jeudi 4 octobre 2012

le Titanic à Alger

Une chronique fiction pas si invraisemblable que ça, signée Salima Ghézali dans La Nation du 3 octobre 2012...si vous prenez froid, rallumez le chauffage...avant que le gaz de schiste ne viennent ajouter au désordre...

En guise d’épitaphe : Par les baroudeurs et pour les baroudeurs

Salima Ghezali
Mercredi 3 Octobre 2012



Et si la rumeur décidait de frapper un grand coup? Un coup en traitre. De ceux qui tombent le soir quand il est vingt trois heures à Alger, minuit à Paris et Rabat. Et seulement 18h à New-York. Si, brusquement tombait cette improbable annonce de la mort des six principaux décideurs algériens. Les uns toujours en poste, et les autres participant à la décision à partir d’une retraite fictive, sorte de variable d’ajustement du pouvoir de signature sur le pouvoir du poing sur la table. Les deux, au même moment, neutralisés par un même coup du sort.

Que se passerait-il alors dans le pays (et en dehors) ? Qui appellera qui ? Qui se rendra le premier à l’ambassade de France sans même prendre rendez-vous ? Qui le premier formera le N° de l’ambassadeur US ? Qui roulera à tombeau ouvert vers le campement de l’ambassadeur d’Arabie Saoudite en villégiature dans le grand sud ? Quel jet privé décollera immédiatement d’Alger en direction de Malte, de Berne ou de Monaco ? Quel autre au même moment s’élèvera dans le ciel de Valdivostok pour aller à sa rencontre ?

Et quelle épouse d’ambassadeur enverra d’Alger un tweet à celui qu’on surnomme le «Jacques Foccart sans valises du Sahel » pendant que son chauffeur se contentera d’un SMS à son homologue auprès de la succursale locale de la maffia chinoise ? Et un autre pour le chef des Sayanim du Maghreb.

Un cran en dessous, qui ira falsifier son acte de naissance pour se propulser, le plus ancien dans le grade le plus élevé ? Qui signera à la place de son frère la pile des contrats en souffrance depuis des lustres ? Qui se fera porter malade pour ne rien assumer ?

Qui se sauvera avec le contenu du coffre de sa banque et qui ira négocier avec un agent de sa gracieuse majesté une pile de dossiers compromettants ? Combien de dirigeants sahraouis rallieront le Maroc et combien iront immédiatement s’approvisionner en armement lourd libyen ?

Quels ministres répondront à une convocation urgente du gouvernement de Sellal et combien lui préféreront un entretien avec un officier traitant ? Qui viendra à la réunion muni d’un papier le désignant, lui, au poste de premier ministre signé par au moins deux des défunts sur leur lit de mort ? Combien de faux-témoins s’aligneront sur sa version des faits ? Combien auront le courage de rire à la dernière blague que leur opposera en réponse le premier-ministre et jusqu’à quel point rira-t-il lui-même ?

Et qui en ville réunira en premier les groupes de supporters des clubs de foot pour une démonstration de force, et qui proclamera la dissidence des chambits* de sa région ?

Le président du Sénat apprendra-t-il par sa secrétaire qu’il vient d’être intronisé président par intérim avant que son chauffeur ne démente l’information? Et auprès de qui le président du parlement ira-t-il prendre conseil ? Qui répondra aux coups de téléphone du président du conseil constitutionnel ? Qui prendra la décision de réunir les chefs de région et qui s’y opposera par mesure de sécurité ? Qui fermera le ciel à la navigation ? Et qui l’ouvrira à l’aide d’une escouade de ninjas ?

Quel « opposant » ira se filmer en train de « dégager » l’ambassadeur de Syrie pour prendre de vitesse ses (trop nombreux) concurrents au poste d’ « Erdogan algérien» ? Qui proclamera la première sécession Touarègue et qui prêtera attention aux deux-cent cinquante républiques autonomes proclamées unilatéralement sur Internet ?

Et dans ce capharnaüm, qui prendra au sérieux le rapporteur de la commission pour l’amendement de la constitution qui viendra expliquer comment les réformes du Président avaient prévu le règlement de la succession ?
 
 
* Chambits : Terme Algérien dérivé de gardes champêtres.

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