tenu de l’ampleur des résistances, car pour les autres
bactéries, nous ne sommes heureusement pas encore en situation d’impasse
thérapeutique », remarque le professeur Molina.
Les deux spécialistes soulignent que la meilleure
nouvelle qu’apporte cet article est l’identification d’une nouvelle technique
de culture in situ, qui va permettre
d’explorer un ensemble de micro-organismes jusque-là inexploitables. « C’est
un peu comme si l’on avait découvert un nouveau champ de pétrole », se réjouit le professeur Molimard.
La découverte pourrait aussi motiver
l’industrie pharmaceutique pour réinvestir
ce domaine de recherche. Certains signes montrent un regain d’intérêt. En 2013,
Roche a racheté Polyphor, un petit laboratoire spécialisé dans les
antibiotiques, et en décembre 2014 Merck a annoncé l’acquisition pour plus
de 7 milliards d’euros de Cubist Pharmaceuticals, une société spécialisée
dans les traitements contre les bactéries superrésistantes.
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