mardi 19 avril 2011

Paroles de Habib Tengour


Fort de l'Est à coté de Pierre Jorris, traducteur à l'Anglais des œuvres de Habib
Habib Tengour :
« Aucune œuvre ne se suffit à elle-même, elle a besoin de passeurs »


Comment avez-vous retrouvé votre ville, le Tigditt de votre enfance ?
La ville change beaucoup au fil de mes retours ; elle subit une déstructuration sur le plan architectural. Elle a grandi, des HLM poussent dans tous les sens. On note une urbanisation un peu sauvage ; je me dis que c'est un mauvais moment à passer.

Et Tigditt ?
Ah, Tigditt ! Je suis allé voir la maison où je suis né, elle n'a pas beaucoup changé, mais j'ai des craintes. Avant, nous n'avions pas de maisons à étages, puis les gens se mettent à construire en hauteur, c'est inquiétant de voir ces maisons à deux ou trois étages. Ça fait peur, à mon avis, on aurait dû veiller à maintenir certains espaces pour la mémoire de la ville.

On sent chez vous un certain désarroi ?
Pour moi, c'est un monde dont on ne garde pas de traces, c'est ça qui est terrible, vouloir tout effacer, c'est terrible pour la mémoire.

Vos livres constituent cet autre espace de mémoire, non ?
Oui, mais c'est dans les mots uniquement. Je maintiens que la mémoire a besoin de choses concrètes, plus matérielles. Elle a besoin d'images. Si j'avais les moyens, j'aurais acheté la maison où je suis né, où mon père est né. J'en ferai bien un petit musée pour déposer mes livres. A quelques pas, il y a la maison de Kaki, puis plus loin celle de Khada. Il n'y a même pas une petite plaque ! C'est triste de voir tout cet héritage partir par petits bouts. C'est une ville qui a une histoire tant sur le plan culturel que politique, c'est cette histoire que l'on détruit.

Chez Oulhaci en compagnie de Mustafa Ghobrini

On vous sent révolté ?
Bien sûr, mais ma révolte je la fais passer dans mes écrits. Je m'insurge contre cette amnésie programmée. J'écris pour garder cette mémoire.

Mosta est-elle toujours présente dans vos livres ?
L'enfance est le lieu inépuisable de l'inspiration. Même dans les livres qui n'ont rien à voir, Mosta y apparaît ne serait-ce qu'avec un personnage, une histoire, un quartier, des sensations de jeunesse.

A propos de jeunesse, quel lien avez-vous avec les jeunes ? Vous lisent-ils ?
Il y a de moins en moins de lecteurs jeunes, surtout parce que les livres manquent sur le marché. A la différence des années 80 où « Sindbad » ma maison d'édition était présente chez nous.

Est-ce à dire que même à Mosta, Habib Tengour reste inconnu ?
Ah oui ! A Mosta et ailleurs ! Ce qui me chagrine c'est que même des professeurs de littérature ne connaissent pas mon travail.

Mais vous êtes connu à l'étranger ?
J'ai un public, je suis traduit en Allemagne, aux Etats-Unis, en Italie, des chercheurs travaillent sur mes textes, sur ma prose, d'autres font des lectures. Ce sont des passeurs, car aucune œuvre ne se suffit à elle-même, elle a besoin de médiatisation.
dans l'atelier de Med Oulhaci à Stidia

Ailleurs, vous rencontrez votre lectorat, pourquoi pas en Algérie ?
Parce que je ne suis pas invité ! L'idéal c'est d'aller lire dans les lycées, dans les universités, ici on me demande de faire des conférences académiques au lieu de me faire parler de ma littérature. Il n'y pas cette tradition d'inviter un auteur, de l'interroger sur son travail, comme en Allemagne, en Italie, en France.

Serez-vous présent au Panaf ?
Grâce à Mme Khada qui connaît bien mon travail. C'est la première universitaire algérienne qui a écrit sur « Le vieux de la montagne ». J'y serai comme auteur et non pas comme universitaire.
El Watan du 01 - 07 - 2009




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...